Chapitre 2 : Une journée au district

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La lumière pénètre dans le train juste avant que je descende sur le quai du district Douze. Immédiatement, une puanteur nauséabonde m'assaille les narines. Apparemment, rien n'a changé depuis deux ans. Peut-être que les habitants ne sont plus dérangés par l'odeur de sueur, de charbon et de mort qui flotte continuellement dans l'air, mais pour des habitants du Capitole habitués à vivre entourés de roses, et de parfums plus exquis les uns que les autres, c'est un cauchemar. Je me retiens de froncer le nez pour ne pas froisser mes hôtes, mais Effie ne se donne pas cette peine. Sa moue dégoûtée est parfaitement visible.

En face de nous le maire Undersee nous attend, accompagné d'une jeune fille qui doit probablement être sa fille. Madge, si je me souviens bien. Tous deux ont l'air d'avoir revêtu leurs habits du dimanche. Le maire est affublé d'un costume marron vintage accompagné d'un pantalon gris clair. Cet ensemble qui était très en vogue dans les temps anciens, avant les guerres, est totalement passé de mode au Capitole, mais doit encore représenter le summum du luxe au district Douze. Un peu en retrait, Madge porte une simple robe bleu foncé serrée par un ruban noir, semblable à celui qui retient ses cheveux blonds. Je ne sais pas si je suis supposée tirer un message de cette tenue plutôt sombre, mais l'expression de Madge, elle, ne laisse pas place au doute. Elle n'est pas ravie de nous voir, loin de là. Il faut dire que notre présence rend la proximité de la Moisson plus concrète. Moisson à laquelle Madge participe. 

Mais si sa fille semble bouillonner de colère et de dégoût à notre approche, le maire, lui, affiche une mine enjouée et plutôt craintive. Je me doute que je suis la raison de cette appréhension. Effie vient chaque année, ils ont l'habitude. Mais ce n'est pas tous les jours que le plus pauvre des districts reçoit la visite de la fille d'un ministre. Celui de l'agriculture qui plus est. Mon père pourrait très bien décider de stopper les approvisionnements du district s'il le souhaitait... ou si je lui demandais. Rien d'étonnant à ce que le maire craigne de faire un faux pas. La moindre erreur pourrait revenir lui exploser en pleine figure. Je mettrais d'ailleurs ma main à couper que c'est la raison de la présence de Madge à la gare, alors que la femme du maire est absente. Il a dû penser que je me sentirais plus à l'aise avec une personne de moins âge, même si en réalité, sa fille a un an de plus que moi.

_ Bonjour, bonjour ! commence Mr Undersee. Bienvenue au district Douze ! J'espère que vous avez fait bon voyage.

Il n'a clairement pas l'air dans son assiette. Ce rôle de guide ne lui va pas du tout, même s'il s'efforce de le cacher derrière un grand sourire.

_ Très bon, merci, affirme Effie parlant pour nous deux. Mais nous avons un planning assez chargé, je crois que nous devrions aller directement dans notre... hôtel.

_ Bien sûr, bien sûr. Je me doute que vous devez être très occupées, lance-t-il en me jetant un coup d'œil. J'ai moi-même de nombreuses obligations, mais ma fille, Madge, sera ravie de vous faire visiter le district, si vous le souhaitez évidemment.

Madge a l'air tout sauf ravie, mais je me doute que son père ne lui a pas laissé le choix. Comme je me doute que cette proposition s'adresse plus à moi qu'à Effie. J'acquiesce en le remerciant :

_ Ce serait un plaisir, monsieur le maire. Je n'avais pas eu l'occasion de visiter toute la ville lors de ma dernière visite, il y a deux ans.

_ Oh, je m'en souviens très bien ! Vous étiez accompagnée de votre père à ce moment-là. Hum... bien, je suppose qu'il est temps d'y aller. J'ai quelques hommes avec moi pour prendre vos affaire si vous le souhaitez.

_ Mais nous avons des Muets pour cela, réplique l'hôtesse, sincèrement étonnée par cette proposition.

Déstabilisé par cette remarque, le maire bafouille une réponse inintelligible, alors que Madge secoue la tête en soupirant discrètement. Je retiens une grimace. Effie peut être vraiment à côté de la plaque. Nous suivons finalement le maire hors de la gare, suivies par Carres et quatre Muets chargés de nos valises et autres affaires personnelles. Quatre valises pour deux personnes qui ne restent là qu'une nuit. Et encore, ce ne sont que les affaires que nous emportons à l'hôtel. Les autres restent dans le train. Parfois, quand je pense à la misère dans le district, j'ai presque honte de tous ces vêtements et froufrous superflus. J'ai l'impression d'être totalement superficielle. La dernière fois que je suis venue ici, avec mes robes et mes broches en diamant, je m'étais sentie extrêmement mal à l'aise comme si je n'avais rien fait pour les mériter. Ce qui en soit est la stricte vérité. C'était la première fois que je me sentais comme ça. Je crois que je ne m'étaisjamais sentie aussi embarrassée de ma vie. Pourtant, on peut dire que ce choc m'avait ouvert les yeux. Je ne vois plus le Capitole de la même manière depuis. Et aujourd'hui, je comptes bien prouver de façon définitive que je ne suis pas qu'une pimbêche favorisée. 

Ariona Maltais - les 73e Hunger GamesWhere stories live. Discover now