Chapitre 10 : MONTAGNES RUSSES

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8 décembre 2021, 18 : 03

L'heure fatidique a sonné. Il me reste très exactement 27 minutes à vivre. Peut-être serait-ce le bon moment pour vous faire part de mes dernières volontés ? Par exemple :

1- Faire venir Ryan Gosling pour lire mon oraison funèbre (c'est pas parce qu'on est morte qu'on peut pas se rincer l'œil de là-haut !)

2- Ne pas laisser Paul choisir la chanson qui sera diffusée à mon enterrement (sous peine de se retrouver avec la voix de Britney Spears qui hurle dans les haut-parleurs de l'église, pas sûre que le prêtre apprécie. Quoique, il est ouvert d'esprit)

3- Revendre ma collection inédite de dés à coudre sur Vinted pour me financer l'emplacement à côté de Simone de Beauvoir au cimetière.

Val et Paul, comme à leur habitude, s'amusent de mon désarroi. Eux qui sont friands de « sensations fortes » trouvent ma réaction un poil excessive. Désolée de ne pas sauter au plafond quand j'apprends qu'on m'a tendu un guet-apens ! Quand je leur ai demandé en quoi consistait l'escape game qu'ils avaient réservé sans me consulter mais tout en partant du principe que j'avais obligation de venir, j'ai eu comme réponse :

« Un escape game, c'est comme une sorte de chasse au trésor grandeur nature. Il y a un joli décor immersif, une énigme à résoudre, des cadenas à déverrouiller... Bref, tu te mets dans la peau d'Hercule Poirot »

Ce que Val n'avait pas jugé utile de préciser à ce moment-là (selon ses dires, un oubli – à mon sens, un mensonge conscient et prémédité), c'est que c'était un escape game d'horreur ! A ma connaissance, Hercule Poirot n'a jamais résolu d'enquête en pleine apocalypse ni poursuivi par une horde de zombies affamés !
Sauf que ça – bien entendu- je ne l'ai découvert qu'à l'instant quand nous sommes arrivés sur les lieux.

 
Je suis en hyperventilation tandis que mes amis s'occupent à essayer de deviner quelles stratégies pourraient être mises en œuvre pour nous faire paniquer au maximum

« J'ai entendu dire qu'ils allaient nous enfermer chacun dans un cercueil et qu'on devrait se libérer tout seul ! » dit Paul, anormalement enjoué par cette idée.

« Moi, j'ai lu quelque part qu'on devait se cacher parce qu'il y aurait de vrais acteurs qui rentreraient dans la salle pour nous attaquer par surprise ! » renchérit Val, elle aussi dans un état euphorique presque préoccupant.

Alors que je suis à deux doigts de faire machine arrière, Erwan, Harry et Samuel passent la porte de la salle d'attente. Cette fois-ci, je suis foutue.

Un employé nous explique les règles du jeu puis nous invite à le suivre au sous-sol. Commence alors une mise en scène tout à fait effroyable qui consiste à nous menotter les uns les autres, nous faire avancer dans une pièce obscure en nous hurlant ce qui – je suppose- se veulent être des cris de zombies dans les oreilles.

La panique s'accélère, j'appelle à l'aide mes amis qui ne répondent pas. Dans la pénombre, j'attrape la première main qui se trouve à proximité.

« Aïe ! », je reconnais la voix de Samuel.

« Pardon, c'est Sasha. Je peux rester accrochée à toi ? » je le supplie, enterrant définitivement toute dignité.

« Tu peux mais alors t'as plus intérêt à te foutre de moi la prochaine fois que je te dis que je pleure devant un Disney » me répond-il.

J'esquisse un sourire. Un court instant, j'en aurais presque oublié qu'on était en train de vivre un épisode de The Walking Dead – un peu trop réaliste à mon goût.

Le hasard fait bien les chosesWhere stories live. Discover now