Chapitre 15 : BINÔME GAGNANT

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31 décembre 2021, 21 : 47

Fabio. Là. Sur le seuil de ma porte. Dites-moi que je rêve, que j'ai abusé du mousseux ou que les pizzas surgelées contenaient des champignons hallucinogènes.

Fabio habite à Buenos Aires, 11 785 kilomètres et 15 heures de vol nous séparent.

Je cligne des yeux trois fois d'affilée pour m'assurer qu'il est bien en face de moi. Ma myopie me fait parfois défaut mais cette fois, pas de doute.

Tous les regards sont braqués sur nous, certains interloqués par l'absurdité de la situation, d'autres parfaitement conscients de l'embarras dans lequel je me trouve.
J'ai le visage qui vire à l'écarlate, les joues qui s'embrasent et je ne sais plus où me mettre. Pourquoi m'infliger ça ?

« Fab...Fabio ? Mais, que fais-tu là ? » je bredouille péniblement.

« Qué t al guapísima ? Yé mé souis dit qué yallais té faire una sorpresa ! Maintenant qu'on va être oune bella familia, yé veux voir el niño ! » me répond-il, affichant un sourire digne des meilleures publicités pour dentifrice.

Si je pouvais m'enterrer six pieds sous terre là, tout de suite, je le ferai sans hésitation. Sa surprise, il peut se la mettre où je pense ! Comment ça « maintenant qu'on va être une belle famille » ? Il a fumé la moquette avant de venir ?

A vrai dire, Fabio m'a l'air bien éméché et je ne suis pas certaine que ce qui sort de sa bouche soit passé par la case « cerveau » en amont. Je ne peux m'en prendre qu'à moi, je n'avais qu'à être plus sélective quant au quotient intellectuel des personnes avec lesquelles je prends le risque de faire un bébé.

Je me rassure en imaginant qu'il nage en plein délire et que la réalité va vite lui ramener les pieds sur terre quand il aura décuvé.

En attendant, j'aimerais mettre un terme définitif à ce moment de malaise général et que chacun retourne à ses occupations. Je me sens suffisamment ridicule comme ça. 

Heureusement, je peux compter sur le soutien de Paul qui détourne l'attention en proposant une partie de Time's Up revisitée. Le principe est simple : l'équipe qui a le moins de points à la fin de la manche a un gage : elle doit publier sur son compte Instagram une story comme si elle assistait à un concert de Patrick Sébastien, avec en musique de fond « Et quand il pète il troue son slip » et une légende indiquant « Quelle émotion, quel artiste ! J'en ai des frissons à chaque fois ».

Que ceux qui souhaitent préserver leur dignité se rangent sur le côté.

Quant à moi, je m'éclipse pour essayer de contrôler les dégâts. J'attrape Fabio par le bras et le conduis jusque dans ma chambre pour nous isoler. Sur le chemin, je croise le regard désapprobateur de Samuel. Qu'il se mêle de ses oignons, celui-là !

Fabio se met à rire à gorge déployée lorsqu'il réalise qu'il a mis deux chaussettes dépareillées. Le sens de l'humour, encore un domaine pour lequel on n'est pas sur la même longueur d'onde. J'espère que le gamin héritera plutôt du mien.

Je vais lui chercher un grand verre d'eau et l'invite à s'asseoir sur mon lit pour l'aider à dessaouler. Plus vite il retrouvera ses esprits, mieux ce sera. Mais sous l'emprise de l'alcool, Fabio semble mal interpréter mes intentions et me lance avec un air qui se veut séducteur – je suppose :

« Tou és encore plous sexy qué dans mes souvenirs, mamacita ».

Je frôle la syncope et laisse échapper un rire nerveux. Il n'a visiblement pas perdu son sens des priorités. En revanche, me concernant, je ne suis pas venue pour lui réclamer une partie de jambes en l'air.

Alors que j'envisageais de lui remettre les idées en place et de lui expliquer qu'il était à côté de la plaque, je réalise que ma tentative serait vaine puisque Fabio a réussi l'exploit de s'endormir en l'espace de trente secondes. Il ronfle, en plus. Super.

A la réflexion, ce n'est peut-être pas plus mal : il est maintenant hors d'état de nuire et je vais pouvoir retourner à ma soirée.

Alors que je passe à peine un pied dans le salon, espérant de tout cœur que tous les apéricubes n'ont pas été engloutis, Val s'écrie :

« Ah, Sasha, te voilà ! Parfait, on est un nombre pair ! ».

Face à mon visage interrogateur, elle m'explique qu'une partie de Kem's est en cours de préparation. Pour ajouter un peu de piment au jeu, Val a décidé qu'on allait tous écrire nos noms sur des petits papiers qu'on tirerait au sort pour que les duos se forment au hasard. En réalité je la soupçonne d'avoir ajouté cette condition pour nous empêcher Paul et moi d'être ensemble, elle sait qu'on a un signe infaillible et ça a le don de la rendre folle.

Quand c'est au tour de Samuel de voir son prénom tiré du chapeau, je prie intérieurement pour ne pas être la suivante. Evidemment, ma malchance légendaire me rattrape et je suis assignée pour être son binôme. Il a l'air à peu près aussi ravi que moi.

Nous nous extirpons du groupe pour convenir d'un signe. J'espère secrètement que ce petit échange imposé nous permettra de briser la glace et de revenir à une atmosphère plus amicale. Pour ça, il faudra que lui comme moi nous y mettions un peu du nôtre.
Malheureusement, Samuel reste très pragmatique et se contente de me dire :

« On a qu'à se mordre la lèvre. Je l'ai déjà fait, ça marche à tous les coups ».

Se mordre la lèvre, il le fait exprès ? Il ne pouvait pas me suggérer un signe un peu moins aguicheur ? Si je comprends bien, on va passer la partie à se regarder l'un l'autre en se mordillant les lèvres et je dois faire comme si c'était une interaction des plus normales.

Je me contente de hocher la tête en signe d'approbation. Pas le courage d'argumenter avec lui ce soir, et il n'a pas l'air de vouloir prolonger la conversation puisqu'il se rue sur sa Paula à peine deux secondes après. Charmant.

La partie commence et je dois dire que son signe – à défaut d'être subtil - nous réussit plutôt bien. On enchaîne les points marqués et une sorte de tension silencieuse mais puissante s'installe entre nous. C'est comme si les ressentiments accumulés depuis des semaines s'étaient évaporés pour faire naître quelque chose de beaucoup plus dangereux : le désir.

Paul enrage car il ne supporte pas de perdre, tandis qu'Harry, désigné responsable de leur défaite, lance à notre attention :

« Vous deux il faut vous séparez, votre alchimie fait des étincelles »

Si la remarque se veut drôle, elle provoque néanmoins une certaine gêne chez mon co-équipier et moi-même qui interrompt brutalement notre envolée idyllique.

Une fois la partie terminée, je décide d'aller jeter un coup d'œil à Fabio, histoire de vérifier qu'il est toujours vivant et qu'il n'a pas transformé ma chambre en nurserie avec ses pulsions paternelles malvenues.

Tout va bien, il dort comme un bébé, supplément petit filet de bave au coin de la bouche. C'est dans ces moments-là que je réalise que le sex-appeal tient à bien peu de choses.

Soudain, je suis tirée de mes pensées par le bruit de la porte qui s'ouvre. Je sursaute et me retourne pour découvrir la silhouette de Samuel, qui semble tout aussi surpris de me trouver là. Je ne sais pas vraiment à quoi il s'attendait en venant dans ma chambre.

« Excuse-moi, je ne savais pas que tu étais là. On cherche l'adaptateur pour brancher l'ordinateur à la télé et Val m'a dit qu'il était dans ta chambre »

Pas la moindre idée d'où cet adaptateur peut bien être mais je propose à Samuel de le chercher avec moi. Nous fouillons de fond en comble la pièce sans la moindre trace de l'objet convoité. Le silence se fait pesant entre nous.

Je décide d'agir en adulte et de briser la glace, peut-être pas de la meilleure des manières :

« Je ne savais que tu voyais quelqu'un »

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N.A : Alors, votre avis sur le comportement de Fabio et de Samuel ? Comment l'année va se finir ?

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A SUIVRE...(prochain chapitre publié le 01/11)

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