L'amour m'a tué, l'amour m'a sauvé

Chapitre 9

Je m'approche du miroir et fixe mon reflet.

Mes cheveux noirs et raides sont ondulés à cause des tresses que j'ai gardé depuis un bon moment déjà.

Mes yeux marrons et brillants ne sont plus que ternes et sans vie, entourés de cernes noirs qui me donnent un air effrayant.

Mes lèvres que j'aimais tant maquillé en rouge sont gercées et peine à prendre une autre couleur que bleutée

Mes joues se sont légèrement creusés mais ma perte de poids n'a pas vraiment impacté mon visage.

Je regarde mon ventre qui a toujours été plus ou moins plat, quelques fois un peu plus gras lorsque je ne faisais pas trop attention à mes repas. Mon ventre n'est désormais plus qu'une fine couche protégeant mes organes et marquant mes côtes d'une terrifiante transparence.

Mes fines jambes sont seulement teintés de bleu et de violet, la rue ne m'ayant pas fait perdre trop de poids puisque je n'ai jamais été une grande mangeuse mais pas par choix.

J'enfile rapidement ma robe en papier pour camoufler ce corps répugnant puis utilise le miroir pour me tresser à nouveau les cheveux, et dire qu'avant c'est elle que je coiffais...

Je sors de la pièce et voit le médecin m'attendre assis sur son tabouret et surtout en train de répondre à ses messages visiblement puisqu'il a l'air vraiment concentré sur son téléphone

Je toussote légèrement pour attirer son attention puis il me sourit et me demande de le suivre vers la salle d'examen.

Une fois les radios passées, il me raccompagne dans ma chambre et s'assoit

Homme : bon très honnêtement j'aimerais que ce qu'il va suivre reste entre nous deux

Je fronce les sourcils et le regarde méchamment, qu'est-ce qu'il compte faire

Homme : je ne te veux pas de mal c'est juste que si les autres l'apprennent que ce soit mes collègues ou les autres SDF, l'hôpital risque d'en prendre un coup

Moi : vous vouliez me dire quoi du coup ?

Homme : écoute, j'ai vu que tu portais des tenues d'homme et que tu t'étais apparemment présenté aux policiers comme un homme. En tant que médecin mais surtout en tant qu'humain, j'aimerais savoir si tu as été mis à la rue par rapport à un désir de changement de sexe

Moi : pardon ?

Homme : de nombreux jeunes transexuels se retrouvent abandonnés par leur famille, est-ce que c'est ton cas ? Tu sais il y a beaucoup d'associations qui vien-

Moi : ça n'a rien à voir, je m'habille et me comporte comme un homme pour survivre. Quand on est SDF, on fait face à beaucoup de difficultés mais lorsqu'on est une femme SDF on doit faire 10 fois plus attention. En général, une femme à la rue se fait agresser physiquement ou sexuellement plusieurs fois. Je ne voulais juste pas que ça m'arrive alors j'ai pris mes précautions

Homme : oh je vois, je me demande si ça me rassure ou pas du tout

Moi : si ce n'était que ça alors ne vous en faites pas pour moi j'ai aucun soucis d'orientation

Homme : bon tant mieux, retournons à une discussion plus sérieuse. Ta vie n'est pas en danger et tu as juste besoin de te reposer mais étant donné que j'imagine que vivre dehors ne te permet pas d'être dans les meilleures conditions, je vais un peu exagérer ton état pour que tu puisses dormir ici 1 ou 2 nuits mais pas plus !

Moi : merci beaucoup Docteur

Homme : roh et appelle moi Enzo, on se reverra sûrement. En tout cas ce soir repose toi bien, des infirmières t'apporteront ton repas et je repasserai demain pour vérifier si ça va mieux

Moi : à demain alors

Homme : à demain

Il sort de la pièce et me laisse me glisser confortablement dans le lit, je n'aurais jamais cru qu'un hôpital puisse m'apporter tant de conforts, et dire qu'on se plaint souvent des conditions hospitalières...

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Après avoir enchainer un petit déjeuner ET un déjeuner dans la même journée, j'ai bien cru que j'étais en plein rêve

Enzo, puisqu'il a insisté pour que je l'appelle comme ça vient d'arriver mais il est au téléphone avec le fameux Izak de la veille. Enfin au téléphone... il est plutôt en train de l'engueuler

Enzo : ce qu'il peut être chiant ce gars, bon sinon toi comment tu vas depuis hier ?

Moi : j'ai l'impression d'être dans hôtel de luxe, on m'apporte mes repas, j'ai accès à la télé, je peux me doucher, le rêve !

Enzo : Tant mieux mais je dois te parler un peu plus sérieusement

Moi : je dois m'en aller plus tôt que prévu ?

Enzo : non non c'est pas ça..

Moi : c'est quoi alors ?

Enzo : en fait, je te raconte pas tous les détails de ma vie mais entre mes enfants et les enfants de mes amis, je connais beaucoup de jeunes de la vingtaine..

Moi : et ?

Enzo : et bien savoir que tu as le même âge qu'eux mais que t'es à la rue ça me fait vraiment quelque chose... Je sais que je ne suis personne pour te dire quoi faire dans ta vie mais j'ai cherché hier des solutions pour que tu t'en sortes. Je ne suis pas un ange gardien pour t'offrir une maison, un travail et une voiture mais appelle ce numéro, ils sauront sûrement quoi faire pour t'aider

Il me tends un bout de papier sur lequel est marqué "115"

Enzo : en ce qui concerne le travail, tu dois absolument trouver un endroit où habiter avant mais à ce moment-là tu pourras venir, je te trouverai sûrement un petit taff si tu as du mal à en trouver.

Moi : merci bcp m'sieur, j'avoue que je sais pas trop quoi dire

Enzo : y a pas grand chose à dire tu sais, c'est le rôle des aînés d'aider les plus jeunes. Bon c'est pas tout mais je dois aller sauver d'autres vies, je te laisse !

Je lui souris et serre dans le creux de ma main ce petit papier.. finalement tout n'est peut-être pas perdu..