Chapitre 17 : Incursion

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— Ils l'ont vraiment enfermé dans un coin aussi facile d'accès ? observa-t-il avec scepticisme. On dirait un spot d'urbex amateur.

— C'est ce qui en fait l'endroit idéal, rétorqua l'esthésive. Les pilleurs ont déjà emmené tout ce qui pouvait avoir de la valeur, et les riverains sont trop habitués au bâtiment pour s'y intéresser. À la limite, des urbexeurs étrangers à Bryvas pourraient vouloir y faire un tour... ils rejoindront juste les milliers d'avis de recherche en cours.

— Et si l'U.R.I.A.A vient fouiner, ils pourront pas relier le terrain à Becrux, comprit-il.

— Exactement.

Des gouttes éparses recommencèrent à troubler les flaques alors qu'ils gagnaient les portes de la clinique. Peu apte à affronter une bête enragée, Oswald déclara qu'il les attendrait sous le porche. Cineád ne se donna pas la peine de tenter de convaincre le Shiba de faire de même. Si la petite teigne voulait risquer sa fourrure, c'était son problème.

À l'intérieur, ils retrouvèrent l'atmosphère grise et humide du dehors. Les lieux baignaient dans un silence qui incita Sahira à murmurer lorsqu'elle déclara :

— Il y a des protections en place. Le Thērion est contenu entre les murs, mais il n'est peut-être pas entravé.

Autrement dit, à présent qu'ils avaient franchi le seuil, la créature pouvait les assaillir à tout moment. Un sérieux froid et létal imprimait la figure de l'esthésive. Macaque promenait nerveusement sa truffe au sol, reniflant avec attention.

Ils traversèrent le hall et s'engagèrent dans les couloirs aux murs carrelés de blanc jusqu'à mi-hauteur. Au-dessus des carreaux, le plâtre se décollait par morceaux, et des boursouflures de laine de verre s'épanchaient par les crevaisons. Curieuse analogie avec le pus séché suintant d'une plaie.

Les salles devant lesquelles ils passaient étaient encore équipées. La stérilisation rigoureuse et la stricte propreté d'antan se retrouvaient dans le relatif état de préservation du matériel et des locaux. Les immondes couleurs des peintures se devinaient encore : jaune moutarde, vert caca d'oie, bleu chimique. Des papiers jonchaient le lino ciré. Une odeur d'antiseptique flottait toujours dans l'air, et Cineád en vint à se demander s'ils ne respiraient pas de l'amiante.

Ils avaient à peine investit le second étage que le spitz suspendit brusquement son pas et se ramassa sur lui-même, bandant les muscles sous son échine hérissée. Ses pupilles se dilatèrent alors qu'il découvrait les crocs sur un grognement continu. Percevant lui aussi la tension subite qui se répandit dans le couloir, Cineád se tint prêt à relâcher ses flammes, tandis que Sahira se positionnait en retrait.

— Bon chien, susurra-t-elle, confirmant l'instinct du gosse.

Ce qui émergea alors d'une chambre, pour leur apparaître dans le jour fade, était une aberration.

Le Thērion possédait un corps lourd de félin, au poil couleur de sang séché. Sa crinière terne dégageait une puanteur de charogne. Incrustés dans sa tête léonine, ses globes oculaires fouillaient le monde derrière la cataracte qui les vitrifiait. Ses muscles paraissaient mal ajustés sous sa peau galeuse : il se déplaçait comme si ses articulations se disloquaient à chaque mouvement. De part et d'autre de ses flancs, des ailes membraneuses, à la peau lacérée, traînaient au sol.

— Oh, il est pas très réussi, constata Cineád avec un reniflement moqueur.

Un filet de bave s'écoula du coin des babines putrescentes, s'étirant presque obscènement. Le Shiba se mit à reculer. Les grondements dont vibrait son poitrail trahissaient davantage de terreur que de férocité.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant