Chapitre 4

745 61 29
                                    

Je rentre dans mon appartement à l'internat complètement épuisé. On n'a cessé de m'interroger au sujet de Newton, de m'harceler et de me prendre en photo. Je n'ai jamais vécu plus oppressant. Je m'affale dans mon canapé, un gigantesque verre d'eau en main, l'esprit pleins de mots révisés pendant les classes. La porte d'entrée claque. Je sursaute un peu, me retourne et aperçois un jeune adolescent, brun bouclé, petit, aux joues rondes et aux gros sacs bloqués entre les bras. Je me lève, il pose ses bagages et me serre la main : « Salutations, coloc !

- Enchanté. Je ne m'attendais pas à avoir un colocataire si jeune.

- Et moi si vieux ! Je m'appelle Chuck, et toi ?

- Je suis Thomas. En quelle classe es-tu ?

- J'entre en seconde ! Toi, tu dois être en terminale ! J'ai pas raison ?

- Tu as raison. souris-je. Veux-tu que je t'aide, avec tes valises ?

- Je veux bien, merci ! »

Il m'explique pendant que nous installons sa chambre : « Je n'ai pas pu m'installer ce weekend, j'étais toujours en vacances ! Je suis parti en France pendant un mois ! C'est très intéressant, la France, Paris... Je parle un peu la langue, j'ai pu tester mes talents ! C'est à faire ! Tu devrais y aller !

- Vraiment ? fais-je, un peu troublé.

- Je t'assure ! En plus, il y a de très belles filles, là-bas ! Et de très beaux garçons ! Le niveau culturel est immense ! C'est un voyage immanquable ! sourit-il. Bon, je vais aller me doucher ! »

Et il disparaît aussitôt.

———0o0———

Je compte sortir pour rejoindre la cafétéria lorsque je croise Chuck. Il est enfoncé dans un des fauteuils, la mine boudeuse, un peu pensif, un peu anxieux. Je m'approche et demande : « Quelque chose te tracasse ?

- Je n'ai pas d'amis ici, alors... j'ai peur de manger tout seul à la cantine...

- Ce n'est pas un problème ! Je serai ravi de t'accueillir dans mon petit cercle d'amis. Qu'en dis-tu ? » 

Il se relève et sourit : « Ce serait super gentil, Thomas ! Tu veux bien faire ça ? Tes amis seront d'accord ? Je ne veux surtout pas vous déranger !

- Cela leur fera très plaisir, ne t'en fais pas. »

Nous sortons du bâtiment. Dehors, on me fixe, on me juge, on bavarde derrière mon dos, on me prend en photo et on me pointe du doigt. Je ne passe inaperçu à aucun croisement. J'enfonce davantage mon bonnet sur la tête et me cache timidement derrière mes lunettes. J'entends se moquer de moi, demander comment est-ce que Newton a pu me choisir. Mon cœur ne fait que s'étrécir à chaque regard. Chuck remarque : « Pourquoi tout le monde te regarde ? Tu es populaire ? Je n'aurais pas dit ! Il faut dire que tu as un look d'intello ! Ça te va bien, ce n'est pas ça, mais les types intelligents ne sont pas reconnus, dans ce vaste et redoutable monde que l'on appelle "lycée" ! Quoique, il y avait ce gars, en cinquième... Il était deuxième de la classe, juste après moi, et il avait bien les mêmes lunettes et le même style d'intello recroquevillé sur lui-même ! Et toutes les filles étaient folles de lui ! Tous les gars l'admiraient ! Mais il se moquait de tout le monde, je le détestais... C'est ce que les gens populaires font. J'espère que tu n'es pas pareil !

- Je n'ai jamais été populaire. Il y a simplement ces rumeurs, qui courent à mon sujet...

- Oh ! mon pauvre ! Moi aussi, j'en avais beaucoup, au collège ! On disait partout que j'étais un robot, parce que j'avais de trop bonnes notes et que je sautais des classes ! Mais c'était stupide, rien que d'y penser ! Tout le monde sait qu'un robot ne se ferait pas remarquer. Après tout, ils sont suffisamment intelligents pour nous imiter et se fondre dans la masse. Dans tous les cas, je te souhaite bien du courage ! Tu veux que l'on en parle au proviseur ensemble ? Ça t'aiderait ? »

Je compte rétorquer lorsqu'il me devance : « Mais nan ! » Il me scrute un long moment avant de reprendre, surpris : « Tu me rappelais quelqu'un, lorsque je t'ai vu, tout à l'heure ! Mais maintenant, je me souviens de qui tu es ! Oui ! Je t'ai vu, défiler sur les pages Instagram et les sites internet populaires ! Je n'y crois pas ! Tu es le mec de Newton, le beau gosse qui chante et connaît un succès à la Justin Bieber ! Tu es bien lui ! C'est fou ! Je parle au mec d'une star ! Mon colocataire est le mec d'une star ! Ça alors ! Si je m'y étais attendu, en venant dans ce lycée ! Tu es incroyablement chanceux ! Maintenant, tu vas être connu partout dans le monde ! Tu ne pourras pas mettre un pied à Paris que tout le monde te sautera dessus ! J'ai hâte d'assister à ton ascendance de popularité !

- N-Non ! l'arrête-je. Ce sont exactement les rumeurs qui sont lancées sur moi ! Je ne sors pas avec Newton ! Ça n'a jamais été le cas ! Il m'a simplement demandé de l'aide et c'est ce que j'ai fait ! Rien de plus ! Nous nous connaissons à peine ! Tout ça est devenu hors de contrôle...

- Oh, d'accord... C'est dommage, vous iriez bien ensemble ! Quelle drôle d'histoire, alors... C'est absurde de voir à quel point sa vie est sur médiatisée ! C'est vrai, tout s'est répandu si vite ! Comme une épidémie ! J'espère que tout va s'arranger pour toi... même si tu ne risques pas d'être tranquille avant un bon bout de temps ! Je te souhaite bien du courage ! Sache que tu pourras toujours compter sur moi, dans tous les cas ! »

Je le remercie timidement et nous marchons un moment dans le silence. Je reçois à cet instant même une notification de Teresa et allume mon portable, ce à quoi Chuck rit en apercevant un cliché du chanteur en fond d'écran : « Eh bah ! Si j'avais vu ton fond d'écran plus tôt, je n'aurais pas eu de doute sur cette rumeur ! C'est vrai, qui met une photo publique de son petit ami célèbre... ça n'a pas de sens ! » Je me sens rougir, encore et encore, et décide de cacher mon cellulaire au fond de ma poche jusqu'à notre arrivée à la cafétéria.

𝔸 𝕤𝕥𝕒𝕣 𝕝𝕠𝕧𝕖  -ℕ𝕖𝕨𝕥𝕞𝕒𝕤Where stories live. Discover now