L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 2 : Les Larmes d'Argent

La mort de l'ombre

"Have you ever met someone that was a sunshine in the human form ?"

Auteur inconnu

Lara

On y était. Un mois s'était écoulé depuis qu'Azaran était venu nous annoncer le jour où se jouerait la dernière bataille, l'ultime combat. Demain, ils partiraient tous pour Saem, les enfants seraient envoyés au Temple, avec Elena et un escadron pour les protéger. Mais ils n'avaient pas trop peur pour les plus jeunes, c'était eux que les Guerriers de l'Ombre voulaient voir à genoux, ils ne s'empareraient des enfants que lorsqu'ils seront tous morts.

Ils allaient bientôt tous se retrouver pour le diner, leur dernier repas... Mais Lara avait ressenti le besoin d'être un peu seule, alors elle s'était éclipsée, et avait marché dans la forêt sans but précis. Elle s'arrêta au bord d'un petit ruisseau et s'assit sur la terre humide.

Elle ferma les yeux et respira les odeurs de la forêt, elle fut assaillie par la moiteur des environs et la douce brise de cette fin de journée.

Elle ouvrit sa paume et fit apparaitre une flamme rougeoyante, elle sourit, fière d'elle. Jamais elle n'aurait imaginé pouvoir, un jour, acquérir des pouvoirs de Mirage. Mais elle se rembrunit bien vite. Oui, ils savaient tous utiliser leur nature Mirage et Guerrier, et ils étaient probablement immortels, même si leur sang était toujours aussi rouge, leurs larmes transparentes, et leur beauté avait tout « d'humaine ».

Elle soupira. Pourtant, elle avait accepté sa nouvelle condition, le récit d'Ayala avait convaincu tout le monde ; ils étaient les descendants d'êtres légendaires, et ils devaient, à présent, retrouver leur gloire perdue. Ils étaient des Elevides. Des êtres parfaits, aux pouvoirs démentiels.

Mais il y avait un hic... Azaran. Le fils d'Eliora était le maitre de ce monde, en tuant ses pairs, les seuls capables de l'égaler, il était devenu le plus puissant de ce monde. Lara détestait cet homme immonde, comment Sara pouvait-elle ressentir quoi que ce soit pour ce monstre ? Elle regretta aussitôt ses pensées, son amie, sa sœur, n'en pouvait rien, les liens d'âme sœur étaient puissants, incohérents et baignés d'une magie ancestrale. Sara était la victime de forces qui la dépassaient.

Lara broyait encore ses idées sombres lorsqu'elle sentit une fausse note dans l'atmosphère. Quelqu'un arrivait. Elle fit volte-face et se retrouva nez à nez avec Jude, son âme sœur. Le soulagement l'envahit, elle avait eu si peur pendant quelques instants !

Jude, ravie de sa petite entrée, souriait avec amusement. Lara ne la laissa pas savourer sa victoire et se retourna vers le ruisseau et fixa obstinément la surface de l'eau, tournant le dos à la jeune fille.

Elle ne voulait pas la voir ni lui parler, ça lui faisait trop mal. Elle savait qu'ils étaient (normalement) immortels, mais elle avait tout de même peur. Non. Elle était effrayée. Perdre Jude serait la pire chose qui pourrait lui arriver, et elle n'était pas prête pour ça, elle ne le serait probablement jamais.

Jude, étonnée par la réaction de son amie, fit un pas en avant et posa sa main sur son épaule nue, Lara portait toujours des corsets, dénudant ses épaules pâles.

— Lara, ne me fuis pas, chuchota Jude.

Lara, vaincue, se retourna et croisa le regard inquiet de sa bien-aimée.

— Tu ne comprends pas...

— Bien sûr que si, ma chérie. Crois-tu être la seule à avoir peur de perdre un être cher ? Eh bien, tu te trompes. Nous avons tous quelqu'un que nous nous refusons de voir mourir. Crois-tu que Sara n'a pas peur de perdre Eran ? Que Jason ne vit pas constamment avec la boule au ventre, terrifié à l'idée de vous voir mourir, toi et Sara ? Ethan et Cara c'est pareil, Ethan et Léda également. Et ma sœur ? Et toi ? J'ai moi aussi peur, Lara. Mais nous devons rester forts.

Lara secoua la tête tout en baissant les yeux.

— Toi tu sembles toujours si calme, si sûre de toi. Tu n'as peur de rien. Tu es sage. Moi, je suis tout le contraire...

Jude ne souriait plus à présent, elle contemplait Lara avec gravité.

— Je pensais que tu me connaissais mieux que ça. Bien sûr que j'ai peur, bien sûr que je fais des erreurs. Je ne suis pas parfaite ! J'ai vu ma sœur nous quitter, j'ai cru la perdre à plusieurs reprises. Mais je n'ai jamais cessé d'espérer, de croire en un avenir meilleur. Je crois en notre peuple, j'espère qu'un jour nous pourrons tous vivre en paix. C'est ça ma force.

Lara releva les yeux, ses yeux rouges brillant d'intensité.

— Toi, continua Jude, tu as grandi chez les Guerriers de l'Ombre. Ils ne t'ont pas appris à aimer, à croire, à espérer. Tu ne sais pas ce que c'est d'avoir confiance. Ils ont essayé d'enlever tout ce qui fait de toi quelqu'un de vivant pour en faire une machine de guerre, capable de tuer sans la moindre hésitation. Mais ils n'ont pas réussi, et ça, c'est que j'appelle l'espoir, mon amour.

Jude sourit et se pencha vers son âme sœur, leurs lèvres se trouvèrent et semblaient se mouvoir au rythme des désirs de l'autre. Lorsqu'elles se séparèrent, une lueur d'amour à l'état pur brillait dans le regard brisé de Lara.

— Quant à demain, murmura Jude, nous ne pouvons pas prévoir ce qu'il adviendra de nous ni de tous ceux à qui on tient le plus au monde. C'est dur, c'est douloureux, mais nous n'avons pas le choix. Demain, nous nous battrons pour notre liberté, pour tous ceux que nous aimons, pour créer un monde dans lequel nous aurons le droit de nous aimer.

Front contre front, elles se contemplèrent en silence.

— Je t'aime Jude. Je t'aime. Et je te le redirai chaque jour de ma vie, parce que grâce à toi, je sais ce que veut dire vivre. On m'en a empêché pendant 17 ans, mais c'est fini maintenant. Je vivrai pour moi, pour toi, pour nous.

Jude posa un regard ému sur elle et lui caressa la joue.

— Je t'aime depuis déjà bien longtemps, Lara Stone. Et ce n'est pas une guerre qui changera ça.

Elles s'embrassèrent longuement, s'accrochant l'une à l'autre de toutes leurs forces, comme si leur vie en dépendait. Elles profitèrent de chaque seconde, chaque minute passée ensemble, de peur que cet instant leur soit brutalement arraché ou qu'il ne soit le dernier.