Chapitre 68 : La promesse.

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LÉANDRE.

Madrid, quelques jours plus tard.

Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé cette nuit là. Est-ce que j'ai rêvé ? Halluciné ? L'aie-je bien vu ou alors j'étais tellement fatigué que je l'ai imaginé ? J'en sais trop rien. Pourtant, sur le moment-même, j'étais persuadé de l'avoir aperçu — j'en mettrais ma main à couper. Il était là, à quelques mètres de moi, dans cette voiture. Je ne sais pas ce qu'il faisait là, ni même comment il aurait pu savoir que je me trouverais à cet endroit. Tout est tellement confus et flou par rapport à cette nuit. Tant de questions qui restent sans réponse.

Je suis à la maison avec Estéban. On est dans le canapé en train de regarder une série — aucun de nous deux ne parle. Antoine est parti avec Camilo acheter une tenue d'entraînement. Disons que l'ambiance est assez... étrange dernièrement. Je ne sais pas trop comment me comporter avec Estéban parfois. Je suis là pour lui, tout le temps. Cependant, j'ai ce sentiment en moi qui me fait avoir beaucoup de mal avec cette situation. J'ai tellement l'impression de survivre ce moment, comme si c'était moi qui avais commis cet acte.

— Ça va ? Demande mon frère en me sortant de mes pensées.

Je secoue légèrement la tête, ma vue redevenant nette. Je me tourne vers lui, il me fixe.

— Oui, pourquoi ? M'enquis-je en venant porter ma tasse de thé à la bouche, prenant une gorgée.

— Tu m'en veux encore, c'est ça ?

Il a l'air triste, plus qu'il ne l'est d'habitude. Je peux le voir dans ses yeux. Je peux voir cet éclat supplémentaire qui n'est pas présent d'ordinaire. Comment ça je lui ne veux ? De quoi parle-t-il ?

— Comment ça ? De quoi tu parles ? M'exprimé-je, confusément.

Il tourne le regard un instant, comme si ça le soûlait que je ne sache pas de quoi il parle. Ou peut-être que je le sais mais que je n'ai pas envie que ça vienne sur le tapis. J'en sais trop rien.

— Tu me couves comme une maman poule depuis deux semaines, suivant mes moindres faits et gestes. Explique-t-il. Tu joues le frère parfait.

— Je joue le frère parfait ? Parce que je suis un mauvais frère d'habitude ? Tenté-je de dévier la conversation en riant.

Cependant, il n'a pas l'air d'avoir envie de rire. Bon, je suppose que je ne vais pas avoir le choix que de continuer dans cette discussion et de devoir parler, encore et comme toujours.

— Léandre, je sais que tu m'en veux.

— N'importe quoi. Je mens pour le protéger. Pourquoi je t'en voudrais ?

Il n'a clairement pas besoin de savoir que je lui en veux. Il n'a pas besoin de savoir à quel point j'ai envie de le secouer et de lui dire ce que je ressens, que je le déteste d'avoir voulu me quitter, d'avoir voulu m'abandonner alors que je ne l'ai retrouvé que depuis un an. Putain.

— Parce que je t'ai promis de ne jamais partir, me rappelle-t-il. Et malgré ça, j'ai tenté.

C'est vrai, il me l'a promis. Il me l'a promis lorsque nous étions au Chili. Nous nous sommes promis de ne jamais s'abandonner l'un l'autre, d'être toujours là, de se protéger pour toujours et à jamais. Mais, apparemment, il a voulu rompre cette promesse. Mais.. je sais que ce n'était pas son lui sain d'esprit, c'est son lui qui nage en pleine dépression. C'est son côté vulnérable, ce sont ses pensées noires qui l'ont fait agir, pas l'inverse.

— C'est pas de ta faute.

— Tu penses vraiment que ça importe que ça le soit ou pas ? Ça ne change pas nécessairement ce que tu peux ressentir, Léandre.

Je détourne mon regard du sien. Je ne peux plus supporter ses yeux qui pèsent contre les miens. Il me regarde, attendant un quelconque aveu que je n'ai pas envie de lui fournir. Putain, mais qu'est-ce qu'il lui prend de vouloir à tout prix que je lui admette ça ? Ne peut-il pas me laisser vivre avec mes sentiments ? Je sais que c'est un peu culotté lorsque je lui demande de me raconter les siens, mais la situation est différente de la sienne. Je ne suis pas à deux doigts de quitter ce monde, contrairement à lui. Je suis encore là, je suis encore debout. Je sais que c'est dur, mais il le faut et je me sens plutôt bien. J'ai envie de lui dire que ça va aller mieux, j'ai envie de lui dire que ce n'est qu'une question de temps et que ça finira par s'arranger, qu'il finira par aller mieux, que ce n'est juste qu'une passade et que tout ira mieux bientôt. J'ai envie de lui dire toutes ces choses, mais je n'en suis pas certain moi-même. Comment pourrais-je le rassurer ainsi alors que dans ma propre tête, tout confit n'est pas encore réglé.

— Lé, c'est maintenant ou jamais de me le dire, de me crier dessus. J'ai pas envie que tu restes avec des choses sur le coeur. Fais comme si j'avais réussi et que je n'étais plus là.

Je peste et me lève du canapé, venant claquer la tasse contre la table basse. Ça va pas la tête de me dire des choses pareilles ? Je ne peux pas faire comme s'il avait réussi sa tentative. Rien que de m'imaginer ça... putain.

— Arrête de dire des conneries pareilles, pesté-je.

— Quoi ? C'est la vérité, non ? T'as des choses sur le coeur, alors vas-y, défoule-toi.

— J'ai pas envie de penser ça tout ça, Estéban. Et non, j'ai pas envie de te crier dessus.

Je tente de garder mon calme, mais ça devient de plus en plus compliqué. Je le vois en train de me forcer à parler et j'ai qu'une envie, c'est de le taper. Putain, pourquoi tu me fais ça, p'tit frère ? Pourquoi veux-tu autant que je déballe ce que j'ai sur le coeur ? Pourquoi ?

— Pourtant, j'suis sûr que ça te ferait du bien. Insiste-t-il.

— Ça me fera jamais du bien de dire ce que je ressens parce que ça n'enlèvera jamais les images que j'ai dans ma tête, Estéban ! M'exclamé-je, la voix tremblante sur la fin.

Estéban ne semble même pas surpris, il écoute juste. Les larmes perlent sur ses yeux mais il ne dit rien et ne phase pas.

— Putain, Esté... on... on s'était promis de jamais se laisser tomber et t'as voulu m'abandonner !

— Je.. je sais, j'suis désolé, grand-frère.. s'effondre-t-il en larmes. J'suis.. j'suis tellement désolé... putain..

Je le vois complètement s'effondrer, alors je m'approche de lui et je viens le prendre dans mes bras, contenant mes propres larmes de venir s'écrouler sur mes joues. Je le serre fort, mes bras entourant son corps.

— J'suis là, okay, p'tit frère ? Je suis là pour toi. J'suis là...

Je reste pendant un bon moment comme ça, à le tenir. Tout ça jusqu'à ce qu'il s'endorme paisiblement dans le canapé. Je suis content qu'il se soit endormi; je sais que les nuits sont compliquées pour lui ces derniers temps, alors ça va sûrement l'aider. Malgré ça, je décide de rester à ses côtés.

Soudainement, la porte d'entrée s'ouvre sur Antoine avec Camilo. Je pense que mon fiancé doit remarquer ma tête, comme je l'entend dire indistinctement quelque chose à Camilo, qui part donc à l'étage.

Mon joueur préféré s'approche de moi, dans le salon. Il arrive et voit Estéban. Je vois que lui aussi a le rend triste. Mais je pense que son visage change encore plus quand il voit mes mains tremblantes. Je n'avais même pas fait plus attention que ça à mes mains, ni à moi-même. Putain.

Antoine vient les prendre dans les siennes avec délicatesse et les resserre comme si eut, pas trop fort, dans les siennes. Il se penche vers moi et vient déposer un baiser sur mon front. Je souris et il reste dans le canapé avec moi jusqu'à ce que ma crise d'angoisse ne cesse..  

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Amour Refoulé - Antoine Griezmann (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant