CHAPITRE 15 : LENA

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Chapitre 15 : LENA

J'ai envie de hurler.

Bon sang, qu'est-ce qui t'a pris, Lena ?!

Je n'agi pas comme ça d'habitude. Pourquoi ai-je dit à Lance qu'il pouvait m'embrasser ? Ça ne me ressemble pas du tout. Mais pire... pourquoi est-ce qu'une part de moi regrette qu'il se soit éloigné si tôt ? Pourquoi est-ce que, soudain, j'aurais aimé qu'il se passe quelque chose ce soir ?

Non, voyons, Lena, tu dois avoir trop bu, c'est ridicule. C'est de Lance dont il s'agit, LE Lance ! C'est le dernier homme sur terre avec lequel tu voudrais coucher ! Même si la terre explosait à cause des changements climatiques, que tu étais envoyée avec Lance dans un vaisseau spatial et que la seule façon de sauver l'humanité était de copuler avec lui... tu préférerais laisser l'espèce humaine s'éteindre !

Voilà. Ça, c'était la bonne façon de penser. Pourtant, après ce second baiser, je suis incapable de le sortir de ma tête. Il m'a paru embrasser encore mieux que l'autre soir. Son baiser était brûlant, mordant et sexy. J'avais le visage rouge et les jambes flageolantes quand ses lèvres ont quitté les miennes. Et cet idiot a osé me laisser là, comme ça, dans cet état scandaleux, et s'est éloigné sur le trottoir, prenant le chemin de son appartement.

Et pourquoi est-ce que ça m'énerve autant d'abord ?

J'ai à nouveau l'envie de hurler, mais je me retiens. Je reprends mes esprits, respire un bon coup et marche dans la direction opposée, bien déterminée à rentrer chez moi et à oublier cette soirée. À oublier Lance.

En toute franchise, j'ai été surprise qu'il renonce à « sa récompense ». Je m'étais préparée. Je pensais que nous coucherions ensemble ce soir ou un autre soir. Je suis une femme de parole : j'avais consenti à lui offrir une nuit en échange de sa coopération au travail, je n'avais pas l'intention de me défiler. Ce n'est pas pour autant que ça m'aurait fait plaisir. Au contraire, coucher avec un mâle alpha toxique dans le type de Lance aurait plutôt été une véritable torture pour la féministe en moi. Du moins, je le pensais...

Je suis à contrecœur obligée de lui consentir quelques bons points. Même si ça ne fait que deux jours, j'ai l'impression qu'un monde tout entier sépare notre première rencontre au bar de notre dernière soirée aujourd'hui. Bon, ce n'est toujours pas parfait et il a encore beaucoup à apprendre sur les influences nocives du patriarcat sur notre société, mais il progresse. Lance a bien tenu son rôle durant le tournage. Il a su se montrer doux, lent et attentionné. Il a parlé de féminisme sur son stream pour sensibiliser ses abonnés. Enfin, il a demandé la permission pour m'embrasser (oui, je sais, ce devrait être la base et aller de soi, mais c'est malheureusement loin d'être une chose acquise chez beaucoup d'hommes) et a refusé de réclamer sa nuit avec moi parce qu'il a remarqué que je n'en avais pas envie. De la part d'une personne qui revenait d'aussi loin que Lance, autant de bons progrès en un laps de temps si limité est impressionnant.

Enfin, on ne va pas se mentir : Lance est sexy, terriblement sexy. Tout son corps respire le sexe. D'un point de vue uniquement physique, coucher avec lui n'aurait sûrement pas été désagréable. Certes, la magie se serait envolée à la seconde où il aurait ouvert la bouche pour parler... mais j'aurais peut-être pu lui glisser un bâillon-boule entre les dents ! Je souris en imaginant la scène. Je ne déteste pas du tout l'idée. Lance est bien plus plaisant à regarder qu'à écouter... Je soupçonne d'ailleurs Léa de s'être fait la même réflexion au moment de l'engager.

Malgré qu'il soit beau comme un dieu grec et que son baiser ait enflammé tous mes sens, ce soir, pas question de me toucher en y repensant ! J'ai passé l'âge où je fantasmais sur les acteurs. En revanche, bien malgré moi, ma libido me fait signe qu'elle aurait bien voulu se dégourdir les pattes ce soir.

Je secoue la tête et attrape mon ordinateur. J'ouvre le site internet de Femina et j'y entre mes identifiants de connexion. Il faut bien que travailler dans une société de production de films pornographiques aient quelques avantages... comme de pouvoir profiter gratuitement de supers contenus féministes quand vient le temps de se faire plaisir. Je scrolle sur le catalogue, cherchant un film tourné il y a suffisamment longtemps pour que j'en ai le moins de souvenirs possible. Ce n'est pas agréable de regarder une vidéo de ce type quand j'ai encore en mémoire toutes les anecdotes de tournage ou que je connais les acteurs d'un peu trop près. Franchement, c'est assez turn off quand je me rappelle que dans telle vidéo, l'homme est resté coincé dans sa partenaire parce que nous tournions dans l'eau... et effet de succion... voilà. Sur le coup, les pauvres avaient un peu paniqué, mais en y repensant, c'est une anecdote qui me fait mourir de rire à chaque fois.

Je finis par trouver un des premiers films que j'ai réalisés pour le studio mettant en scène une femme ronde mécanicienne réparant la voiture d'un client sexy. Quand j'ai fait ce projet, c'était pour qu'il sorte en même temps que le salon de l'auto, histoire de lutter contre le stéréotype « femme-trophée et voiture de luxe ». Je suis assez fière de cette production, mais c'était il y a longtemps, alors je peux presque la redécouvrir comme si ce n'était pas moi qui étais derrière sa conception.

Je m'installe sur mon lit, ordinateur sur le ventre. Je tire mon pantalon et glisse ma main gauche dans ma petite culotte, prête à profiter d'un agréable moment en solitaire.

Alors que je démarre la vidéo, soudain, j'entends une voix familière par-dessus les ronronnements du moteur de la voiture.

« Hey ! Trop content de vous voir pour ce live stream nocturne. Je dois vous remercier : franchement, je ne vous préviens presque jamais, je live n'importe quand et, pourtant, vous êtes toujours là, toujours aussi nombreux. On est déjà trois-milles et je viens de démarrer ! »

Je sursaute et mets tout de suite la vidéo sur pause... pour me rendre compte que je n'ai jamais fermé ce satané onglet Twitch toujours grand ouvert sur le profil de Lance qui vient tout juste de commencer un stream. Je me souviens qu'il m'a dit qu'il rentrait pour démarrer un live... je ne pensais pas que c'était vrai.

Merde.

Je jure à voix basse. Est-ce que je vais pouvoir trouver un moyen de me débarrasser de lui ? Juste alors que j'essayais de le sortir de ma tête... voilà qu'il surgit de nulle part pour me troubler.

Bien décidée à ne pas me laisser avoir, je place le curseur sur le X afin de fermer l'onglet pour de bon, mais au dernier moment... je renonce. Je ne veux pas l'admettre, mais je suis un peu curieuse de savoir ce qu'il va dire à ses abonnés... 


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