2. Un peu plus tôt ce jour-là

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La journée avait commencé tranquillement. J'avais aidé ma mère à défaire des boîtes – on avait terminé de transporter nos derniers effets l'avant-veille. Elle n'eut cessé de me répéter à quel point elle reconnût mon aide (non-sollicitée), à quel point elle m'eut trouvée mature du haut de mes huit ans. Ensuite, elle avait dû préparer son bureau. Elle m'avait dit qu'elle n'avait plus besoin de mon aide, alors j'étais allée voir ma petite sœur, Iris, au sous-sol. Celle-ci se trouvât assise devant le divan, entourée de jouets, de casse-têtes, de peluches et que sais-je, faisant dos à la télé où défilèrent des images d'animaux humanisés.

– Salut cocotte, lui avais-je dit.

– Romyyyy! s'était-elle écriée, tendant les bras pour que je la prisse.

– Ro-ma-ne, l'avais-je corrigée sèchement en la soulevant de terre.

– Non, Romy, avait-elle répondu sur le même ton. Roooo-myyyyy! Ro-ro-ro-my-myyyy! avait-elle cantonné à m'en fendre les tympans.

– Tu m'énerves, grosse maligne.

Elle avait rigolé bruyamment. Je me fus assise sur le divan, avec elle sur mes genoux.

– Elle est où maman? m'avait-elle demandé en regardant avec intérêt autour de nous.

– Dans son bureau, lui avais-je répondu.

– Pourquoi elle vient pas jouer avec nouuus? s'était-elle complainte.

– Il ne faut pas la déranger, lui avais-je répondu.

Elle avait haussé les épaules et avait décidé de me raconter en détail ce que l'une de ses peluches avait dit à sa poupée. Son babillage m'eut rendue exaspérée et j'avais soupiré, sachant qu'elle eût bientôt fini par se taire. Je m'étais concentrée sur le téléviseur, puis avait pris possession de la télécommande avant que la petite démone n'eût saisi l'occasion de tout bousiller. J'avais changé la chaîne – l'émission ridicule d'animaux ne m'intéressait aucunement davantage qu'à elle-même. Iris avait vu que je me fichasse amplement de son babillage et avait commencé à jouer distraitement avec mes nattes blanches. J'avais à peine commencé à m'intéresser à un épisode de Découverte, sur une espèce d'insecte rarissime, que maman avait déboulé dans la pièce, probablement encore sous l'impulsion d'une de ses idées farfelues.

– Iris voulait te voir, lui avais-je dit avant qu'elle n'eût pu placer un mot.

– Ah chérie, viens me voir.

Puis elle avait pris Iris contre elle, se désintéressant complètement de moi comme à toutes les fois où Iris eut sollicité son attention. Puis j'avais senti le lourd regard de maman sur moi, mais je l'avais ignorée, emplie de jalousie pour Iris.

– Tu devrais sortir, avait-elle finit par dire.

– Pourquoi? lui avais-je répondu.

– Parce que, avait-elle répliqué en soupirant. Tu as 11 ans, tu ne peux pas rester devant la télé toute la journée à rien faire.

– Je suis bien avec Iris, avais-je menti spontanément, tout en gardant mon regard fixé sur les images défilant à l'écran.

– Non, tu dois prendre l'air, jouer dehors, te faire des amis... avait-elle énuméré. C'est mal-sain, avait-elle rapidement ajouté en mettant l'emphase sur la syllabe « mal ».

Puis elle m'avait pris la télécommande des mains et avait éteint le téléviseur.

Tu sais ce qui est mal? T'appliquer à contrecarrer mes passe-temps pour me faire chier, eussé-je envie de lui répliquer.

Au-delà des motsHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin