Chapitre 32

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Si l'écho avait une voix, elle serait celle de Yassen. Immergés dans cette atmosphère oppressante, ni le couple, ni Félix ne brise le silence. Chaque syllabe prononcée percute les parois de son crâne, comme si son cerveau refusait d'ingurgiter l'information. Félix les observe tour à tour, perdu.

— Fé...lix ? s'essaye Jona qui ne supporte pas cette pression comateuse.

Leur ami secoue la tête, sortant doucement de sa paralysie faciale.

— Je...

Puis en douceur, ses épaules dodelinent. Les garçons se regardent puis retournent à son observation. Félix rigole. Il rit de plus en plus fort.

— C'est le canular le plus stupide que vous ayez mis en place de toute votre vie.

Il explose de rire à s'en retenir l'estomac. Non, mais sérieux. Un couple ? Et puis quoi encore ?

— Vous avez failli m'avoir pendant une minute ! s'amuse-t-il. Vous deux, amoureux ? L'un de l'autre ? Quelle blague !

Ils réalisent que le message n'est pas passé.

— Euh, Félix. Ce n'est pas un jeu.

— Ben ouais, ben ouais, se moque-t-il de Yassen. Comme si toi, tu pourrais te tenir face à moi et me dire que tu couches avec un garçon.

Jonathan sent une forte déception lui compresser l'estomac. Yassen, lui, est plus irrité que cela.

— Félix, arrête, continue d'expliquer Yassen. Je suis sérieux !

— Comme tu veux. Vas-y Jona, tu peux lui donner l'argent du pari. Il met tellement d'énergie à vouloir gagner, on peut bien le récompenser pour l'effort.

— Tu ne comprends pas ? Nous sommes vraiment ensemble ! Ce n'est pas un jeu !

Il croise ses deux mains derrière la tête et se dirige vers la porte en rigolant.

— On se retrouve en bas, les amis. Je vais faire comme si ce canular embarrassant n'était jamais arrivé. Vous êtes trop ridicules à...

— Félix, coupe froidement Jona.

Ce dernier se tourne nonchalamment pour voir ce qu'il lui veut encore. La vue qui l'accueille le laisse sans voix.

Jona serre son petit ami par la taille, tout en l'embrassant langoureusement, bien que ce dernier s'accroche désespérément à ses larges épaules, tout ça sous les yeux ébahis de leur meilleur ami. Félix est postré devant la porte, la main encore sur la poignée. Les battements indéchiffrables de son cœur sont loin de l'aider à assimiler ce qu'il voit. Jonathan Bertholo et Yassen Rawy s'embrassent au milieu de la chambre, comme un vrai couple.

Un vrai couple.

Un vrai...

...couple ?

Un couple ?

Ils sont un vrai couple ?

Jona lâche Yassen, qui titube jusqu'à tomber les fesses les premières sur le lit. Le Malien reprend difficilement sa respiration en fixant son copain d'un air hébété. Jona ne regrette absolument pas.

— Ça te suffit comme preuve ?

Félix met un temps fou à se tourner complètement vers eux.

— J'aime Yassen autant qu'il m'aime. Oui c'est surprenant, mais non ce n'est pas un canular. Je ne veux pas que tu définisses l'amour que je ressens pour lui à un jeu. Tu n'imagines pas à quel point il a fallu du courage à Yassen pour qu'il te le dise, pourtant ça fait des années que j'aie envie que tu le saches. Nous sommes homosexuels, Félix. C'est pour cela que nous n'aurons jamais de petites copines ou quoi que tu puisses imaginer dans ta tête ! Lui et moi ça remonte à aussi loin que je m'en souvienne et désolé si cela ne correspond pas à l'image que tu avais de nous, mais c'est ce que nous sommes, deux garçons amoureux.

Feutre vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant