Chapitre 1 : PINA COLADA...OU PAS

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13 novembre 2021, 10 : 57

Boum. Boum. Boum. Boum. Ce quelque chose qui tambourine dans mes entrailles. Un bruit à la fois étrange et familier. Comme s'il était là depuis longtemps, chuchotant, et qu'il avait brusquement pris en puissance.

« Mademoiselle Molino, ce que je m'apprête à vous annoncer risque de vous mettre en état de choc. Ce battement que vous entendez, c'est celui de votre bébé. Vous êtes enceinte de 5 mois ».

Stop. On rembobine.

13 novembre 2021, 8 : 30

« Tu veux que je te dépose à la fac ? Ça ira plus vite et c'est sur mon chemin »

Comme chaque matin de mon existence depuis vingt et une merveilleuses années, je suis une fois de plus en retard.

Les yeux encore éblouis par la lumière du jour, des traces de mascara mal essuyé de la veille et une folle envie de faire marche arrière pour retrouver mon lit. En mode survie. Une dosette de café, trois bouffées de cigarette, cinq minutes dans la salle de bain et je suis prête à décoller.

Valentine m'attend sur le pas de la porte, habillée comme si elle allait au prochain défilé de la Fashion Week alors que les seules stars qu'elle va côtoyer aujourd'hui s'appellent Martine et Tristan, ses deux charmants collègues pharmaciens qui ne voient aucun problème à porter des polaires quechua ou des pantacourts. Je vous laisse imaginer le joyeux mélange.

Nous descendons à toute vitesse les six étages qui nous séparent du parking. Je manque de tomber au moins trois fois, maladresse légendaire. Je grimpe sur le siège passager de la Twingo rose bonbon de ma chère amie, tout en sobriété, et celle-ci démarre en trombes direction La Sorbonne.

Une demi-heure plus tard, je me trouve une place dans l'amphithéâtre avec très exactement deux minutes et treize secondes d'avance. Quel sens du timing. J'ai même eu le temps d'aller me chercher un petit pain au chocolat dans la boulangerie qui fait l'angle.

Je fais signe à Paul de me rejoindre quand je le vois pénétrer dans la salle.

« Tu peux m'expliquer pourquoi on s'auto-inflige ce cinéma tous les matins depuis quatre ans ? Qui a décrété que les cours devaient démarrer à une heure aussi indécente ? Et où-est-ce qu'on trouve encore la motivation de se pointer alors qu'on aurait pu tout plaquer pour partir aux Bahamas et passer nos journées à mater des surfeurs en sirotant des Sex on the beach ? »

Voilà pourquoi j'adore Paul. Même dans les journées les plus merdiques, les cours les plus chiants, les partiels les plus catastrophiques, son théâtralisme rendrait n'importe quelle galère supportable.

« Comment dire ? On a - en quelque sorte - un diplôme à préparer pour lequel on bosse - en quelque sorte - comme des acharnés depuis des années. Je ne sais pas toi, mais personnellement j'ai un frigo à remplir et un prêt étudiant à rembourser. Et je suis pas sûre que ma banque accepte un remboursement en pina colada » répondais-je.

Monsieur Lefevre, éminent professeur de droit pénal international, pénètre dans l'amphithéâtre et bondit sur l'estrade avec la grâce et la légèreté qu'on lui connaît.

« Chers étudiants, je sais que pour certains d'entre vous la nuit ne fait commencer mais si vous pouviez avoir l'aimable obligeance de ne pas confondre mon cours avec une salle de sieste, je vous en serais éternellement reconnaissant »

On ne peut pas lui enlever son talent pour captiver un auditoire. J'en serais presque amusée si je n'étais pas soudainement prise par une violente crampe à l'estomac. Je grimace. Pire que des douleurs de règles. Enfin, qu'est-ce que j'en sais maintenant ? Ça fait bien quatre ans que je ne les ai pas eues avec la pilule.

Je ne suis pas du genre hypocondriaque mais l'intensité commence à devenir insupportable. Je me tourne vers Paul et lui fais signe que je sors m'aérer le temps que ça retombe. A peine ai-je franchi le seuil de la porte que je m'écroule lamentablement par terre. Putain.

Ça doit être l'appendicite, me dis-je. Maman l'a eu quand elle était petite et elle m'a dit que ça faisait un mal de chien. Que ça te prenait sans prévenir et qu'il fallait aller aux urgences. Moi qui pensais passer une journée à peu près sympa, visiblement le destin veut pas me foutre la paix.

J'appellerais bien Val pour lui demander de venir me chercher mais elle n'a pas son téléphone sur elle quand elle est en service. Coup de bol – et peut-être bien le seul de cette journée - Paul sort à ce moment-même de l'amphi.

« Merde, Sasha, qu'est-ce qui t'arrives ? Je peux faire quelque chose ? »

« Faut que j'aille aux urgences, je me sens vraiment pas bien, je peux même pas me relever »

« Je te proposerais bien de t'emmener à bord de ma Ferrari, malheureusement pour l'instant elle n'existe que dans mes rêves. Sinon c'est plutôt RER A avec option odeur de sueur et collé serré »

« Paul, tu sais que ton second degré est une de choses que je préfère chez toi. Mais là j'ai vraiment pas le cœur à rire ».

« Ok, ok. Bon, je prends les choses en main »

Paul dégaine son Iphone 13 et compose le 18. Il explique la situation non sans y rajouter une pointe d'exagération (à base de « ma meilleure amie est en train d'agoniser »).

Quelques minutes plus tard, une escouade de trois charmants pompiers arrive à mon niveau. Je suis un peu gênée par toute cette mise en scène. Ils ont sûrement plus urgent à gérer qu'une étudiante dont les maux de ventre sont sans doute dus à la constipation foudroyante dont elle souffre depuis une semaine. Occlusion intestinale, so sexy. J'ai toujours l'art de me mettre dans de beaux draps.


Celui qui ne semble pas trop souffrir de ma situation en revanche, c'est Paul. Il se rince les yeux sur un des trois Apollons qui viennent à mon secours, c'est à se demander s'il les a vraiment appelés pour moi.

« Bonjour Madame, je m'appelle Samuel. Mes deux collègues et moi-même on va vous emmener à l'hôpital le plus proche. Sur le chemin, je vais vous poser quelques questions pour essayer de comprendre d'où vient cette douleur et faire le relai avec l'équipe médicale qui va vous prendre en charge. Pas d'inquiétude, on a l'habitude, c'est notre métier. On va prendre soin de vous. »

« Est-ce qu'il a quelqu'un de votre entourage à contacter qui pourra se rendre rapidement à l'hôpital ? » renchérit son acolyte rouquin.

« Non, pas vraiment. Est-ce qu'il peut venir ? » demandais-je en désignant Paul.

« Ok »

« Euh ok, euh qu'est-ce que je fais ? Je repasse chercher ton sac et ton ordi dans l'amphi ? On laisse tout en plan ? » Paul panique, c'en est presque amusant.

« Allez-y rapidement, le temps qu'on l'installe sur le brancard vous avez encore 2 minutes » répond le rouquin. 

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N.A : Alors, votre avis sur ce premier chapitre, sur le personnage de Sasha ? Le sens de l'humour de Paul : validé ou pas ? 

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A SUIVRE ... (prochain chapitre publié le 13/09)

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Le hasard fait bien les chosesWhere stories live. Discover now