Chapitre 2

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- Samedi 19 juin -

Les rayons du soleil commençaient seulement à filtrer dans la pièce, lorsque Jules quitta le cocon douillet que représentait son lit. La mine fermée, il pénétra dans la cuisine, ressassant les paroles de Louis.

Leur rencontre ne s'était pas déroulée sous les meilleurs augures. Et la soirée ne s'était pas terminée dans une ambiance plus agréable. La dernière pique de Louis avait fait mouche et il avait été incapable de garder sa langue dans sa poche. La réponse avait fusé, sèchement, durement. Le silence avait envahi la pièce. Le climat était devenu glacial. Pour la seconde fois de la soirée, ils s'étaient affrontés du regard, refusant de lâcher.

C'est finalement Louis, cette fois-ci, qui avait rompu le contact après qu'Arthur lui ait claqué le crâne brutalement. Le regard noir qu'il avait lancé à Louis avait eu le mérite de lui arracher un frisson de gêne. Jules avait rejoint sa chambre, le corps crispé, les muscles tendus. Il ne comprenait pas comment son frère, avec lequel il avait toujours été complice, pouvait tolérer une telle personne dans son entourage.

Sa nuit avait donc été moins reposante qu'il ne l'avait voulu. Pourtant, malgré la fatigue, il s'était levé aux aurores comme tous les jours.

Il se pressa deux oranges fraîches, dégusta des tartines avant de faire couler son café, qu'il bu aussitôt. Il appréciait la chaleur de l'arôme coulant le long de sa gorge. Arthur avait beau dormir, il pouvait presque l'entendre râler devant son empressement. S'ils s'entendaient bien et avaient de nombreux points communs, celui-ci n'en était pas un.

Arthur était de ceux qui font couler leur boisson, humait sa saveur pendant qu'elle perdait quelques degrés, avant de la boire sans précipitation. Jules, de son côté, était de ceux qui trouvaient la machine toujours trop longue à faire son travail et ingurgitaient le nectar tout juste la dernière goutte tombée dans la tasse.

Son petit-déjeuner avalé, il commença sa journée en préparant celui de sa famille et de ses convives, profitant d'être seul dans la pièce. Il ne lui fallut que deux dizaines de minutes pour tout boucler, puis prendre la direction des écuries.

Il maîtrisait son travail sur le bout des doigts. Il connaissait ses installations, ses bêtes. Il enchaîna les tâches, les unes après les autres. Nourrir. Traire. Pailler. S'assurer que tout allait bien, que tout fonctionnait.

Le jour était levé depuis longtemps, lorsqu'il quitta l'étable. Les vaches étaient maintenant dans les prés, profitant de la journée puis de la nuit. La voix lointaine de Mélanie se fit entendre et il partit dans sa direction.

La jeune rousse se trouvait au centre de la carrière. Vêtue d'un pantalon d'équitation bordeaux, les chaussettes montant le long de ses mollets arrondis, un tee-shirt blanc sur les épaules, elle donnait ses conseils et explications avec patience et bienvaillance. Une dizaine d'enfants sur leur monture tournait en cercle autour d'elle. Jules s'approcha jusqu'à prendre appui sur la barrière de bois.

Il regarda sa sœur et ses jeunes élèves, le replongeant dans ses souvenirs, lorsque lui-même chevauchait sa première monture, un shetland du nom de chocolat. Il avait eu peur. Il était tombé. Plusieurs fois. Il s'était fait mal. Il avait pleuré. Mais il était toujours remonté, sous le regard fier de celle qui lui avait tout appris.

Il en avait passé des heures à traîner dans ses pattes. Il l'avait suivi, l'avait admiré donné ses cours, monter à cheval. Il avait autant appris en regardant qu'en pratiquant. La passion de sa mère pour les équidés, elle l'avait transmise à toute la famille. Mélanie avait suivi ses traces dès qu'elle avait été en âge pour, à son tour, grimper sur le dos de chocolat.

L'engrenage des champs | BxBWhere stories live. Discover now