Le Canyon des Dépités

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Le quintette de Héros traversa les contrées désolées qui s'étendaient au-delà de la Montagne du Chameau : la mal-nommée Plaine fantaisiste qui leur parut interminable, la cascade un peu confuse du Premier Jet et, surtout, l'inquiétant Canyon des Dépités.

Les cinq Compagnons s'arrêtèrent sur un monticule un peu avant le Canyon. De cette distance, celui-ci ressemblait à un immense réseau de cicatrices titanesques s'enfonçant profondément dans le sol, aussi loin que pouvait porter le regard – presque jusqu'aux montagnes à l'ouest, et au fleuve à l'est. Pour traverser ce labyrinthe, il fallait descendre jusqu'à des gorges que le soleil n'atteignait qu'à midi.

La Dama del Sol caressa pensivement Moka, sa lapine géante.

« Je n'aime guère cet endroit.

– Moi non plus, renchérit le Faune. Cette région fourmille de légendes lugubres.

– C'est un raccourci, rétorqua le Dernier Shadoniste. Vous préférez contourner ? »

La Dama del Sol secoua la tête. Un détour leur ferait perdre des jours précieux, alors même que les armées médiocres traversaient la Forêt des Personnages et qu'elles s'approchaient dangereusement de Borport.

« Tout de même, fit-elle. Des nuages s'amoncellent en mon cœur, comme si un avenir funeste nous attendait dans cette région, ou au-delà. »

Elle soupira.

« Je doute même que la lumière atteigne le fond de ce canyon.

– L'obscurité, c'est toute ma vie », trancha le Shadoniste avant de lancer son panda au trot.

Les deux Chauves ne dirent pas un mot. Ils échangèrent un regard, tout en s'assurant que leurs armes se trouvent bien à leur côté.

Ils descendirent du monticule, puis traversèrent sans enthousiasme la distance qui les séparait du Canyon. Peu à peu, le sol devint une pente, et la pente se fit de plus en plus abrupte, les menant vers ce labyrinthe rocheux où s'étendaient les ombres.

Les Chauves suivaient les Cavaliers un peu en retrait. L'inquiétude se peignait sur le visage de Moustachauve, quand Funky agrippait de plus en plus fréquemment le manche de son fléau d'armes.

Quelques heures plus tard, ils erraient dans les profondeurs de la Terre, à travers un dédale de couloirs naturels entourés par des murs rocheux, hauts de plusieurs dizaines de mètres. La Dama del Sol ne s'était pas trompée : c'est à peine si la lumière leur parvenait. Heureusement, l'auréole de la Dame et la nyctalopie du Shadoniste leur permettaient de se guider.

« Cet endroit schlingue la mort », fit Funky.

Sa voix résonna dans le dédale.

« Je ne vois pas en quoi c'est un problème », rétorqua le Shadoniste.

Moustachauve, le seul à ne pas avoir de monture, marchait derrière les autres. Il reniflait l'air humide avec insistance.

« Je sens une magie noire en ces lieux. Une magie que l'on croyait éteinte mais qui est restée bel et bien vivace.

– Saloperie », grogna Funky.

Le pressentiment de la Dama del Sol se faisait plus pressant. Malgré tout, la réponse de Moustachauve lui parut trop précise pour être innocente. Elle comprit que les deux Chauves en savaient plus qu'ils ne le disaient sur le Canyon des Dépités et les créatures qui y vivaient.

« Un Balrog ? demanda-t-elle.

– Pire, répondit Moustache. Les Sirènes rampantes... »

L'optimisme du Faune se réveilla :

Les Cavaliers de l'ÉditocalypseWhere stories live. Discover now