Chapitre 4 : Confusion

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J'avais beau m'y attendre, le choc me coupe le souffle. Mon cœur rate un battement sans que je m'en aperçoive. Pendant une fraction de seconde, je ne sais plus qui je suis, où je suis, et ce qu'il se passe. Puis la réalité reprend ses droits, et je me rappelle la raison de ma présence ici. Je reprends le contrôle de mes émotions, comme toujours, puis me redresse et croise le regard de Madge. Elle est choquée, bien plus que moi, et répète en boucle :

_ Comment ? Comment ?

Je lui souris avant de reporter mon attention sur Effie. Celle-ci, après avoir lu le nom, mon nom, semble avoir enfin compris ce qu'il impliquait. Elle pâlit brusquement, lisant et relisant le bout de papier dans sa main sans comprendre ce qu'elle y voit.

Autour de moi, les filles chuchotent et se retournent, cherchant sûrement parmi elles la malheureuse, mais aucune ne me reconnaît à part Madge, qui me regarde toujours avec des yeux de merlan frit.

Calmement, je reprends le contrôle de mon pouls, et annonce :

_ C'est moi.

Tout le monde m'a entendue. Les têtes se tournent dans ma direction, les caméras me cherchent et les filles s'écartent sur mon passage. Chacun a compris qu'il se passait quelque chose d'inattendu, d'incroyable. Alors je fais la seule chose qu'il s'impose dans cette situation : j'affiche un sourire éclatant.

Alors que je m'avance rapidement vers l'estrade, j'aperçois mon visage sur les écrans. Je parais sûre de moi, et pas le moins du monde étonnée par l'appel de mon nom. Je monte les marches quatre à quatre, ce qui provoque des hoquets de surprise dans la foule, et me place à côté d'Effie avant de la saluer :

_ Bonjour Effie !

Celle-ci tourne la tête vers moi, mais ne semble pas me reconnaître. Elle tient toujours le papier portant mon nom dans ses mains. Elles tremblent. Son regard semble me traverser. Elle est en état de choc. C'est compréhensible, je viens de gâcher sa journée. Et encore, elle parait bien calme comparée au maire. Sa peau a viré au blanc laiteux et il semble sur le point de vomir, cramponné à sa chaise à tel point que ses jointures blanchissent. Je me sens un peu triste pour lui. Il risque d'avoir des ennuis à cause de moi, le pauvre. Mais bon, normalement, j'ai prévu de quoi n'attirer de problèmes à personne, sauf à moi évidemment.

Voyant qu'Effie ne réagit pas, la foule commence à s'agiter, se doutant de quelque chose. Les murmures deviennent des cris, les gens veulent comprendre et se mettent à se pousser, dépassant les limites autorisées. Les Pacificateurs doivent venir en renfort pour contenir le flot de gens qui avancent toujours plus. Des coups de feu résonnent, ce qui apporte encore plus de confusion. J'aperçois le chef des Pacificateurs, Cray, en pleine conversation au téléphone. Il se met à crier qu'il n'en sait rien. Je me demande s'il parle à mon père. C'est possible.

C'est le moment que choisis Carres pour apparaître au-devant de la foule, et se jeter en avant pour passer entre le filet des Pacificateurs et arriver jusqu'à moi. Malgré le chaos général, j'arrive à entendre ce qu'il crie :

_ Laissez-moi passer ! C'est une erreur, elle ne peut pas être choisie ! Elle vient du Capitole !

Bizarrement, ce qui me frappe le plus, c'est le son de sa voix. Une voie forte et grave, exactement celle qu'on se fait d'un garde du corps. Je ne sais pas pourquoi il n'a jamais parlé jusque-là, mais il parait tellement désespéré que je ne peux m'empêcher de le plaindre. Alors je lui crie en retours :

_ Je suis désolée Carres ! J'espère que tu ne perdras pas ton travail à cause de moi !

Honnêtement, je pense qu'il n'a aucune chance de retrouver un boulot après ce qu'il s'est passé. Il aura même de la chance s'il rentre dans le deux indemne. Mais je ne peux rien faire de plus pour lui, et il connaissait les risques encourus s'il n'arrivait pas à protéger sa cible. Des Pacificateurs se jettent sur lui pour le maîtriser, mais comme il se débat, l'un d'eux lui donne un coup de matraque qui le sèche sur place.

Ariona Maltais - les 73e Hunger GamesWhere stories live. Discover now