- J'ai accepté de t'accompagner et de mettre ta robe alors n'essaye même pas me convaincre de rester une minute de plus ici.

J'aperçus le regard d'Emma se poser sur sa robe à l'annonce de celle-ci avant de réaliser que c'était une très mauvaise idée. Décidément, cette soirée enchaînait les catastrophes.

- Pourquoi elle est comme ça ma robe ? Demanda t-elle en la pointant du doigt.

- J'ai eu un petit accident.

Elle fronça les sourcils en m'étudiant attentivement. Pas étonnant qu'on ne pouvait jamais rien lui refuser, son regard de braise savait en dissuader plus d'un de la contester.

- Depuis quand tu bois d'abord ?

Ce fut à son tour de croiser les bras, déterminée à me faire passer un interrogatoire, évaluant les circonstances tel un policier.

- J'ai eu un petit accident ne veut pas dire j'ai eu un petit accident en buvant.

Le plus délicat serait de mentir. Non pas que c'était un mensonge. Ce n'était guère ma faute si cette fille avait renversé sa bière sur moi. Ce n'était cependant pas la vérité d'affirmer ma sobriété. Chose étant qu'à l'annonce de ce baptême alcoolisé, Emma commencerait sûrement par rire, puis battre des mains ridiculement en l'air, avant de clamer haut et fort : "allons fêter cette nouvelle !" A tous les coups, je partirais de cette fête au plus tôt le lendemain matin traînant dans mon sillage une épave de mon amie.

Le scénario se déroulait devant mes yeux. L'air sceptique, Emma attendait que ma langue se délie, sans résultat.

- Peu importe, finit-elle par dire à mon plus grand soulagement. Je file ! J'ai des trucs à faire.

- Quoi ? Quels trucs ? Tu vas où là ?

Tout à fait le genre de non-conversation que je souhaitais éviter. Emma ne discutait pas, Emma imposait. Si elle avait décidé que la soirée se poursuivrait, il était inévitable qu'elle aurait le dernier mot. J'avais mis trois bonnes heures à la dénicher, il était hors de question qu'elle reparte. Pourquoi m'inviter ici, au milieu de parfaits inconnus, si c'était pour m'y laisser toute seule ? De rage, je la retins.

- Je vais rejoindre Sam, Kay.

Je notai une pointe d'agacement dans sa voix mais n'y tint pas compte.

- Bien sûr, soufflai-je.

- C'est quoi le problème ? Demanda t-elle irritée.

Je rêve, elle ose être énervée !

- Ça fait un temps fou que je te cherche alors que toi la seule chose qui te préoccupes c'est ce crétin, lâchai-je d'emblée.

- Tu veux parler du type qui nous a gentiment conduit ici ? Répliqua Emma, affichant une expression glaciale.

- Non, je veux parler de celui qui ne connait pas la définition du mot monogamie, ripostai-je en tenant bon.

Emma se révélait être vraiment pénible dans ce genre de situation.

- Aucune importance, dit-elle d'un ton catégorique. Je t'ai proposée de venir danser, tu as refusé. Ne viens pas te plaindre.

Je la dévisageai en me demandant si je devais calmer le jeu ou au contraire m'aventurer en terrain sensible. Après quelques secondes d'hésitation, j'optai pour la seconde option :

- Non...tu ne m'as pas proposé, tu m'as forcé. Si je suis ici, d'abord...c'est uniquement parce que t'as insisté pour que je vienne,

Emma se tut un long moment. Je me demandais si j'étais parvenue enfin à lui faire prendre conscience de son autorité pesante.

- Je voulais juste que tu profites, pour une fois...

Sa voix était à peine audible. Elle triturait ses mains, baissant les yeux. Et moi, qui pensait qu'elle n'abandonnerait pas !

- Depuis...depuis le décès de ta mère, j'ai l'impression que tu as perdu la joie de vivre. Je veux juste te voir heureuse, dit-elle en observant mes réactions.

Voilà la raison première de toute cette mascarade. Je la regardais, sans trop savoir si un tel comportement me blessait ou me décevait. Je détestais être prise en pitié par mon entourage et Emma le savait pertinemment. Peut être pensait-elle bien faire ? Certes...Mais, à la longue, penser bien faire ne suffisait plus.

- Je suis désolée, continua t-elle. Je voulais juste que tu...

- T'amuses ? Oui, j'ai crus comprendre.

- T'es fâchée ? Insista t-elle d'un ton implorant.

L'étais-je ? Même si je voulais ou croyais l'être, il était quasi impossible d'être en froid avec cette insupportable fille qui me servait à la fois d'amie, d'ennemie et d'une certaine façon de soeur.

- Tu sais bien que non Em.

Je vis ses épaules se relâcher, toute la tension accumulé se dissipant dans l'air, ce qui la réjouis sans conteste.

- Mais, ne me refais plus jamais un coup merdique comme ça, dis-je en la poussant légèrement.

- Promis.

- Et, je ne reviens pas sur ma décision. On rentre à la résidence, conclus-je sans équivoque.

- Compris chef !

Je me retins de crier victoire. Enfin ! Je pouvais quitter ces festivités peu exaltantes. Le soulagement s'afficha sur mon visage alors que je me hâtai de rejoindre Emma.

***

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