CHAPITRE 7: Coquelicots

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Gabrielle se jeta sur la porte qui claqua dans le mur en bois et accourut vers l'abri de Bébé endormi. Sa mère, un pinceau à la main sous l'éclairage pâle du plafonnier sous la tôle l'interpella, alors qu'elle peignait les lumières scintillantes de Saint-Expedit sur sa chevalière.

- Hop hop hop Mademoiselle Mancini tu vas ou là ?

- Pas le temps, désolée maman, vraiment

Le portail était encore grand ouvert malgré l'heure tardive. Elle poussa sa moto dans l'impasse à toute vitesse, mit le contact dans sa course et l'enfourcha telle une cavalière sur son destrier.

- Ils frappent de plus en plus fort ! Tremblotait la voix fluette dans son intercom. Ils hurlent mon nom !

Un cocktail de cortisol et d'adrénaline descendait et remontait dans ses veines jusqu'à l'ivresse. Ivresse rouge qui bombait ses yeux sous le caoutchouc de sa visière.

L'or de ses phares révéla la forme d'un panneau stop niché dans le dépôt sauvage d'une intersection.  Elle accéléra, maintint une légère pression sur le frein avant. Puis au bout du chemin l'empoigna vigoureusement, ses pneus fatigués patinèrent sur le bitume, entrainant une  une longue trainée blanche. Une fois alignée sur la route sur sa gauche, elle mit les gaz à fond et sentit la puissance de Bébé tirant ses 55 kilos vers l'arrière.

Édouard était assis, seul, à une des tables bleues pastel du Tommy's Diner de Duparc. Il essayait de savourer son Chick Fill. Mais le tendre poulet ne pouvait rien contre la douce amertume l'animant. Son regard tristement hagard se posait sur les groupes d'amis aux discussions animées et sur les jeunes futurs couples l'esprit calé sur la mélodie de Stand By Me. Les serveurs, après avoir satisfait la commande de tous les clients pour l'heure, débattaient entre eux du match PSG-Auxerres qui se jouait l'écran plat. Anachronisme à faire grincer des dents dans cette anomalie temporelle bichrome pastel. Entre deux crocs, l'agent de police se demanda ce qu'il faisait ici. Peut-être qu'il avait des tendances masochistes. Sarah et lui auraient été à leur troisième rendez-vous. Son regard jade perçant le sien, couleur trottoir abimé dans le Chaudron.

Une autre chemise bleue nuit, agacé fit irruption dans le restaurant. Un papa blond de 1m78, a la mâchoire carrée, seul énergumène à porter des lunettes fumées en pleine nuit.

- Édouard ! qu'est-ce que tu fous ? T'écoutes pas ta radio ou quoi ?

- Elle fonctionne une fois sur deux et le commissariat refuse de m'en payer une autre.

- Lève un peu ton cul, y a une tentative d'effraction dans le centre-ville ! Grouille-toi !

- On peut plus se remplir le bide en paix ? C'est toi qui conduis !  Bredouilla l'agent la bouche pleine.

-C'est pas comme si t'avais touché le volant depuis qu'on est arrivés.

Rakoto se leva en jurant dans sa moustache pleine de fromage, mais pris soin de bien emballer son repas entamé.

- T'as l'adresse ?

-23 Rue Philéas Delahaye, la personne est seule et dit qu'il y a un groupe qui rôde autour de chez elle. Mariko Chane-Lin-Yen. 16 ans, ses parents sont pas là.

- Attends... À côté du port ? C'est à l'autre bout de la ville ! Carole à pas trouvé des gars plus proches ?

- Ils font tous grève devant la préfecture. Il y a une unité de Bellepierre et de La Montagne qui descendent aussi  mais ils vont surement être bloqués dans le centre à cause des embouteillages ! C'est vraiment la merde !

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