CHAPITRE 5 : LANCE

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Chapitre 5 : LANCE

Cela doit déjà faire une heure que je suis au bar. Je ne connais pas cet endroit, mais il était non-loin du studio Femina, alors sur le chemin du retour, je m'y suis arrêté. C'est un lieu assez sympa. Il n'y a pas trop de monde (personne pour me reconnaître, donc je suis tranquille), l'ambiance est tamisée et le barman est gentil. J'en suis à mon deuxième verre de whiskey lorsqu'une femme s'appuie contre le bar près de moi.

— Je vais vous prendre un Long Island Iced Tea, s'il vous plaît.

Je me tourne vers elle en écarquillant les yeux.

— Lena ?

Je ne m'attendais sûrement pas à la croiser ici. Elle me voit à son tour et pousse un très long soupir en me fusillant du regard.

— Super, s'exclame-t-elle avec ironie, la seule personne que je n'avais vraiment pas envie de voir.

Immédiatement, elle se détourne comme pour quitter le bar, mais je la retiens.

— Hé, attends, tu as déjà commandé.

Lena semble hésiter, mais elle finit par retourner contre le bar et, avec réticence, elle prend place sur le tabouret juste à côté du mien. Je peux voir que ça ne lui fait pas plaisir d'être là. Je dois dire que je ne suis pas ravi non plus, car j'ai encore en-travers de la gorge les reproches qu'elle m'a faites tout à l'heure. Je ne sais pas quoi dire, alors je me contente de fixer mon verre de whiskey pendant que le barman prépare le cocktail de Lena.

— Je te l'offre, je finis par dire.

Elle se braque aussitôt.

— Sans façon. Je peux payer.

Je pousse un soupir de découragement. Quelle fille refuse de se faire offrir un verre ? En tous cas, c'est la première fois que je vois ça.

— J'insiste.

— Ce n'est pas contre toi, enfin... si, un peu, mais je ne laisse pas les hommes m'offrir des verres. Après, on a l'impression de leur devoir quelque chose.

J'écarquille un peu les yeux.

— C'est absurde, je dis.

— Peut-être pour toi. Tu n'as aucune idée de ce qu'être une femme qui sort dans les bars implique. Les hommes se croient toujours tout permis.

C'est vrai que j'offre rarement des verres à des filles avec lesquelles je n'envisage pas de coucher, mais quand même... Je n'aime pas marcher sur mon égo et je considère que je n'ai rien à me reprocher, mais dans un souci d'améliorer un tant soit peu nos relations de travail, j'essaie de me racheter :

— Écoute, je sais que je ne t'ai pas donné la meilleure impression là-bas...

— Tu peux le dire !

Elle n'a pas besoin d'enfoncer le clou non plus.

— Je veux juste qu'on arrive à bosser ensemble. On tient quelques jours encore et, si c'est ce que tu veux, on n'aura plus jamais à se revoir.

— J'adorerais ne plus jamais te revoir. Personne ne te l'a peut-être jamais dit, mais tu es un horrible acteur. Tu n'écoutes rien et tu es incapable de ne pas être brusque. On dirait que tu n'as jamais pris le temps de lire le pitch de Femina avant d'entrer dans le studio. En plus, tu as une personnalité désagréable entre misogynie et arrogance.

Je me mords la joue pour ne pas répliquer tout de suite et la laisser terminer de parler. Personne ne m'a jamais parlé sur ce ton. J'ai fait une bien pire impression que ce que je pensais, mais je suis énervé, car elle me juge sur bien peu de choses. C'est à peine si on a passé trois heures dans la même pièce. Elle se permet de dire que je fais mal mon travail juste parce que je n'ai pas fait exactement ce qu'elle voulait.

PornographeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant