Chapitre 4

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Genève, lundi 30 mars

L'orage creva soudain, déversant des trombes d'eau sur les passants. Debout derrière la fenêtre, Jérôme Varnier sourit lorsqu'une voiture éclaboussa un type en costume-cravate qui s'abritait tant bien que mal sous sa serviette en cuir.

Au même instant, l'horloge placée sur son bureau carillonna. Elle ne tarderait plus. Il se réjouissait de découvrir la femme qui perturbait son ami au point qu'il lui demande de rédiger cet invraisemblable contrat de travail.

La sonnerie du téléphone retentit. Le numéro de la réception clignotait sur l'écran. Pile à l'heure. Un point pour elle. Il décrocha.

— Votre rendez-vous est arrivé, monsieur, annonça une voix féminine.

— Faites-la monter.

Il rejoignait le palier au moment où les portes de l'ascenseur libéraient une étonnante créature. Petite, ronde, des cheveux ruisselants et des yeux soulignés de traînées de mascara, abrités derrière des lunettes semées de perles d'eau. Pas du tout ce à quoi il s'attendait. Elle se figea en le découvrant. Il lui tendit la main d'un geste vif.

— Mademoiselle Carazzone ? Je suis maître Varnier.

Jérôme retint une grimace quand les doigts humides de la jeune femme se refermèrent sur les siens.

— Enchantée, marmonna-t-elle.

— Peut-être désirez-vous vous sécher ?

— Volontiers.

Il la guida jusqu'aux toilettes.

— Je vous attends là, prenez votre temps.

— Merci.

Jérôme la regarda disparaître dans la pièce en s'essuyant la main avec un mouchoir immaculé. Qu'est-ce qu'Adam pouvait bien lui trouver ? En sus d'un physique quelconque, elle était incapable d'aligner deux mots.

***

Elsa s'adossa au battant, les jambes flageolantes. Ce n'était qu'un rendez-vous avec un avocat ! Bon, d'accord, pas un simple avocat : un ténor du barreau séduisant à souhait, avec ses allures de statue grecque, ses yeux aigue-marine et ses boucles châtain. À croire que le millionnaire ne s'entourait que de peaux lisses et de regards frangés de longs cils. Le sien, de regard, lui fit lâcher un juron. Un vrai panda ! Et ses cheveux ! Entre le casque de cycliste et la pluie, pour la bonne impression, elle repasserait. Elle comprenait à présent l'air médusé de la réceptionniste qui avait déposé ses affaires trempées au vestiaire.

Des coups légers la tirèrent de ses considérations.

— Tout va bien, mademoiselle ?

Il était sérieux, là ? Elle s'apprêtait à signer un contrat indécent en ayant l'air de s'être enfuie d'un asile pendant un ouragan. Rien n'allait.

— Oui, oui, s'écria-t-elle. J'ai juste besoin d'une minute.

D'une heure, plutôt. Elle dévalisa la pile d'essuie-mains en tissu éponge qui jouxtait le distributeur de savon pour frotter les taches noires autour de ses yeux, et sécher ses lunettes et ses cheveux. Elle disciplina ensuite tant bien que mal ses mèches humides. Son reflet la fit grimacer : une écolière au sortir de la douche. Et puis zut. Elle n'était pas ici pour séduire.

Quand elle émergea des toilettes, Varnier n'avait pas bougé d'un cil. Ce type devait avoir la patience d'un ange ou d'un prédateur à l'affût. Sans doute en fallait-il pour supporter les excentricités de ses clients, et en particulier celles de Garamont.

Addiction sensuelleWhere stories live. Discover now