09. Femme facile

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— Répète ?

— J'ai pris ses vêtements et-

Darryl s'esclaffe avant que je n'aie fini ma phrase. Il se tient à moi, se courbe, se tord, se laisse tomber avant de se rouler au sol de rire alors que je réalise de plus en plus que je suis dans la merde.

— C'est bon, ce n'est pas si drôle.

Il essaie de dire quelque chose, mais ses jappements l'empêchent de formuler une phrase compréhensible. Puis il cherche à s'oxygéner, mais ses efforts sont encore entravés par son hilarité. Par moment, il se calme, mais dès qu'il se tourne vers moi, Darryl retombe en fou rire.

Comme ça ne termine pas, je contourne ma table et m'assois dans mon fauteuil. Au bout de cinq bonnes minutes, c'est un Darryl essoufflé, se retenant d'éclater à nouveau de rire qui rampe à la table avant de se hisser pour s'asseoir sur celle-ci.

— Je t'aime Hugo. T'es un mec totalement suicidaire.

Si tu savais...

— Ouais ouais...

— Je t'assure ! Tu es une putain de légende. Si j'avais le dixième de ton audace, le monde serait à moi.

Je ne sais pas si c'est un compliment ou une insulte. Peu importe, ça me fait sourire.

— Tu sais ce qu'il lui est arrivé par la suite ? me demande-t-il.

Non.

Je n'en ai pas la moindre idée. Deux personnes étaient à la boutique avec elle quand je suis parti. Peut-être qu'elle a laissé son orgueil de côté pour leur expliquer la situation dans laquelle je l'ai mise et que ses dernières lui ont trouvé des vêtements. Peut-être qu'elle a été trop orgueilleuse et a préféré appeler une connaissance.

Mais ça m'étonnerait, c'était à une heure de route d'ici.

— Aucune idée.

— Je lui demanderai.

C'est vrai que Darryl est un peu le pont entre Ariès et moi, et ce depuis même avant notre séparation. Souvent quand je disais ou faisais un truc qui faisait qu'elle me boude ou m'évite, il me disait ce qu'elle refusait de me dire et je faisais mon possible pour rattraper ma faute.

— J'ai passé la journée à lui dire de laisser Aaron, je suis content que toi tu sois parvenu à gâcher leur moment. Je le déteste, tu n'as même pas idée.

Bon... dit comme ça. Hier, j'étais jaloux. J'ai perdu le contrôle. Je sais très bien que je n'avais pas à lui poser des questions sur sa relation avec Aaron, consulter ses messages sans son autorisation et encore moins lui subtiliser ses vêtements. Mais c'est comme-ci sur le moment, en la voyant, en voyant ce que j'ai perdu au profit d'un autre, toute la rationalité, le calme et la compréhension dont j'ai fait preuve depuis huit mois se sont évaporés.

Contrairement à Darryl, je n'ai absolument pas de haine contre Aaron. Il est sympathique, agréable et très sociable. Les quelques échanges que j'ai eus avec lui ont été eux aussi agréables quand Ariès n'était pas là pour lui faire les yeux de biche. Et il semble bien traiter Ariès alors je n'ai aucune raison de lui en vouloir.

Ce que j'ai fait hier n'était pas contre lui, mais contre elle. Cela fait des mois que j'encaisse en silence. J'ai encaissé la nouvelle, notre séparation, ses cinq mois d'absence, son mépris à son retour, la torture, son indifférence, ses histoires de coups d'un soir et de rendez-vous avec Aaron sans jamais me plaindre de mon sort. Je n'ai pas le droit de me plaindre.

Seulement, hier j'ai craqué.

Je m'en veux à présent. Je m'en veux tellement que j'ai omis de dire à Luna que j'ai eu ma première dispute depuis des mois avec Ariès ce matin lors de notre « appel santé mental » quotidien. Luna a vraiment décidé qu'elle ne me lâcherait pas, même avec Ariès elle n'avait pas montré autant d'acharnement. Bon il est vrai qu'Ariès ne lui a pas exprimé vouloir mettre fin à ses jours, mais tout de même.

Satan est une femmeWhere stories live. Discover now