Chapitre 12

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Trois semaines sont passées. Trop longues semaines pendant lesquelles je n'ai rêvé que de lui, de sa voix, de son corps. Le manque est gros, douloureux, insoutenable. Je ne mange plus, je ne dors plus, je m'enferme dans ma chambre pour réviser et songer à son regard que j'ai pu croiser dans l'établissement au cours de la journée. Minho, Teresa et Chuck s'inquiètent. Ils ne m'ont jamais aperçu sous ce jour. Je découvre tout autant cette mélancolie, qui me colle à la peau et s'introduit dans mes veines pour intoxiquer mon cœur et mon cerveau. Je ne me reconnais plus. J'essaye de me retrouver, porte à nouveau mon fidèle bonnet et mes lunettes. Mais rien est pareil. J'ai pu goûter au rêve et voilà que l'on me l'enlève. Je culpabilise, je doute. Et si me l'enlevais-je moi-même ? Newton a des explications, il était prêt à me les donner. Et je n'ai rien voulu entendre. Je n'ai rien tenté, je ne lui ai donné aucune chance de se justifier. Suis-je tout autant fautif que lui ? Me déteste-je à ce point pour ne pas m'accorder un peu de tranquillité ? Je sors du bâtiment de mathématiques, il est tard. Le ciel est noir, le vent est froid. Les étudiants se bousculent, crachent sur leur journée, rient avec leurs camarades, s'impatientent et rêvent de leur doux matelas. Moi, je ne veux pas rentrer. Le travail occupe mon esprit et m'empêche de penser à Newton. Je décide de me rendre en salle d'étude, j'envoie l'énième même message à Teresa, lui informant que je ne dînerai pas avec eux à la cafétéria ce soir. C'est lorsque je longe le bâtiment d'étude que j'entends la voix grave de Gally. Il est là, à l'intersection, à fixer le mur. Je devienne qu'il discute avec quelqu'un.

« Je ne pensais pas que tu serais capable de faire ça ! Tu te rends compte de ce qui tu risques ? Du nombre de personnes que tu vas décevoir ? Et je ne te parle même pas de l'état de Janson !

- Tu m'as dit l'exacte même chose lorsque je suis tombé amoureux de Tommy. rappelle Newton.

- Exactement ! Et regarde un peu où ça t'a conduit !

- Tout est de ma faute... Si je n'avais pas accepté cette mise en scène, rien n'aurait changé.

- Écoute, ce n'est pas ce que je voulais dire... Tu n'avais pas le choix et je le sais. Je n'imagine pas à quel point ça doit être horrible d'embrasser un genre qui ne t'intéresse pas.

- Je ne te le souhaite jamais... soupire-t-il. Je me sens... souillé.

- Mais tu as fait le bon choix. Si tu avais refusé, Janson nous aurait plaqué, ta carrière serait fichue. Tu me diras, peu importe, maintenant que tu veux tout arrêter pour un garçon ordinaire...

- Tu ne sais pas --

- Ce que tu ressens à son égard, tu me l'as déjà dit...

- Je ne supporte plus de le voir tous les jours sans même lui parler, je ne tiendrai pas toute une année. L'envie de jouer m'est passée, de toute manière.

- Et en quoi retourner en Angleterre t'aiderait à oublier ce crétin ?

- Tu ne comprends pas ! Je ne peux pas l'oublier ! C'est pourquoi je dois partir d'ici et le plus tôt possible pour aller mieux...

- Sérieusement ?

- Je suis un idiot... jamais je ne supporterai de ne plus jamais le voir !

- Ne me dis pas que tu renonces à ton pays natal uniquement pour cet intello de première et non pas pour ta carrière ?

- Cette carrière est superficielle... Si j'arrête tout, j'aurais l'occasion de faire de bonnes études, d'avoir un bon métier. Et si cela ne réussit pas, j'ai déjà accumulé suffisamment d'argent jusqu'ici pour vivre correctement jusqu'à la fin de mes jours ! Alors que lui... lui... il est inestimable, il... il --

- Il est magnifique, unique, brillant, courtois, bienveillant, différent, attachant, délicat, passionnant, sincère, serviable, studieux, surprenant, talentueux... Tu m'as déjà fait la liste quarante fois.

- Je l'aime... Je l'aime tant... Je l'aime bien plus que ma carrière et ça m'effraie.

- Et qu'est-ce qui te dit qu'il te pardonnera ? Tu as déjà conçu le scénario où tu abandonnes tout et qu'il t'ignore ? On ne sait rien de ce mec. Il cache peut-être un cerveau manipulateur derrière ces airs d'intello.

- Tu as raison, mais... j'ai déjà tout perdu, que ce soit mon envie de me produire sur scène ou d'étudier dans ce lycée. À quoi bon continuer s'il ne fait plus partie de ma vie ? murmure-t-il. Je ne suis rien, sans lui... je suis simplement... là.

- Tu délires complètement... Tu le connais depuis un an à peine ! Reprends toi, Newton ! Ce n'est pas de l'amour mais de la folie, rien que du poison !

- L'amour est une pure folie qui ne conduit nulle part, excepté à la mélancolie du cœur et à la rancoeur de l'âme...

- Tu as bu, c'est ça ? Tu es alcoolique ? Ou drogué ?

- Je ne touche pas à ces merdes... je suis juste... dévasté.

- Écoute, tu vas te reprendre en main, parler à cet intello, baiser avec lui, puis reprendre tes concerts comme si de rien n'était. Ça te va ?

- Comment tu choisis tes mots, Gally... Quand on est amoureux, on fait l'amour à l'autre, on ne le "baise" pas. Et puis... il me fuit comme la peste. Je reçois même des menaces de la part de son ami, Minho.

- Tu pourrais l'obliger à t'écouter. 

- J'en ai suffisamment sur la conscience, merci... Obliger Tommy à m'écouter pleurnicher... quelle ineptie. J'ai moi même du mal à m'entendre, alors lui...

- Tommy, Tommy, Tommy... Tu n'as que ce nom à la bouche ! Pense à toi, pour une fois !

- Je joue l'égoïste depuis le début, Gally ! D'abord avec cette rumeur, ensuite avec cette... Sonya ! Tout ça pour des vues ! Alors que je m'en fous, des vues ! Je m'en suis toujours foutu ! Moi, tout ce que je veux, c'est --

- Tommy, je sais.... soupire-t-il. Bon, alors... tu n'as qu'à essayer de l'approcher doucement.

- L'acceptera-t-il ?

- Bien sûr ! Même qu'après, vous pourrez vous embrasser et faire l'amour ! Comme ça, tu reprendras tes concerts ! répète-t-il.

- Encore et toujours mes concerts... Je n'utilise pas les autres comme des objets. Je veux prendre mon temps, avec Tommy, que tout soit doux et parfait, que l'on soit tous les deux à l'aise et prêts...

- Eh bah... si t'as déjà tout prévu, je ne peux que te conseiller te rentrer chez toi et de dormir. Essaye de ne pas penser à lui.

- Je ne peux rien te promettre, mais... merci, Gally. Merci pour tout.

- C'est normal. Allez, file ! »

Newton s'en va et je vois Gally m'observer dans un sourire moqueur. Il m'approche lentement et me dit : « T'es vraiment un p'tit malin toi, pas vrai  ? Tu as de la chance qu'il était trop absorbé par ses émotions pour t'entendre.

- Excusez mon indiscrétion... murmure-je timidement.

- T'as vu un peu dans quel état tu le mets ? Il ne t'a même pas trompé ! Votre querelle est insensée, sérieux...

- Je donnerai tout pour le retrouver, paresser à ses côtés pendant des heures, tout comme avant... Je l'aime tant. »

Il me dévisage de haut en bas. Nous nous fixons un moment avant qu'il conclue : « J'espère pour toi que t'es endurant, vu comment vous vous tournez autour depuis des mois et des mois... Allez, à la prochaine, l'intello. Ne déconne plus. » Il part à son tour, me laissant avec des lèvres entrouvertes et des joues rouges.

𝔸 𝕤𝕥𝕒𝕣 𝕝𝕠𝕧𝕖  -ℕ𝕖𝕨𝕥𝕞𝕒𝕤Onde as histórias ganham vida. Descobre agora