Le sommet | IwaOi

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Un coup de tonnerre résonna dans le gymnase. Le ballon qui frappa le parquet rebondit avec tellement de force qu'il décrivit un arc de cercle avant de retomber piteusement quelques mètres plus loin. Tous les joueurs présents restèrent un instant interdits devant la prestation de leur capitaine. Oikawa Tooru était certes connu pour ses services spectaculaires, mais aujourd'hui, la grâce de ses gestes et son assurance absolue avaient fait place à une sauvagerie que les autres joueurs ne lui connaissaient pas.

— Eh, tu penses que ça va, Oikawa ? demanda Hanamaki à son comparse de toujours.

— J'sais pas, lui répondit Matsukawa. Il s'est peut-être fait larguer, qui sait ?

— Ou qu'il est constipé.

— T'es vraiment con.

— C'est pour ça que tu m'aimes, bro.

— Grave, bro.

Les deux joueurs échangèrent un sourire complice qui se fana bien vite au nouveau claquement que produisit un nouveau ballon, victime de l'attaque énergique du beau gosse. Était-ce le dixième, le vingtième ? Le centième ? Le capitaine de Seijo ne les comptait plus ; la douleur qui irradiait ses bras et ses jambes occupait tout son esprit.

Il s'arrêta un instant pour jeter un regard brûlant aux deux tire-au-flanc qui se remirent au travail. L'aura terrifiante que dégageait Oikawa les fit déglutir difficilement et ne souffrait d'aucune contestation. Un soupir plus tard, Tooru recommençait ses services infernaux, sous les regards de ses équipiers.

— Allez, fin de l'entraînement pour aujourd'hui !

La voix du capitaine, enjouée, résonna dans le gymnase. Pourtant, aucun des membres de l'équipe n'était dupe ; elle cachait quelque chose. Aujourd'hui, l'entraînement avait été bien plus rude que d'habitude. Oikawa avait travaillé deux fois plus que d'habitude. Hanamaki jeta un coup d'oeil au ciel par la fenêtre des locaux ; la nuit était tombée depuis longtemps, la lune trônait fièrement au milieu de cette étendue de ténèbres.

Il ne put s'empêcher de faire le rapprochement entre cette lune, anneau d'argent qui perçait les ténèbres, à leur équipe. Après leur défaite contre Karasuno, un voile de frustration s'était jeté sur tout le petit groupe. Les élèves de première année ne supportaient pas l'idée de ne pas avoir aidé leurs aînés à aller aux nationales. Quant aux troisième année... Cette année marquait un tournant ; c'était la fin d'une ère, le début d'une autre. Mais cette fin amère restait dans tous les esprits. Et, au milieu de ce chaos, il y avait Oikawa. Oikawa, un de ses meilleurs amis, un frère d'arme, le pilier de l'équipe. Oikawa qui continuait à les porter à bout de bras sans faiblir, malgré ses fissures. Oikawa était la lune de cette équipe.

Ce fut sur cette pensée que Makki quitta le gymnase, refermant la porte derrière le capitaine, qui continuait tranquillement à ranger les affaires.

— Tu n'as pas l'impression d'en faire trop ?

Tooru sursauta. Les affaires rangées, il s'apprêtait à retourner aux vestiaires pour se changer.

— Ah, Iwa-chan ! T'es toujours pas parti te changer ?

— J'allais y aller. Mais je t'ai pas vu me suivre.

— Tu traînes, Iwa-chan ! Avoue que tu ne voulais pas te changer sans moi ! Mon corps de rêve t'aurait manqué, hein, petit coquin ?

— La ferme, abruti, maugréa Hajime en détournant le regard.

Oikawa esquissa un sourire devant l'air contrarié de son petit ami. Hajime avait toujours gardé ces airs de dur à cuire, même lorsqu'ils étaient seuls. Cela faisait maintenant quelques semaines qu'ils étaient en couple. Il ne savait pas par quel miracle, mais le grand brun lui avait déclaré son amour entre deux bafouillements et quelques insultes. Ils avaient fini par s'embrasser tendrement.

Leur relation n'avait pas fondamentalement changé, à part qu'ils se retrouvaient parfois le week-end pour quelques séances d'exercice physique d'un tout autre style, et qu'ils se volaient quelques baisers. Iwaizumi se montrait toujours aussi autoritaire, Oikawa toujours aussi oisif.

Alors que l'as de l'équipe tournait le dos de son petit ami, ce dernier poussa un soupir.

— Est-ce qu'on en fait trop quand on veut atteindre le sommet ?

Iwaizumi se retourna. La voix suave de Tooru lui glaça le sang. Dans ces vibrations provocatrices dansaient les ondes d'une infinie tristesse, où se mêlaient la frustration et le désir.

— C'est le match de Karasuno qui te met dans cet état ?

Oikawa tressaillit. Si Iwaizumi ne brillait pas forcément par son intelligence, il se montrait très souvent perspicace. Encore plus quand il s'agissait de lui...

— Kageyama va certainement encore briller lors du match.

— T'es pas obligé de le préciser, Iwa-chan ! Je sais bien que Tobio-chan va réussir ses passes... encore...

— T'es jaloux de lui ?

— Comment je pourrais ne pas l'être ? Comment peut-on rester tranquille devant un petit con qui réussit tout alors qu'on met du temps à réussir ce qu'on fait ? Ce qu'il peut être agaçant ! J'espère qu'il va perdre ! Allez, perds, Tobio-chan !

— T'es vraiment une enflure quand tu t'y mets.

— Iwa-chan, t'es méchant ! De toute façon, m'en fous ! J'serai au sommet quand même ! Et il verra quand j'y serai ! Ah ah ah ! Il verra bien ! Et moi j'vais rire ! déclara théâtralement le capitaine.

— De quel sommet tu parles ? s'étonna Iwaizumi. On l'a raté. Il va falloir se contenter de la colline, là.

Pourtant, le sourire du passeur ne s'effaça pas. Au contraire, lorsqu'il fit face à son petit ami, son regard brillait d'un éclat qui contrastait avec son air habituellement enfantin. Un brin de vent passa dans le gymnase, caressant les cheveux des deux adolescents.

— Des sommets, il y en a plein, Iwa-chan.

Iwaizumi esquissa un petit sourire, conscient que Tooru marquait un point. Des sommets, ils pouvaient en atteindre. Aucune réponse ne franchit ses lèvres. D'une démarche assurée, Oikawa cassa la distance qui le séparait de son amour.

— Il y a plein d'autres moyens de gagner.

— Mais qu'est-ce que tu racontes encore ?

— Tant qu'on atteint le sommet, peu importe le terrain, non ? susurra Oikawa.

— Quoi, tu veux arrêter le volley ?

— Mais ne dis pas d'idioties, Iwa-chan. Je ne compte pas abandonner ce qui m'a permis d'atteindre le sommet.

— On n'a pas gagné, je te signale...

— On a peut-être perdu sur le parquet, mais tu ne crois pas qu'on a gagné autre chose de plus grand ?

Les joues du brun prirent la couleur du crépuscule quand son petit ami posa ses lèvres sur les siennes. C'était un baiser rapide, un de ces baisers portés par un vent aguicheur, un baiser fantôme qui brûlait la peau malgré sa furtivité.

— Le sommet, je l'ai atteint avec toi.

Oikawa sourit de toutes ses dents et ignora la larme solitaire qui perlait au coin de ses yeux. Il continua d'avancer vers les vestiaires. Après quelques secondes, il se retourna :

— Bah alors, Iwa-chan ? Tu viens pas ? Je vais me changer, tu vas pouvoir me mater !

Une veine palpita sur le front de son petit ami. S'il avait eu un ballon à portée de main, nul doute qu'il lui aurait envoyé dessus !

— T'es vraiment une ordure, Tooru.

— Moi aussi je t'aime, Iwa-chan.

Iwaizumi se retourna, rouge de honte à l'idée que son ami ait mis à jour ses intentions et ses habitudes. Heureusement que personne ne l'écoutait...

— Ouais, marmonna-t-il, moi aussi.

[Recueil d'OS] Tu as volé mon coeur || HaikyuuWhere stories live. Discover now