Partie de Rachel - Chapitre 3

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Chapitre un peu plus long que d'habitude, c'était impossible à couper. Dedans : des REVELATIONS, de la BACKSTORY et aussi du SELFCARE.


[TW mention de violences] [TW transphobie]


Elle se réveille à l'aurore. Un instant sa solitude l'étonne, puis tout lui revient. Elle s'étreint de toutes ses forces – et sa chair ne semble pas rompre sous ses doigts, ses os se briser, ses organes pourrir. Sa chair palpite vivante et adoucie. Ce fut la meilleure nuit de sa vie. Savoir que César a sans doute passé l'une des pires de la sienne est agréable, aussi. Presque réconfortant. Il lui semble qu'une forme de justice a été rendue – enfin.

Athéna la rejoint un peu plus tard, une fois la chambre entière couverte d'une lumière dorée. Tout scintille, mais bien moins que leurs yeux. Le regard qu'elles échangent est le plus complice, le plus joyeux de tous.

– Vous avez bien dormi ?

– Parfaitement bien. Et vous ?

– Moi aussi.

Elle se doute que la Dame ressent exactement la même chose qu'elle (et c'est étrange, d'avoir auprès d'elle une personne capable de partager ça).

– Vous avez besoin d'aide pour vous habiller ? s'enquiert Athéna.

– J'ai besoin d'un bain.

Elle songe à ce que la Dame lui a dit hier soir, et soudain propose :

– Voulez-vous venir avec moi ?

– Avec vous ?

– Si cela peut vous faire du bien.

Elle secoue la tête, avec précipitation.

– C'est que... Je suis désolée. Je ne préfère pas. C'est un temps que j'ai l'habitude de passer seule, vous comprenez ?

Elle rougit, ce qui fait ressortir toutes ses taches de rousseur. Rachel sourit.

– Ne vous inquiétez pas. Vous vous y rendrez plus tard, dans ce cas. Vous avez ma permission.

– Ça me rendra heureuse. Merci.

Elle s'incline. Rachel ouvre un tiroir et en tire plusieurs serviettes rouges.

– Vous pouvez rester ici, en attendant. Reposez-vous.

Athéna la remercie encore. Elle quitte la chambre sans un regard en arrière : elle peut la laisser sans crainte. Elles sont seules.


Les bains ont toujours été son refuge. Personne n'a le droit de l'y déranger. Elle peut s'y reposer, à l'écart des hommes. Y être elle-même. Y être bien. Évidemment, il y a eu quelques fois, comme pour le Jardin, où César s'y est invité avec toute sa colère. Ce ne sont pas des moments qui la hantent souvent, pourtant. C'est la définition-même d'un sanctuaire : un endroit si sacré qu'on peut le profaner. Sinon, les bains ne seraient qu'un rêve.

C'est une salle longue, lumineuse, silencieuse. On n'y entend que le clapotement de l'eau, et ses pas sur le sol carrelé. Elle se lave dans le petit bassin à l'entrée, mais elle adore se baigner dans le second, bien plus grand et profond. Il occupe presque toute la place. Elle ignore les marches qui y mènent, et prend son élan pour plonger. L'eau se referme sur elle comme les bras d'une mère. Elle sourit, les yeux fermés. Du bout des pieds, elle touche le fond du bassin, et se propulse six mètres plus haut, à la surface. Elle prend une grande inspiration – il lui semble que c'est la première. Elle éclate de rire. Son corps pèse le poids d'une perle ici. Elle nage lentement, pour profiter du contact soyeux de l'eau sur sa peau. Elle a toujours adoré se baigner. Bien sûr elle aimerait un endroit moins faïencé, plus sauvage, mais les rivières qu'abritent la forêt ne sont pas assez profondes pour qu'elle y plonge entière. Elle espère un jour voir la mer. Elle a appris son existence dans un livre (qui a été retiré de la bibliothèque), et depuis elle en rêve. Elle ne parvient pas à s'imaginer nettement une telle étendue d'eau, si agitée, si colorée. Chaque fois l'image qu'elle se crée change. Si elle ne voit la mer qu'une seule fois ça suffira. Elle n'a besoin que d'une minute pour la graver à jamais dans son esprit. Elle pourrait parler à Athéna, peut-être, de ce désir. Elle en saisirait certainement toute l'amplitude et la délicatesses. C'est étrange de pouvoir tant partager avec elle sans la connaître tout à fait (elles commencent à s'habituer l'une à l'autre, cependant). C'est étrange de pouvoir parler à quelqu'un et de se sentir comprise. Bien sûr, quand il n'était pas prisonnier, elle pouvait toujours discuter avec Hector, le valet de Carreau, mais c'est différent. Il y a quelque chose de singulier, déjà, dans sa relation avec Athéna. Un écho qu'elle ne pouvait rencontrer qu'auprès d'une autre femme. Elle en rêvait depuis son arrivée au château. Plus férocement encore depuis qu'elle a découvert le carnet.

Les ReinesDove le storie prendono vita. Scoprilo ora