Satan est une femme

25. Femme d'affaires (2)

— Attends... attends...

Je m'arrête et me tourne pour voir Hugo penché et essoufflé du sprint qu'on vient de se taper. Il tousse de manière incontrôlable avant de cracher sur la neige. Courir comme on l'a fait en hiver n'est pas évident.

— On commence à se faire vieux ?

Il rit avant de s'assoir sur le trottoir.

— C'est dur la trentaine, tu sauras.

Il reprend son souffle. Ça va, on devrait être assez loin de toute façon.

— Tu n'as pas repris tes vêtements, remarque Hugo en toussant.

Je réalise que je n'ai sur le dos que mon t-shirt, les shorts et les bottes. Hugo se lève, retire la veste en suède que je lui ai achetée et la pose sur mes épaules.

— Merci.

Je fixe sa main encore ensanglantée du passage à tabac de tout à l'heure. Hugo la cache derrière son dos.

— Je suis désolé...

— Pourquoi ?

— Que m'aies vu être violent... Je sais pas, j'ai peur que ça t'ait rappelé de mauvais souvenirs et puis-

— Je vais bien. Merci d'avoir pris ma défense... même si tu y es allé un peu fort.

— Peut-être, en tout cas ça m'a fait du bien de ne pas encaisser pour une fois. Par contre, si tu pouvais éviter de te mettre dans des situations pas possibles dès que je te laisse seule. Tu aurais dû attendre mon retour au lieu de lui verser ton verre dessus.

Je le fixe quelques secondes, la colère du fait qu'il m'a forcée à m'excuser comme une enfant devant tout le monde me revient.

— La façon dont tu me parles. C'est très infantilisant. Je déteste ça.

La panique balaie son visage.

— Oh euh... je- pardon je ne voulais pas-

— C'est ok. Toutes les vérités ne sont pas agréables à entendre. Et la vérité c'est que je suis une putain de gamine.

Il fronce les sourcils, alors j'élabore :

— J'avais 16 ans quand c'est arrivé. J'étais littéralement une enfant, immature et avec peu de jugement, comme les autres. Seulement, j'ai dû grandir plus vite que prévu ; pour encaisser le traumatisme et parce qu'on m'a tellement répéter des « grow out of it », « stop being a crybaby », « c'est cela être une femme ». Je n'ai pas eu la chance de grandir à un rythme normal... donc au fond, elle est encore là, cette adolescente de 16 ans. Si je gère aussi mal mes émotions-

— C'est cette Ariès de 16 ans qui s'exprime comme elle n'a jamais pu s'exprimer. Elle veut être l'enfant qu'elle n'a pas pu être, cette pétasse immature et sauvage.

Je le fixe silencieuse. Luna aussi avait compris, mais Luna a fait des études pour ça. Hugo, lui... Il m'a cernée dès le début.

J'opine

— Alors continue. L'adulte que je suis déteste ça, mais ça guérit l'enfant refoulée en moi. Ça me fait du bien.

Tu me fais du bien.

Il m'offre un chaleureux sourire qui me rappelle qu'il ne fait pas du tout chaud. Mon regard se promène sur la rue à la recherche d'un endroit où se réchauffer.

— On peut faire un dernier arrêt avant de partir ?









 

— Un dernier arrêt ? Où ça-