La ponctuation

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L'Éditeur jouait au ping-pong avec quelques-uns de ses disciples dans un parc, et il leur mettait une sévère dérouillée. Au bout d'un moment, lassé, Ahmed jeta sa raquette sur la table :

« Seigneur, si vous étiez un signe de ponctuation, lequel seriez-vous ? »

L'Éditeur échangea un regard circonspect avec Emma et Faustine. Il dit :

« Bordel, Ahmed, quel rapport avec le ping-pong ?

– Aucune, Seigneur. Cette question me taraudait depuis un moment.

– Et toi-même, quel signe de ponctuation serais-tu ?

– Le point d'interrogation. J'aime me poser des questions et me remettre en question. Je me définis comme quelqu'un de curieux. »

L'Éditeur resta de marbre. Afin de rompre le silence gêné qui s'installait, Faustine prit la parole :

« Moi, je serais un guillemet. C'est une invitation au dialogue, à l'échange.

– Et moi, ajouta Emma, je serais un point d'exclamation ! J'aime l'enthousiasme qu'il implique. Et puis sa forme vaguement phallique. »

L'Éditeur les dévisagea avec l'air de se dire qu'ils étaient tous tombés sur la tête. Ses trois disciples se tournèrent vers lui, attendant qu'il donne sa préférence. Il soupira :

« Le point-virgule, mettons. Il fait un travail difficile. Rarement compris par le commun des mortels, il est trop souvent détesté ou idolâtré ; il rassemble et oppose. Il est indéfinissable, insaisissable ; il est incompris. »

Emma s'exclama :

« Ainsi soit-il ! Pour toi, Seigneur, je défendrai désormais le point-virgule ; je répandrai son usage ; et puis, c'est joli aussi le point-virgule. C'est trop mimi ; on dirait un petit pénis ! »

L'Éditeur répliqua :

« Apprends déjà à l'utiliser correctement, pour commencer. »

Et il s'en fut.

Les Cavaliers de l'ÉditocalypseWhere stories live. Discover now