Chapitre 13 : le Lancement

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Sitôt dans ma chambre je programme un ciel étoilé au-dessus de mon lit, et me perds dans la contemplation des astres et des nébuleuses qui défilent au plafond. Une manière de se recentrer après une journée riche en émotions. Autant dire que j'ai beaucoup observé l'Univers ces derniers jours. Pourtant, je ne m'en lasserais jamais.

Pour la dernière fois avant le début des Jeux, je relis les carnets que j'ai réalisés sur les tributs de cette année. Certains sont assez remplis, comme ceux de Dust ou de Lixy du Neuf, tandis que d'autres ne font que quelques pages. En réalité je n'ai pas vraiment besoin de relire les informations que j'ai notées sur eux. Grâce à ma mémoire photographique je me rappelle chaque mot, et même jusqu'à chaque virgule. Mais cela me permet de me replonger dans leur personnalité, et de me préparer mentalement au début des Jeux.

Il n'est pas loin de minuit lorsque je finis ma lecture, et je ne ressens toujours aucune fatigue. Mais les Pacificateurs viennent nous chercher relativement tôt demain, et il faut que je sois au meilleur de ma forme. Les premières jours dans l'arène sont souvent capitaux. Alors je demande au Muet Brun de m'apporter un somnifère, et plonge dans un sommeil sans rêve.

*

Mon alarme sonne à sept heures précises et me sort brutalement des bras de Morphée. Je me retourne en grognant, pas encore bien réveillée, et décide de faire le point. Je suis toujours au douzième étage du Centre d'Entrainement, et c'est le jour du lancement des soixante-treizièmes Hunger Games. Dans quelques heures nous serons vingt-quatre adolescents à être largués dans une arène de type encore inconnue pour nous battre à mort, en commençant en beauté avec le bain de sang de la Corne d'Abondance. 

Il coule de source que je n'irai pas me risquer dans ce massacre, mais si un sac à dos ne se situe pas trop loin de moi, je pourrais essayer de l'attraper. En tout cas, dans seulement quelques heures une bonne dizaine de mes adversaires seront morts, peut-être même la moitié si les Carrières font du zèle.

Sur cette charmante pensée je pars rejoindre Effie, qui doit bien être la seule personne aussi matinale que moi. Réflexion faite je ne suis même pas sûre de l'avoir déjà vue dormir. Elle se couche tous les soirs après moi et elle est toujours levée quand je viens prendre mon petit déjeuner.

Comme une sorte de présence bienveillante et omniprésente. Cette image me fait sourire tandis que je mords mon pain au chocolat à pleines dents. Mon estomac a beau être noué, cela ne l'empêche pas d'ingurgiter le repas le plus consistant possible. Après tout je ne remangerai pas aussi bien avant longtemps - si ce longtemps arrive un jour...

Bien que ma conversation avec Effie soit très banale - nous discutons des membres VIP présents au Cirque hier -, le cœur n'y est pas vraiment. L'ombre des Jeux plane au-dessus de nous, à tel point que lorsque Dust nous rejoins une bonne quinzaine de minutes plus tard, nous ne parlons plus que par intermittence, entrecoupées de lourds silences. 

J'ai l'étonnante sensation que le temps passe lentement et file en même temps à une vitesse fulgurante. Pourtant lorsque les Pacificateurs viennent nous chercher et que nous faisons nos adieux à Effie et Haymitch - qui est sorti de sa chambre pour nous grommeler quelques mots d'encouragement - j'ai l'impression que je viens de quitter le district Douze après avoir été moissonnée. Toute la dernière semaine semble s'effacer de mon esprit, comme s'il ne s'agissait que d'un rêve dont je viens de me réveiller. La réalité de la situation me frappe de plein fouet, avec bien plus de force que je ne l'aurais imaginé. 

Je pars pour les Hunger Games.

Je suppose qu'une part de moi n'avait encore jamais vraiment réalisé le bourbier dans lequel je me suis moi-même plongée. Mais au moins je préfère me « réveiller » maintenant qu'en plein milieu de l'arène et mourir bêtement à cause d'une crise de panique. Mon étourdissement ne dure heureusement que quelques secondes, et je secoue légèrement ma tête avant d'emboîter le pas aux Pacificateurs.

Ariona Maltais - les 73e Hunger GamesWhere stories live. Discover now