Il resta donc debout, posé fermement sur ses jambes, les mains dans le dos, en bon militaire attendant la salve.

Ça ne tarda pas et ce fut bien sûr son grand-père qui commença, se voulant sévère :

« Comment as-tu osé, partir comme ça, en plein repas et sans même m'en demander l'autorisation ! Où es-tu parti, d'ailleurs ?! J'espère que tu es fier de toi ! M'humilier ainsi devant mes frères d'armes ! »

Adel resta impassible.

« ... C'est inadmissible ! Tu me fais vraiment honte en ce moment ! À refuser de lutter avec nous contre ces maudits pervers... »

Les poings d'Adel se serrèrent un instant dans son dos.

« ... À ne plus respecter tes aînés, après tout ce qu'ils ont fait pour toi ! Réponds ! Où es-tu parti vendredi soir ?! »

Adel répondit avec le calme d'une personne tout à fait indifférente à la colère qui lui faisait face :

« Rejoindre des amis musiciens qui donnaient un petit concert en ville. J'ai fini la nuit avec eux. »

Et il croisa les bras, soutenant sans peine le regard furibond de son aïeul.

Ce dernier serra les poings et se leva. Et Adel le trouva ridicule... Autant son père et sa cinquantaine pouvaient encore éventuellement taper fort, et encore, autant son grand-père de 70 ans...

Les injures et les reproches reprirent un ton au-dessus et Adel ne les écoutait que par principe et avec une indifférence polie, mais évidente. Ce qui rendait ses vis-à-vis encore plus furieux.

« Arrête de me regarder comme ça, continua André de Larose-Croix. Tu crois peut-être que je vais laisser passer ça ?! J'appellerai tes supérieurs dès demain, nous verrons bien ce qu'ils diront de ton insoumission ! »

Cette fois, Adel toussota comme il put pour camoufler son rire, mais ni son père ni son grand-père n'en furent dupes.

Adel reprit son sérieux comme il put. Son colonel lui-même l'avait accueilli sans le punir à son arrivée, malgré son ébriété, et il savait, car ce n'était pas vraiment un secret, que Gradaille et le général Heldish, son supérieur, étaient de vieux amis, tout comme le fait que de par ses origines juives, Heldish était très loin de la clique de cathos-réac avec laquelle son grand-père avait encore des relations. Il n'y avait donc aucune chance que cette clique puisse faire pression d'aucune façon sur eux, contre lui.

Bref, Adel s'en contrefoutait à peu près autant que de sa première tétine, de ces menaces pitoyables.

Et son visage devait l'exprimer assez clairement, car son grand-père, furieux de son absence de réaction et surtout d'excuses, se tourna brusquement vers son fils :

« Bon sang, mais qu'est-ce que tu as foutu, Théodore ! Tu n'es même plus capable de tenir ton propre fils, qu'il fasse n'importe quoi sans que tu puisses le retenir... ? »

Adel regarda avec lassitude le vieil homme hurler contre son père et soupira. Il décroisa les bras et partit, les plantant là, sans prêter la moindre attention à l'ordre de son père qui lui intimait de rester, qu'ils n'avaient pas fini. Ce qui ne fit que rajouter de l'eau au moulin du grand-père.

Adel ne se demanda pas où étaient Caroline et sa mère, sans doute devant la télé, ailleurs, ayant laissé les hommes régler leurs affaires entre eux...

Il alla ramasser son sac et le posa dans sa chambre avant d'aller voir ses enfants.

Bruno dormait déjà à moitié. Adel s'assit quand même près de lui et caressa sa tête.

Le Petit PapillonWhere stories live. Discover now