L'héritière des temps sacrés

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Mes sens me revenaient peu à peu, je retrouvais mon corps et j'ouvris les yeux. J'étais allongée tout contre Azaran, nos mains entrelacées semblaient enchâssées l'une dans l'autre, je ne voulais pas le quitter, jamais.

Azaran me regardait, ému, les yeux remplis d'une tristesse sans nom. Il pleurait, je pleurais, nous ne faisions qu'un. Je ressentais ce qu'il ressentait, je le connaissais mieux que moi-même. Je savais ce qu'il avait enduré, ce qui l'avait poussé à devenir celui qu'on connaissait tous. Je ne lui cherchais pas d'excuses, les actes qu'il avait commis étaient atroces, terribles, mais je le comprenais, je l'aimais, comme je tenais à ma propre vie. Je voulais qu'il sache à quel point je tenais à lui, je voulais apaiser ses souffrances, l'aider à oublier tout pendant quelques instants. Pour qu'il puisse redevenir l'enfant curieux et généreux qu'il était avant que la Voix ne le pervertisse.

Avec une extrême tendresse, je dégageai les cheveux qui lui étaient tombés dans les yeux, et descendis jusqu'à sa joue.

— Je t'aime Azaran Darkhane, susurrai-je, pour toujours.

Il ferma les yeux et une nouvelle perle dorée roula sur ses joues de plus en plus pâles. Puis il leva sa main vers moi et effleura mon pendentif, celui qu'il m'avait donné.

— Je sais, Sara. C'est pour ça que je vais te transmettre mes pouvoirs. À toi, et à tous tes descendants. Mon pouvoir coulera dans tes veines et dans celui de tes enfants, ainsi, vous resterez à jamais sauf. Plus personne ne pourra te faire de mal.

— Azaran, non... soufflai-je.

Il me sourit.

— Vois ça comme un cadeau d'adieu, une maigre tentative de me racheter, réussit-il à articuler.

— Azaran ! Non ! Tu ne sais pas ce que tu fais ! hurla Ayala.

Je n'eus pas le temps de protester, l'instant d'après, un flot de pouvoirs me consuma. Le pouvoir d'Azaran. Je m'arcboutai contre lui, la force qui m'assaillit dépassait l'entendement. C'était donc ça que ressentait Azaran en permanence ? Cette pulsation de pouvoir sans limites ? C'était absolument monstrueux. Je devenais peu à peu invincible, plus que je n'aurais jamais pu l'imaginer.

Puis tout s'arrêta. Je contemplai mes mains en silence, je sentis le cœur vibrant de mes pouvoirs dans la moindre parcelle de mon corps, j'étais devenue absolument invincible, Azaran m'avait rendu invincible. Son pouvoir et le mien ainsi réunis étaient une source titanesque de magie et de force.

Je baissai les yeux sur celui qui m'avait offert tout ce qui faisait de lui l'être le plus puissant qui n'avait jamais existé. II me contemplait, sans un mot, apaisé de savoir que plus jamais personne ne pourrait se mesurer à moi. Il avait fait ce que, enfant, il avait toujours voulu, devenir invincible, imbattable, il avait réussi d'une certaine façon, nous étions la même personne, la même âme déchirée entre deux enveloppes charnelles différentes, deux corps qui n'aspiraient qu'à être réunis en un seul. À travers moi, il avait réussi à sauver le monde, que lui-même avait détruit, moi, Sara, j'étais Azaran enfant. L'enfant qui rêvait de paix et d'amour. Je représentais tout ce qu'il n'avait pas pu devenir, à cause de cette Voix.

Azaran, qui avait suivi le fil de mes pensées, sourit, puis ses yeux s'obscurcirent, il m'agrippa le poignet et approcha son visage du mien. Je ne l'avais jamais vu aussi effrayé.

— Tu ...tu dois faire... attention Sara. Prends... garde. Il reviendra... il rev...reviendra. Il viendra... se venger.

Puis son emprise sur mon poignet faiblit, tous ses muscles se raidirent. Je me rapprochai de lui, et lui enlaçai la taille. Il me lança un ultime regard chargé de regrets et d'amour avant que ses yeux, vieux de 460 000 ans, ne s'éteignent à jamais.

L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 2 : Les Larmes d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant