03 - ( Mon passé )

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Sabrina

Je me réveille avec une migraine atroce et une haine pour moi-même immense. J'espérais ne plus me souvenir de la veille, comme toujours, mais bien sûr je n'arrive pas à oublier cette fois-ci.

Je me souviens de tout, jusqu'au bruit discret des voitures lointaines. Je me souviens surtout de ses yeux ouverts qui ne voulaient plus se fermer et du sang qui nous entouraient, telle une mer rouge.

Je l'ai tué et je ne peux pas oublier ce que j'ai fait, cet acte n'est pas anodin. Je mérite de vivre avec des remords toute ma vie, car les monstres ne méritent pas la paix et j'en suis un désormais. Je suis une personne horrible, tout comme lui l'était sûrement.

J'ai beau me rappeler sans cesse qu'il devait être une personne horrible, il restait au fond une personne. Il devait avoir une famille qui l'attendait, mais il ne reviendra jamais, car je l'ai tué. J'ai tué un père, un fils, un mari et surtout, un homme.

La seule « bonne » chose à savoir, c'est que je n'irai pas en prison. Je vis à Tepito, un quartier où seuls la peur et le sang règnent. Tous les policiers sont corrompus et peut-être même le gouvernement. Ce qui veut dire que quand ils trouveront le cadavre, ils penseront qu'il s'est fait tuer par un cartel. Au mauvais endroit et au mauvais moment, en d'autres termes.

C'est horrible de penser ainsi, mais pour survivre seul dans un monde sombre, il faut être réaliste. Il faut surtout voir le monde comme il l'est réellement et non comment on espère qu'il soit. L'argent contrôle le monde, la justice est faite par des humains et les gentils perdent plus souvent que les méchants.

Je décide de regarder par la fenêtre que possède ma petite chambre, pour prendre l'air et, à la fois, rafraîchir mes pensées moroses. Je fixe le soleil à peine levé et j'écoute le son habituel des toxicos qui parlent tout seul dans les petites ruelles sombres qui entourent mon appartement.

Je me rapproche de la fenêtre pour baisser mon regard sur les deux chats qui se battent, laissant un peu de sang sur le sol. Quand je vois cette scène, je pense aux petites racailles de Tepito qui se battent dans l'espoir d'un jour rejoindre un grand cartel.

Il faut être désespéré pour vouloir cela de son avenir, mais quelques-uns tueraient pour cela, littéralement. Je m'oblige rapidement à détourner le regard, car l'idée de trouver l'emplacement exact d'où j'ai commis le meurtre me glace le sang.

Je n'arrive pas à retenir ma curiosité très longtemps, car j'observe de nouveau la ruelle et cette fois-ci avec plus d'attention. Le cadavre, que j'ai stupidement laissé gésir dans son propre sang sur l'asphalte froid, a disparu. Ce qui est très mauvais, car j'ai aussi laissé mon arme.

La police ne fera peut-être rien, mais si cet homme appartenait à un cartel, ce qui est très plausible, alors je peux définitivement tirer un trait sur ma vie. Je finirai enterré six pieds sous terre, seulement ce ne sera pas avec le reste de ma famille, mais dans un trou pommé dans une forêt ou un champ quelconque.

Je descends les escaliers à toute vitesse et me précipite à l'arrière du bâtiment dans l'espoir de miraculeusement trouver mon arme toujours sur la scène du crime.

Je marche le long de la petite ruelle et je regarde dans chaque petit recoin. Je ne vois simplement pas mon arme, ce qui annonce définitivement la fin de ma vie, mais une autre partie de moi me chuchote que cela n'était qu'un rêve.

Après tout, je peux toujours me bercer de beaux mensonges, car sans preuves mes rêves pourraient être réalité. Je soupire, épuisé de ma naïveté.

Je repousse mes cheveux derrière mes oreilles et me penche pour observer ce qui est écrit entre deux poubelles. C'est à peine visible, mais tout de même assez pour être facilement remarqué.

Captive du grand Lorenzo LiziriWhere stories live. Discover now