13. Encore un enfoiré d'emmerdeur!

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~ QUELQUES JOURS PLUS TARD ~


Je quittai l'enceinte de ma prison scolaire. Un autobus scolaire passa en trombe à quelques centimètres à peine du trottoir où je marchais. Je le maudis à voix haute.

J'avais le moral au beau fixe : tout était parti en vrille dès l'instant où j'avais franchi les premières grilles : l'emmerdeur de Samuel m'avait couverte de boue, ayant prétendu vouloir me donner un peu de couleur. Ne vous inquiétez pas, je lui avais rendu sa monnaie – j'aurais parié qu'il claudiquait encore, ses couilles écrabouillées.

Ainsi, je marchais presque paisiblement, quand tout à coup...

– Hey Romane! m'interpella quelqu'un derrière moi.

Je m'arrêtai net, lâchant un profond soupir à peine masqué. La surprise me figea sur place. Ah non, pas l'enfant gâté-pourri qui me poursuit aussi. Après le pluie, le beau temps, hein? Je levai les yeux au ciel et poursuivis mon chemin.

– Content de te voir aussi, dit-il à mon dos.

– T'as tout compris, lui répondis-je.

Un ballon roula au travers de mon chemin, puis Gaël passa devant moi. Il me contourna, puis son maudit ballon recroisa ma route. Il répéta son petit manège. « Faire chier » n'était, en définitive, aucunement une expression appropriée pour décrire le comportement insupportable de ce garçon. Son papa l'avait-il encore invité à me tourner autour telle une sangsue, puisque M. lui-même n'aurait jamais daigné poser son regard sur ma sale personne?

– C'est encore ton papa qui t'a dit de jouer le gentil avec moi? l'accusai-je froidement.

– Qu'est-ce qui te fait dire ça?

Il botta son ballon au travers de mon chemin et je l'arrêtai avec mon pied.

– Non, mais à quoi tu joues, espèce de taré? lui demandai-je, implacablement.

– Je joue au ballon, ça se voit?

Il fit un geste pour récupérer son ballon, mais je le ramassai juste avant, pour le lui ficher en pleine poitrine.

– Déguise-toi en courant d'air et dégage, lui ordonnai-je en prenant soin de détacher chaque syllabe.

Il esquissa un sourire.

– Waouh! Tu as toujours de nouvelles expressions à m'apprendre, c'est super.

Il pétait plus haut que son cul, quoi. Son sarcasme analogue au mien m'arracha presque un éclat de rire. PRESQUE. Mais je m'étais retournée avant qu'il ne l'ait vu; celui aurait été une victoire pour lui.

– Et du coup, tu aimes la poésie? Ou le rap? ajouta-t-il.

Mon silence fut ma réponse. Il se mit à cantonner un rap improvisé :

– Donc je t'emmerde à chier, j'le sais avec toutes les insultes que t'as braillées, mais on est proches de foyer, alors tu devrais te dire choyée...

– PUTAIN DE MERDE D'ENFOIRÉ!

J'éclatai de rire contre mon propre gré et le repoussai sur le côté. Il s'esclaffa à son tour. La situation était tellement absurde! Comment avait-il composé cet espèce de rap dans le moment? À moins que cela n'eût été son plan... Il reprit son sérieux avant moi et lâcha :

– Jusqu'au dépanneur! On verra qui est le plus gros enfoiré de nous deux!

À peine avait-il fini de prononcer la dernière syllabe qu'il s'élança droit devant. Je le rattrapai en riant, puis le dépassai. Allez savoir comment, mais je courais plus vite que je n'avais jamais couru, et ce, tout en papillonnant d'euphorie à l'idée de gagner – de prouver, une fois de plus, que j'étais meilleure que lui. Il me rejoignit et nous échangeâmes quelques bousculades pour ralentir l'autre.


C'était tellement un moment... ensoleillé? Il était impossible à détester, je vous jure.

HEY! Je parle du moment qui est impossible à détester. N'allez pas croire que ce garçon me plaît! Loin de là. Il est un enfoiré d'emmerdeur, capiche?


Je m'apprêtai à traverser la rue pour atteindre le dépanneur, lorsque Gaël freina brusquement en retenant mon bras. Je tentai de me dégager vivement, outrée qu'il essayât de me faire perdre. Puis je le regardai par-dessus mon épaule.

Son sourire s'était éteint et il regardait légèrement vers la droite, l'air paralysé.

Mon regard suivit le sien.

Mon adrénaline se mut en glace, m'immobilisant pour de bon.

Au-delà des motsWhere stories live. Discover now