Chapitre 12 : PRIÈRES ET RÉPONDEUR

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17 décembre 2021, 12 : 17

Une semaine s'est écoulée depuis mon altercation avec Samuel. Une semaine au cours de laquelle j'ai ressassé mes propos, ne sachant pas déterminer si je m'étais comportée en adulte lucide et responsable ou en énorme connasse. Il faut dire que niveau gestion des émotions, les hormones n'aident pas.

Je peux comprendre qu'il ait été surpris et désarçonné par ma franchise, mais sincèrement j'espérais un peu plus de compréhension et de maturité de sa part. Il n'est pas le seul à souffrir, à subir cet interdit. Seulement lui voudrait tenter le tout pour le tout sans se soucier des conséquences, et ne semble pas comprendre que je n'ai plus ce luxe.

Je ne peux pas m'engager dans une pseudo-relation aussi incertaine que bancale uniquement au gré de mes envies. Le risque est trop important, si je me retrouve avec le cœur brisé en plus du bébé sur les bras, je n'ose imaginer la catastrophe.

Enfin, bref. Au diable Samuel et ses réactions puériles ! J'ai pris la bonne décision et s'il ne veut plus entendre parler de moi, tant pis pour lui.

Je suis sur ma lancée de bonne résolutions – oui j'ai pris un peu d'avance cette année - opération « je reprends ma vie en main ». Et cela commence par le fait d'affronter ce que je redoute depuis plus d'un mois maintenant : lâcher la bombe à Fabio.

J'ai longtemps réfléchi à la manière la plus judicieuse de lui annoncer. Sms, appel – vidéo ou sans vidéo – prendre un aller simple pour Buenos Aires et me pointer par surprise sur son pallier ? Pas certaine que la dernière option soit un éclair de génie – il faut dire que c'était l'idée de Paul.

Trêve de plaisanteries, je prends mon courage à deux mains, saisit mon téléphone et invite mes compères Val et Paul à me rejoindre dans le salon pour faire office de support émotionnel au cas où tout cela tournerait mal.

Tandis que la sonnerie d'appel retentit, je sens mon cœur battre la chamade. A ce rythme-là, je vais faire une crise cardiaque avant que Fabio ait le temps de décrocher. Peut-être que c'est un signe que l'univers m'envoie ? Signe que je suis en train de faire une énorme connerie ? Ou alors c'est simplement mon corps qui dégouline de stress tellement je me fais des nœuds au cerveau. Verdict dans quelques instants.

Val, d'un calme olympien comme à son habitude, se tait et me prend la main comme pour me rassurer. Paul, dans un autre état d'esprit, fait le signe de la croix en boucle depuis cinq minutes, comme s'il attendait qu'une présence divine nous vienne en aide.

C'est lui tout craché : il ne croit en Dieu que quand ça l'arrange. A savoir qu'il n'irait jamais mettre un pied dans une église mais quand il s'agit de demander le dernier IPhone pour Noël ou de se goinfrer de Kinder Surprise à Pâques, aucun problème.

Ceci dit, il semble prendre très au sérieux la situation. Je ne sais pas si je dois en rire ou m'en inquiéter.

Bip. Bip. Bip. Aucune réponse.

Une partie de moi se sent immensément soulagée de ne pas avoir à me confronter à Fabio – du moins pour le moment –, l'autre a sa fierté mal placée qui se trouve un peu vexée qu'il ne daigne pas répondre à mon appel. C'est bête, je sais.

Je me décide donc à rédiger un message. Après concertation avec Val – et pas Paul puisqu'il est maintenant en train de réciter le Notre Père à genoux – je me dis que c'est peut-être la meilleure chose à faire. Comme ça il pourra prendre connaissance du message et digérer la nouvelle sans répondre sous le coup de l'émotion.

Je finis par lui envoyer, non sans retenir mon souffle d'anxiété :

« Hello Fabio ! Je ne sais pas si tu te souviens de moi, c'est Sasha, l'étudiante parisienne. Figure-toi que j'ai découvert récemment que j'étais enceinte...de toi ! Ce n'est malheureusement pas une blague de mauvais goût, au cas où tu te poserais la question. J'attends bel et bien un enfant, qui devrait naître dans 3 mois. Et c'est bel et bien le tien, puisque – pour ne rien te cacher- je n'ai fricoté qu'avec toi en juin. Voilà, j'ai estimé que tu avais le droit d'être au courant, maintenant ça ne veut pas dire que j'attends une quelconque implication de ta part. Tu as ta vie en Argentine, ce bébé est là par accident et ni toi ni moi n'avions prévu de faire notre vie ensemble. Tu ne me dois rien, tu n'es même pas obligé de répondre à ce message »

L'essentiel est là, ponctué de quelques formulations spontanées souvent maladroites.

Au fond de moi, je ne sais pas vraiment ce que j'espère de ce message. Certes, dans les faits, je dis que je n'ai aucune attente, mais dans la réalité je sais que sa réaction ne me laissera pas indifférente. Quelque part c'est peut-être la seule personne qui peut avoir ne serait-ce qu'une vague idée de ce que je traverse. Puisque ça lui arrive à lui aussi.

Et en même temps, il est a plus de dix mille kilomètres, et je ne sais pas grand-chose de lui, de quel genre d'homme il peut bien être quand une telle situation se présente. Un homme qui assume ses responsabilités ou un homme qui fuit par peur, par lâcheté. L'avenir nous le dira.

Paul, enfin sorti de son état de transe, nous propose d'aller au cinéma pour fêter cette étape. Nous sommes partantes, mais le choix du film risque de faire débat, comme à chaque fois. Paul propose Conjuring, suggestion immédiatement contrée par mon droit de veto, et Val veut voir un documentaire sur les plantations de soja au Venezuela. Inutile de préciser que son idée – aussi divertissante puisse-t-elle être - ne suscite pas l'engouement général.

Je joue la carte « pauvre de moi, ma vie est un enfer » pour apitoyer mes amis qui finissent par accepter mes doléances : nous irons voir Les Tuches. Certes, on ne risque pas de ressortir de la séance avec une nouvelle perspective sur le sens de la vie ni en ayant l'impression d'avoir assisté au nouveau chef d'œuvre du septième art, mais au moins on se détend et on oublie un peu les tracas du quotidien.

Ça ne peut pas me faire de mal.

Paul ne peut pas s'empêcher de s'indigner de devoir payer 10,50 euros sa place pour – je cite- « aller voir une croûte pareille ».

Bienvenue à Paris, la ville de l'amour et du capitalisme. Et puis, lui qui est bien capable de mettre 300 euros pour une paire de chaussettes sous prétexte que la légende dit qu'elles ont été portées par Karl Lagarfeld quand il était enfant – légende dont la véracité repose sur une annonce Le Bon Coin– il ne va pas nous faire un scandale pour si peu.

C'est l'hôpital qui se fout de la charité, ou comme dirait Mamie Thérèse « c'est le camembert qui dit au roquefort : « tu pues » » !

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N.A : Alors, votre avis sur le choix des films, plutôt team Paul, Val ou Sasha ? Et la réaction de Fabio, vous vous attendez à quoi ?

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A SUIVRE ... (prochain chapitre publié le 22/10)

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