CHAPITRE 11: Menace Eldritchienne

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Une DS7 de la police nationale descendait la Rue de Paris en direction du centre-ville de Saint-Expedit. À son bord, Édouard et Florian regardaient passivement les maisons coloniales défiler sur le filtre doré de leurs Aviators.

- Je suis content que tu sois revenu Édouard.

- C'était pas de mon plein gré, mais si c'est pour voir des trucs comme ça, laisse tomber, au final je suis peut être destiné à être un flic normal. Faut tourner où ?

- À droite, au monument aux morts, puis à gauche quand tu passeras devant l'Igloo. C'est la Cour Carrée.

Alan Mesra était introuvable depuis un mois malgré toutes les informations récoltées par les autorités et l'avis de recherche déployé en masse. C'était un ex-étudiant en Master de Chimie à l'université de Saint-Expedit qui d'ailleurs avait signalé un cambriolage peu avant la prise d'otage de Gabrielle. Ce qui expliquerait ses connaissances si fines en poison et le liait sans aucun doute au cadavre retrouvé dans une cuve d'acide du laboratoire universitaire.

L'enlèvement de la fille de ses anciens voisins avait insufflé un regain d'intérêt à l'enquête, jusque-là dans une impasse. Mais toujours sans pistes concrètes, ils avaient décidé de faire parler les morts.

Ils avaient eu vent du dernier emploi d'Antony Benard, le suspect qu'Édouard avait abattu lors de la prise d'otage. Il avait travaillé pendant trois semaines dans une petite boutique de mangas dans le centre-ville nommée « Bulles Marines » avant de se faire licencier pour une agression. Les deux agents espéraient rassembler quelques indices sur les motivations du mort et peut-être indirectement sur ceux de Alan.

Ils longèrent la voie bordée de restaurants et de magasins de vêtements bondés et se garèrent en face du vieux bâtiment en basalte aux colonnes doriques. Malgré la forte affluence en ce jour de vacances ensoleillé, pas énormément de monde, pour ne pas dire personne ne prenait le passage qui menait à la cour intérieure. Hormis les habitués de la boutique et de la crêperie qui la jouxtait. Le coin était isolé du vacarme urbain de la rue Jean Châtel. Et ses façades fleuries et criblées de balles par endroit permettaient un regard sur le passé tumultueux de la ville tropicale. La boutique se trouvait à leur gauche, les mangas et figurines qui s'accumulaient maladroitement sur la vitrine lui donnaient quelque chose de pittoresque. Elle rappelait par son étroitesse les petits bazars centenaires qu'on pouvait apercevoir dans les villages des hauts de l'ile.

Édouard poussa la porte et renifla l'odeur succulente de l'encre vernie sur le papier. La première chose qu'il vit était la dizaine de piles de Bandes dessinées fraichement livrées qui entravaient le passage en attente de rangement. Tout ici lui rappelait sa petite enfance. Les figurines Nicky Larson peintes a la main, les mini cassettes collector du club Dorothée dans un coin ou les posters de Dragon Ball qui côtoyaient ceux du beaucoup plus récent Shingeki No Kyojin.

I Just Call to Say i Love You qui tournait à faible volume rajoutait de la texture à son voyage éphémère dans le passé, c'était la chanson sur laquelle ses parents dansaient au milieu du salon.

Un jeune blond chétif les yeux rivés sur les cases de Superman : Red Sons se leva de sa chaise en voyant leurs plaques de ceinture briller sous un rayon de soleil isolé.

- Salut, sympa les cosplays. Faites juste gaffe aux vrais flics, je crois que c'est interdit de trop leur ressembler maintenant.

- Justement, c'est nous les « vrais flics » Précisa Florian, exaspéré. On a quelques questions sur un ancien employé, c'est toi le patron ?

- Désolé. Nan je gère le magasin avec ma copine, mais elle est pas là, mais je suppose que vous venez pour Antony ?

- Exactement, on veut que tu racontes tout ce que tu sais sur lui. Sur sa pensée, ce qu'il a fait, et cetera.

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