CHAPITRE 17: Climax

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Le grincement de ses gants en cuir, le tic-tac d'une horloge en bois, l'alizé agitant le carillon koshi sur la varangue. Gabrielle étendue sur les lambris en ipé de sa chambre profitait, peut-être pour la dernière fois de la tranquillité de sa maison et de ses 23 degrés Celsius, son toit en tôle qui craquait quand le soleil resurgissait des nuages, l'odeur de Balboa tout propre qui dormait sur son ventre gargouillant sous son poids. Elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait une fois passé les portes du Expark. Mais elle devait se jeter dans la gueule du loup si elle voulait lui fracasser les entrailles.

L'alarme de son téléphone s'enclencha, 13h30. C'est l'heure, se dit-elle.

Elle se releva, comme une morte-vivante au regard cerné sous l'ombre de ses boucles et se tourna vers son miroir rectangle une dernière fois. Elle ressemblait à ces futures étudiantes internationales dans l'aérogare de Gillot avec ses paquets cadeaux colorés sous les bras.

Sa boule de poil blanche balançait joyeusement sa queue en l'admirant et elle s'en voulut de l'avoir un peu ignoré ces derniers temps. Pourtant, la pauvre bête n'avait pas l'air de lui en vouloir, bien que quand elle n'était pas là. Mickaël lui disait souvent qu'il patientait déprimé devant le portail.

D'ailleurs, Mickaël était censé venir à la convention lui aussi. Ses parents soufflaient de lassitude à force de l'entendre piailler sur le sujet à chaque dîner. Il attendait cet événement avec impatience en grande partie à cause de Louweline. Une gameuse des hauts de l'île qu'il avait rencontré sur Overwatch et qui, si sa sœur se référait à ce qu'elle comprenait par leurs fenêtres voisines, n'était pas qu'une simple amie. C'était l'occasion parfaite pour eux de se voir en vrai. Mais pas de bol, une sale grippe contractée la veille au soir l'avait cloué au fond de sa couverture star wars.

La jeune fille en rouge rentra sur la pointe de ses orteils dans sa chambre. Même profondément endormi, il paraissait si triste. Peut-être que le fait de découvrir le remake de Final Fantasy VII sur sa table de chevet au réveil lui remontera le moral. Elle l'avait entendu en parler avec ses amis de game. Mais connaissant sa mère, elle n'allait sûrement pas accepter de lui payer un énième jeu à 70 euros et c'était justifié dans un sens. Son petit frère était assez capricieux et gourmand.

Annie était sous la tôle de la varangue, en train de trier minutieusement un tas de brèdes et fut très surprise de voir son enfant descendre les deux marches avec un lourd paquet cadeau. Oubliant presque l'espiègle petite chenille qu'elle essayait d'extirper des feuilles depuis plus de cinq minutes.

— C'est pour toi m'man !

Annie lâcha ses tiges et commença à tout déballer avec un sourire amusé. Révélant au fil des passages précautionneux de ses ongles une boite en bois de wengé. C'est en apercevant le logo de Faber Castell à l'arrière qu'elle comprit qu'il s'agissait d'un coffret d'artiste, rempli de crayons de couleur aquarellables et de marqueurs. Tout ce qui constituait sa passion depuis son plus jeune âge. Elle se leva de sa chaise, le visage illuminé et les yeux presque humides pour serrer sa fille dans ses bras. La dernière chose qu'elle lui avait offerte était un barbouillage de peinture en maternelle, qu'elle disait représenter "une grosse moto comme celle de papa" et la voir revenir avec un cadeau d'une aussi grande valeur sentimentale pour elle lui faisait chaud au cœur.

David était au travail malheureusement et elle n'allait pas pouvoir lui dire au revoir si elle échouait. Mais elle espérait que la table de mixage qu'elle avait posée sur son bureau était aussi performante et que son ancienne qui était en train de rendre l'âme. Dans un sens, elle ne pouvait pas vraiment dire au revoir à sa famille comme elle l'aurait souhaité. Mais l'intention comptait plus que la forme.

Elle enfila son blouson crevette, parfumé à la lavande et grimpa sur sa 125. Le visage caché par la nouvelle visière noire de son casque. Elle voulait que ces démons sentent sa présence, sans réussir à apercevoir la grosse pince qui les brisera.

Sinistres TropiquesWhere stories live. Discover now