- Comme tu veux. Bon, j'y vais... Bon rétablissement ! Ne pus m'empêcher de lui dire en sortant de la chambre sans attendre sa réponse. 

Certaines fois, c'était grisant d'avoir le dernier mot sur Emma. Ces quelques moments volés me donnaient une assurance déterminante. Emma parlait beaucoup trop et tout ce bla-bla était souvent inutile, alors la dissuader d'une quelconque manière s'entend de répliquer était satisfaisant. 

Sur le parking m'attendait patiemment ma fidèle 4L bleue métallique datant de 1956 qui avec l'âge avait rouillée. Emma avait pris pour habitude de la surnommer "La Mouche" à cause de ses pétarades incessantes, rendant le bruit aussi insupportable (selon elle) que celui de cet insecte. Je me l'étais offerte un an auparavant alors que le garagiste était bien décidé à l'emmener à la casse. Mes quelques économies m'avait alors permis de la sauver d'une mort future  et bien qu'elle ne soit pas flambant neuve j'en étais pas moins fière. À Adrian la plupart des voitures étaient vieilles. Autremment dit rien de tape-à-l'œil. Mais, ici il n'était pas rare de voir une Mercedes rutilante se garer à côté de ma 4L la ridiculisant au passage.

Alors que je sortais de la FIU, je me remémorais cette soirée, deux ans plus tôt, où encore jeune j'avais par inadvertance essuyé la voiture de ma mère contre la paroi d'un mur en béton  La carrosserie n'en était pas sortie indemne. Ma mère ne m'avait pas crié dessus et j'aurais étrangement préféré qu'elle le fasse. Elle s'était juste contentée de me regarder droit dans les yeux et de m'affirmer combien j'étais  un danger public et qu'il était impensable que je réutilise sa voiture sans elle à mes côtés. Conditions que mon père avait hélas approuvé. C'était injuste. Plus, c'était humiliant. Après tout ce n'était qu'un petit accident d'ordre esthétique mais discuter n'était pas préférable. Je ne pus m'empêcher de rire sur la route, me rappelant ainsi à quel point ma mère était une personne calme en toute situation. Je l'admirais pour cette qualité, sans hésitation. Comme j'arrivais à hauteur du lieu, je compris que j'éprouvais à nouveau ce sentiment qui se matérialisait la plupart du temps quand je pensais à elle. J'éprouvais une grande fierté. 

En me garant sur le parking, je remarquai la voiture de Torie garée non loin de la mienne. Depuis que je la connaissais, je m'étais rendue compte que cette fille était toujours à l'heure. O.K...Pas tout le temps, mais assez pour remettre en cause ma ponctualité.

Je me dirigeai rapidement à l'intérieur, mes pieds m'emmenant tels des automates vers notre table habituelle. Nous apprécions particulièrement l'Odyssey car il nous permettait de sortir ne serait ce que le temps d'un repas de l'atmosphère environnante que constituait la horde d'étudiantes de la FIU. Et, ce en peu de temps. La cafétéria dans l'enceinte de l'université n'était pas déplaisante mais ce petit restaurant était de loin plus appétissant. L'établissement ne manquait pas de charme, surtout si on appréciait les années 80. Un sol carrelé noir et blanc et de petites tables blanches accordées parfaitement avec les sièges en cuir rouge, un brin usés. Le tout donnait une ambiance assez plaisante et conviviale amenant chaque personne ici présente à y retourner inévitablement. Au cours du temps, nous nous étions vite rendues que nous n'étions pas les seules à le fréquenter. Il était d'ailleurs très peu souvent vide. 

Torie était déjà installée et passait commande. Visiblement, avec nous, les habitudes avaient la vie dure. Ses lèvres s'étirèrent quand elle me vit approcher.

- Laisse moi deviner. Tu m'as pris une salade composée et un milk-shake à la fraise ? 

- Tu devines plutôt bien, ricana t-elle. 

 Ça n'était certes pas très bourratif mais les salades composées de l'Odyssey savait donner envie à n'importe quel réfractaire des crudités d'en manger les yeux fermés. Je ne faisais pas partie de ceux qui-faisaient-attention-à-leur-ligne-par-principe mais davantage de ceux qui-savaient-apprécier-la-saveur-de-tout-aliment-aussi-peu-calorique-était-il. Les autres pouvaient manger ce qu'ils voulaient, je m'en moquais. 

HEAVEN [en pause]Where stories live. Discover now