Chapitre 29

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- Dimanche 22 août -

— Baisse tes mains !

Louis tenta tant bien que mal de s'exécuter.

Voilà dix jours que Jules lui apprenait l'équitation, toujours sur le dos de Saol. Louis s'améliorait, prenait peu à peu confiance et, aujourd'hui, Jules avait décidé de corser les choses. Après l'avoir prévenu, il avait intimé à Louis de serrer - à peine - les talons. Saol avait alors pris une petite foulée de galop. Seulement, Louis perdait l'équilibre, serrait les jambes et levait les mains vers le ciel.

— Tout doux !

La voix de Jules claqua dans l'air. Saol ralentit son allure, pour retrouver un pas léger, non sans souffler.

— Je veux le refaire ! J'ai juste été surpris par la vitesse, mais je veux le refaire !

Louis était déterminé. Il s'était préparé après l'avertissement de Jules, mais malgré tout, il avait un peu paniqué. Les foulées étaient différentes. Le rythme de son bassin devait s'adapter, suivre ce mouvement qu'il ne connaissait pas. Il s'était senti glisser, mais il voulait recommencer. Jules prenait de son temps pour lui, et il était hors de question qu'il reste sur une sensation de défaite.

— Tu es sûr que tu ne veux pas attendre ?

— Certain !

— Bien. Refais quelques tours au pas, puis au trop et quand tu te sentiras prêt, tu lui donneras l'ordre d'accélérer.

Louis écouta. Il réalisa des cercles au pas, flattant l'encolure de Saol d'une main. Il reprit ensuite sa prise sur les rênes et donna un léger coup de talons pour que Saol trottine. Aussitôt, Louis se mit à suivre le mouvement. Il avouait sans mal que le trot enlevé était bien plus agréable que le trot assis. Puis, lorsqu'il se sentit prêt, en parfaite communion avec Saol, il prit une position assise, inclina les jambes et Saol répondit instantanément.

Ses foulées étaient souples. Louis, bien qu'il soit encore gauche sur sa monture, savoura le moment. L'air fouettait son visage. Le paysage défilait sous ses yeux. La sensation était grisante. Il avait le sentiment d'être libre, vivant. Il en profita plusieurs tours, avant que Saol ne ralentisse puis se stoppe totalement à la demande de Jules.

Louis avait été surpris les premiers jours. Ces gestes étaient mauvais. Tout ce qu'il ne fallait pas, il le faisait. Pourtant, malgré sa maladresse qui aurait dû exciter Saol, ce dernier répondait à chaque ordre prononcé par Jules. Un simple claquement de langue et il avançait. Une intonation plus élevée et il ralentissait. Leur complicité était indéniable. Des années qu'ils étaient le compagnon de l'un et de l'autre, et cela se ressentait.

— C'est aussi déstabilisant qu'agréable ! s'exclama Louis après avoir mit pieds à terre.

Il déposa un baiser papillon sur les lèvres de Jules.

— Je comprends pourquoi vous aimez ça.

— Et pourtant, il me semble que tu avais dit que c'était une mauvaise idée, la première fois.

— Y'a que les cons qui ne changent pas d'avis !

Jules sortit une pomme de sa poche et la tendit à Saol qui s'empressa de croquer dans le fruit rouge. Ils quittèrent la carrière, Saol marchant à leurs côtés, les suivant sans même que Jules n'ait à le tenir.

— Votre complicité est belle.

Jules gratta l'encolure de Saol qui émit un hennissement satisfait.

— Il est là depuis des années. Il a été une véritable bouée dans les moments difficiles.

Saol poussa son museau contre son propriétaire, dans l'attente de nouvelles attentions. Louis jeta un regard en coin à Jules. Ses yeux semblaient perdus dans le lointain, ses traits un peu voilés, mais il revint rapidement à lui.

L'engrenage des champs | BxBWhere stories live. Discover now