Chapitre 8

1.3K 175 119
                                    

- Dimanche 27 juin -

Comme il l'avait prévu, sa soirée s'était avérée calme et tranquille. Le repas avait été moins agité avec la seule compagnie de sa sœur et son père. Aucun reproche n'avait été fait, aucune remarque n'avait fusé. Il s'était couché apaisé et détendu. Pourtant, le sommeil avait tardé à l'emporter.

Il avait tout essayé. Compter les moutons, s'allonger sur le ventre, sur le dos, sur le côté, ou encore comme une étoile de mer. Ses draps s'étaient froissés, sa housse de couette tombant au sol, sous la force de ces mouvements agacés. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'Arthur sortait, seulement il était incapable de faire taire l'inquiétude qui s'insinuait en lui.

Elle était tapie dans l'ombre, se glissant pour effacer la lumière à la moindre faille. Elle coulait dans ses veines, comme une drogue dans le sang. Elle retournait son estomac, ses entrailles, son ventre se contractant au point d'en avoir des crampes. Dès qu'il fermait ses paupières, des images sordides, constituées d'une quantité insupportable d'hémoglobine, s'imprimaient sur ses rétines. Bien plus vite qu'il ne les avait fermés, il ouvrait les yeux, le souffle court.

Sa nuit avait été ainsi. Un enchaînement de micro-siestes et de réveils en sursaut à la suite de cauchemars qui le laissaient haletant, la respiration hachée, les mains tremblantes et le cœur battant en cavalcade. Le problème était moindre quand Arthur n'était pas à la maison.

Certes, il s'inquiétait pour lui. Comme toujours. Cependant, il ignorait quand il était de sortie. Alors il n'avait aucun mal à se rassurer en se disant que son cadet était bien au chaud, en sécurité, dans son petit appartement douillet. Contrairement à cette nuit où il avait loisir à guetter la porte d'entrée, pour s'assurer qu'Arthur rentrait sain et sauf.

La sonnerie de son réveil, qu'il n'avait plus l'habitude d'entendre, se levant avant qu'il ne sonne, se fit stridente pour ses tympans. D'un mouvement brusque, sa main vint s'écraser sur ce dernier pour le stopper, le faisant par la même occasion tomber de sa table de nuit. Il glissa ses doigts sur son visage, tout en laissant échapper un grognement.

Simplement vêtu d'un caleçon, il quitta sa chambre, prenant la direction de la cuisine. L'odeur du café s'infiltrant dans ses narines lui permit de dissiper le brouillard qui l'entourait, mais n'effaça en rien les cernes dessinées sous ses yeux, ni l'inquiétude qui le tiraillait toujours. Il était cinq heures du matin et toujours aucune trace d'Arthur. Il jeta un regard sur son portable dont l'écran demeurait noir.

Ses doigts frolèrent le mobile, faisant défiler la liste de ses contacts. Ses yeux s'attardèrent sur le prénom d'Arthur. Le pouce en suspension, il hésita de longue seconde. Devait-il l'appeler pour se rassurer, au risque que son frère ne le trouve envahissant et lui rappelle qu'il était majeur et vacciné ? Résigné, il lâcha un soupir.

Le nez dans le réfrigérateur, en train de sortir un œuf, une plaquette de beurre et un pot de confiture, l'intensité des battements de son cœur s'apaisa quand il entendit la porte s'ouvrir.

— Chut... Faut pas faire de bruit, les gens font dodo, souffla une voix éméchée qu'il reconnut comme étant celle de son frère.

Malgré le taux d'alcoolémie qu'il devinait élevé après cette courte phrase, et même si sa nuit était terminée, il fut rassuré de les savoir à la maison. Il déposa ses vivres sur le meuble, sur lequel il prit ensuite appui, les bras croisés sur sa poitrine.

— J'ai un creux.

— Moi aussi.

— Cuisine ! s'exclama le dernier, tout en chuchotant, ce qui donna un petit bruit aigu arrachant un sourire à Jules.

L'engrenage des champs | BxBWhere stories live. Discover now