Chapitre 9

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Elsa adorait manger dans les avions. Le plateau-repas avec ses récipients qui s'emboîtaient comme des poupées russes lui donnait l'impression de jouer à la dînette. Avec le risque que les pâtes trop cuites ou le thé imbuvable atterrissent sur ses genoux.

Ici, la dînette se présentait sous forme de mini-sandwiches farcis au concombre et au saumon, à l'opposé de la nourriture de cantine qu'elle avait déjà goûtée. Elle déclina une coupe de champagne et se rabattit sur un verre d'eau pétillante. On lui servit ensuite un émincé de veau, puis un fondant au chocolat.

Comme l'avait affirmé Eduardo, Garamont semblait tenir à ses rondeurs...

Lorsqu'elle eut terminé, l'hôtesse revint avec une enveloppe crème qu'elle identifia sans mal.

— Merci, dit-elle en la saisissant d'un geste un peu trop brusque.

La jolie rouquine n'en perdit pas son sourire pour autant. Elsa la décacheta et en tira une lettre, manuscrite cette fois. Elle reconnut immédiatement l'écriture de Garamont.

Chère Elsa,

Je suis ravi que vous n'ayez pas renoncé, malgré vos craintes. Le spray au poivre me paraît cependant excessif.

Je salue au passage votre goût en matière de sous-vêtements, même si j'aurais pour ma part choisi la nuisette noire.

Le basset artésien l'avait encore suivie ! Elle serra tant les mâchoires que l'émail de ses dents grinça.

Mais venons-en à l'essentiel. Une suite vous attend au Ritz. Profitez de votre soirée pour vous reposer. Je vous rejoindrai demain matin et vous serez toute à moi.

Sincèrement vôtre,

Adam

Toute à lui ? Une profonde lassitude s'empara d'Elsa. Elle replia la feuille, la glissa dans son sac, inclina le dossier de son siège et se plongea dans la lecture d'un journal à scandale.

Quand l'hôtesse la tira de son insipide lecture pour lui annoncer l'atterrissage, des milliers de lueurs ponctuaient le sol comme autant de lucioles géantes. Londres.

Et Garamont.

Elle embarqua dans la voiture qui l'attendait à sa descente de l'avion. Le front collé contre la vitre, elle ouvrit des yeux émerveillés. Les mythiques bus rouges à deux étages roulaient dans les rues à l'envers du bon sens et une foule dense et bigarrée flânait sur les avenues illuminées.

Le véhicule s'arrêta devant une imposante façade qui arborait les enseignes « Ritz hotel », « Ritz restaurant » et « Ritz club » surmontées de visages solennels sculptés dans la pierre. Des arches ouvraient des bouches béantes sur une galerie couvrant le trottoir.

Un voiturier s'empressa d'ouvrir sa portière et de récupérer sa valise. Elle le suivit dans le lobby d'un pas paisible, foulant les tapis rouges. La décoration chargée – tentures, peintures, dorures et voûtes – contribuait à l'âme centenaire des lieux. Même si elle se trouvait aujourd'hui de l'autre côté du comptoir, elle se sentait à son aise dans l'atmosphère feutrée.

Elle s'annonça auprès d'un réceptionniste ; la vérification ne prit qu'un instant. Il appela un chasseur, auquel il remit une clé magnétique. Elle emboîta le pas au jeune homme en uniforme écarlate, savourant le charme désuet de l'hôtel. L'ascenseur les mena jusqu'au troisième étage. Lustres et meubles de style se succédaient dans le couloir ; ses semelles s'enfonçaient dans la moquette élastique. Le chasseur introduisit la carte dans la serrure électronique d'une porte massive et l'ouvrit.

Addiction sensuelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant