Chapitre 5 : Entrevue

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— Je pensais cibler une Varenne, ou un Nexus, du côté de Montheclives.

Il existait trois types de source d'énergie auquel un Aster pouvait puiser pour exercer son Arété, lorsque la sienne propre ne suffisait pas. Les Garennes étaient accessibles aux Asters tout venant, tandis que les Varennes, plus riches et plus fiables, étaient réservés aux membres d'une Constellation. Quant aux Nexus, véritables puits d'Éther pur, ils appartenaient aux clans d'Asters les plus influents des Constellations.

— Il serait peut-être plus judicieux de viser Mortraze ou Hamalex, pour le moment, non ? suggéra Oswald. Tu vas t'exposer prématurément si tu t'en prends à la propriété des Achernar. Attends qu'on soit prêt.

— Nan. Je sais ce que je fais, Oz. Si on veut les secouer, il faut viser le plus gros morceau.

Sur les six districts qui divisaient Bryvas, quatre se trouvaient sous l'emprise des Constellations. Et Achernar constituait la plus puissante et la plus influente d'entre elles. Dirigée par Guillian Vessarias, elle prospérait depuis plus longtemps qu'aucune autre. Ce qui se traduisait par un tribut de sang inégalé. Mais qu'importe si leurs arcanes et artifices ne servaient qu'à vendre la mort au plus offrant. Qu'importe si les os s'amoncelaient dans leurs catacombes afin de nourrir leur pouvoir. Du moment que le champagne coulait dans leurs flûtes et l'or pleuvait sur leur peau.

Cela faisait des siècles qu'aucun Aster n'avait ouvertement tenté de défier le système des Constellations. Seuls Elias et Élide Marcdargent s'y étaient risqués, une poignée de décennies auparavant, et en avaient payé le prix fort.

Néanmoins, l'hostilité envers l'élite Asterienne couvait. Pouvoir, Négoce, et Opulence, tenaient lieux de maîtres mots à celle-ci. Et ceux qui en étaient lésés, mutilés, subissaient sans oublier.

Rigel était née de cette inimité latente.

Guère plus qu'un groupuscule pour le moment, la Constellation n'en avait pas moins pour ambition d'engloutir ses aînées. Elias, Cineád, Oswald, Sahira, ses membres fondateurs, ne prétendaient à aucune quête de justice ou d'équité.

Ils agissaient par rogne, par revanche, par avidité. Leur désir n'était que de saisir à pleines mains ces privilèges cultivés dans le terreau de leur calvaire. D'en dépecer les détenteurs à coups de dents.

L'apothicaire déposa une boîte en fer blanc, accompagnée d'une fiole emplie d'un liquide sirupeux sur le comptoir.

— Certes, concéda-t-il. Essaie de rester indemne, alors. Ce serait regrettable qu'on se retrouve prématurément privé de notre force de frappe.

Cineád se contenta d'empocher les produits sans répliquer. Il avait parfaitement conscience de l'importance qu'il revêtait pour ses camarades. Les Arétés de ces derniers n'avaient rien à envier au sien ; ils les avaient développés, affûtés, au point de disposer d'un arsenal redoutable. Or, pour l'heure, il était le seul à pouvoir exposer le sien.

C'était Sahira qui avait tout initiée. Elle avait accompli l'exploit de faciliter l'évasion d'Élias, secrètement détenu par les Achernar depuis des décennies. Le moment venu, elle s'était aventurée dans les profondeurs de leur Nexus, pour guider vers la surface la plus grande menace que les Constellations eurent connue.

Cineád n'en avait rien su avant d'être approchée par la femme. Élias cherchait à rallier des Asters renégat à sa cause, et Sahira l'avait dégoté. Il avait le profil, avait-elle affirmé. L'incendiaire s'était étonné de la précision et de l'étendue de ses connaissances. Jusqu'à ce qu'elle lui révèle son Arété. Il ne l'avait alors plus questionné.

Le monde n'avait plus vraiment de secret quand on pouvait entendre les morts.

Oswald avait été recruté de la même manière. Tous quatre formaient un groupe hétéroclite, qu'aucune espèce de sympathie ne rapprochait. Mais il s'agissait exactement de ce dont Cineád avait besoin. Des individus qui n'avaient pas peur de se salir les mains, et une hiérarchie implicite qu'il pouvait se permettre d'ignorer. Comme Oswald venait de le lui faire remarquer, ils avaient besoin de lui. Bien plus qu'ils ne le pensaient.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASWhere stories live. Discover now