KENTAN, Tome 1 : Demain est une autre Nuit

23 - Au Sol

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— Laissez-moi partir !

Ellen tentait inutilement de pousser la lourde porte en bois massif, verrouillée par Margot. Elle était encore troublée par ce qu'elle venait de voir et d'apprendre. La lycéenne ne souhaitait qu'une seule chose, parler à ses amis, leur dire que Damien les avait trahis.

— C'est beaucoup trop dangereux pour toi, dehors, renchérit la fée.

— Je m'en fiche ! Il faut que tout le monde sache, il faut que tout le monde comprenne ...

— Je me dois de te garder auprès de moi. Tu es peut-être celle que je cherche depuis tant d'années, tant d'époques.

— Qu'est-ce que vous voulez faire de moi ? s'inquiéta Ellen.

Margot la fixa avec sévérité, une expression que la fille n'avait vu passer précédemment sur son visage qu'une seule fois, lorsqu'elle s'était confrontée à Guillery. Elle la regarda tourner les talons silencieusement et s'asseoir sur son trône brillant.

— Je te promets que je ne te ferai pas de mal, lui dit-elle simplement.

— Je ne sais vraiment plus en qui avoir confiance.

— Je te comprends. Mais je ne peux me permettre de te perdre.

— Je vous jure que si vous me laissez sortir, je reviendrai. Laissez-moi juste le temps de retrouver mes proches.

— Nous pouvons décider d'un accord, dans ce cas. Dès que je t'appellerai, tu devras revenir à mes côtés.

Ellen se calma et déglutit. Elle ne savait pas si c'était une bonne idée de pactiser avec la Mère des Bois, mais, en y réfléchissant, ne trouvait pas d'autre issue.

— D'accord, j'accepte, concéda-t-elle.

La fée se releva alors et s'avança vers la jeune femme. Elle lui attrapa une main et la serra, pour sceller le marché. Ellen sentit sa main à la peau douce et tiède, ainsi qu'une chaleur dans ses entrailles. Elle comprit que ce n'était pas un ressenti naturel, mais l'admit en elle, laissant les frissons l'envahir. Margot, quant à elle, perçut la rugosité et la saleté recouvrant les doigts fatigués de l'adolescente. Quand elles se relâchèrent, ce fut comme si deux aimants s'opposaient. Elles furent repoussées en arrière, très légèrement mais suffisamment pour sentir l'effet, symbolisant la confirmation magique de l'alliance.

— Je vais te renvoyer près de ton lycée, en espérant que des Humains compétents prennent bien soin de toi, ma chérie.

— Je vous remercie, vraiment.

— Ferme les yeux, maintenant.

Ellen hésita une nouvelle fois, gardant les paupières bien ouvertes, craignant que Margot lui lance un quelconque maléfice.

— Fais-moi confiance, ordonna la créature.

La respiration saccadée, la fille obéit finalement. Dans le noir, elle entendit tout de même l'enchanteresse s'agiter, faisant de grands mouvements avec ses bras, devant le visage de sa protégée. Cette dernière percevait les nuances et les teintes des rayons provenant des deux astres. Elle se sentit soudainement très légère, ne ressentant aucun poids, ni celui de son corps, ni celui de ses peines. Elle n'entendait plus les bras de Margot faire des va-et-vient incessants, ni la fête champêtre au-dehors. A la place, des bruits familiers et criards vinrent agresser ses oreilles. Avant de regarder pour vérifier, elle les reconnut. Il s'agissait de sons de moteurs et elle comprit ; elle avait réussi à retourner dans le monde des humains, enfin.