Chapitre 7

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Eduardo disait vrai : à présent que la douleur des trois premiers entraînements s'estompait, elle attendait avec impatience sa venue. Il l'encourageait, la poussait à donner le meilleur d'elle-même, et elle ne culpabilisait plus quand elle piochait dans sa réserve de sucreries.

Autre avantage : le sport l'aidait à occulter l'approche du week-end fatidique. À ce propos, elle n'avait reçu de nouvelles ni de Garamont ni d'Apollon. À croire qu'ils l'avaient oubliée.

Le mercredi, l'enveloppe crème qui dépassait de sa boîte aux lettres la nargua au retour de leur séance de jogging.

— Tu permets ? demanda-t-elle à Eduardo.

— Tu as deux minutes. Chaque seconde supplémentaire te vaudra un abdo.

Peu tentée, elle arracha le rabat et parcourut le texte en diagonale pour n'en retenir que l'essentiel : une voiture viendrait la chercher vendredi à dix-neuf heures. Aucune mention de la destination. Suivaient une liste de tenues à emporter et le bla-bla d'usage. Elle déposa le courrier sur la table de la cuisine et rejoignit Eduardo au salon. Il arrêta son chrono dès qu'elle s'assit sur son tapis de gym.

— Parfaitement dans les temps. On attaque, lança-t-il avec entrain.

Quelques minutes plus tard, à quatre pattes sur le sol, une jambe et le bras opposé relevés à l'horizontale, elle se décida à l'interroger :

— Comment as-tu connu Adam Garamont ?

— Il m'a aidé à me lancer.

— De quelle manière ?

Elle peinait à visualiser le millionnaire en philanthrope. Eduardo haussa les épaules.

— Je travaillais dans le fitness qu'il fréquentait. Quand j'ai démissionné pour me lancer en solo, il m'a proposé de m'engager comme entraîneur personnel. Je l'ai été durant deux ans. Il a parlé de moi à ses connaissances, et ma clientèle s'est développée. Ensuite, il a déménagé à Zurich pour remplacer son père à la tête du conseil d'administration de leur banque. Nous sommes restés en contact.

Aujourd'hui, il lui demandait un retour d'ascenseur. Il devait avoir une sacrée confiance en Eduardo, parce que le chantier d'amaigrissement était pharaonique.

— Tu dois me faire perdre combien de kilos ? grommela-t-elle.

Il secoua la tête, surpris.

— Ce n'est pas le but recherché, Elsa.

Mais bien sûr !

Devant son silence entendu, il précisa :

— Adam apprécie tes formes. Il ne veut surtout pas que tu les perdes. Mon job est d'améliorer ton endurance.

Elle n'osa pas lui demander ce qu'il savait des projets d'Adam la concernant. Rougissante, elle marmonna la première chose qui lui passait par la tête :

— J'espère que ça ne t'ennuie pas de t'occuper de moi.

— Pourquoi ? demanda-t-il, étonné.

Elle reposa la jambe, s'agenouilla et le dévisagea.

— Parce que je n'ai rien en commun avec ta clientèle habituelle et que tu es obligé de m'entraîner dans un salon pareil.

D'un geste ample, elle désigna le vieux canapé labouré par la Teigne, les bibliothèques en bois sombre et le papier peint jauni. Elle rêvait de murs clairs, de meubles coloniaux et de tapis moelleux.

Un jour, elle n'aurait plus honte de sa maison. Bientôt, peut-être.

— Peu m'importe où tu vis, affirma-t-il. Tu m'accueilles toujours avec le sourire, tu es motivée et tu progresses. Alors tout va bien.

Soudain, elle eut le sentiment que plus rien n'allait au contraire. Mais elle ne pouvait pas s'en ouvrir à lui ni quitter le train en marche. Ses yeux picotèrent. Elle ravala ses larmes comme elle savait si bien le faire.

Eduardo ne remarqua rien.

Après son départ, elle composa le numéro de Marion, mais raccrocha avant la première sonnerie. Inutile de la tracasser avec son émotivité. Elle plissa le nez. En même temps, les amies étaient là pour ça, non ?

Elle recommença. Marion décrocha presque aussitôt.

— Un souci ? demanda-t-elle.

— La trouille.

Soupir de soulagement dans le téléphone.

— Tu m'inquiéterais si tu ne l'avais pas, s'amusa Marion.

— Je devrais peut-être laisser tomber.

Dans le fond, ce serait tellement plus simple.

— Exclu, poulette. Pour le moment, tu fonces.

— Et s'il tente de me forcer à faire quelque chose ?

— Je t'amènerai un spray au poivre demain. Mais honnêtement, avec le contrat qu'il t'a fait signer et les moyens qu'il investit, je pense que tu ne risques rien.

Pas faux. Cela n'en calmait pas ses angoisses pour autant.

— J'ai peur, répéta Elsa.

— Je sais. Mais ça ira.

— Et s'il s'agissait d'un tueur en série ? Il a assez d'argent pour se débarrasser des corps.

— ...

— Pourquoi tu ne dis rien ?

— Parce que j'hésite entre hurler de rire ou pousser de petits cris hystériques en me roulant par terre de désespoir.

— Grande nouille.

— Moi aussi, je t'aime.

Addiction sensuelleWhere stories live. Discover now