17 - Fugues

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Ellen était figée ; son ami Sacha venait de faire irruption dans la salle de classe où la plupart des élèves étaient réunis. Aux côtés de Camille et Elsa, le jeune couple, et de Louis Dumarquis, le garçon musclé, elle avait assisté à cette scène surréaliste. Ils avaient bel et bien entendu un bruit sourd qui les avait tous fait sursauter et, désormais, elle en avait la confirmation, c'était un coup de feu. Gwen était mort. La phrase de Sacha résonnait encore dans sa tête. L'annonce avait eu l'effet d'un boulet de canon sur tous les jeunes présents dans la pièce. Chaque élève réagissait différemment, entre larmes et effroi. Cependant, ils n'étaient pas les seuls à afficher des mines grises, car même les miliciens, qui avaient retiré leurs masques, semblaient choqués par la nouvelle, se regardant et murmurant, sans se soucier des regards des élèves. Ellen, encore muette, en déduisit qu'ils n'étaient pas au courant de cette potentielle issue. Elle entendait et sentait ses amis s'agiter et parler vivement à côté, sans vraiment les écouter. Une image lui vint à l'esprit, celle de Gwen allongé au sol, inerte. Un frisson parcourut son échine et la sortit de sa stupeur. Elle se tourna brusquement vers les trois autres et murmura :

— Il faut qu'on retrouve Sacha et Damien.

Son ton était étonnamment calme mais, en son for intérieur, elle avait envie de hurler. Ses amis se turent instantanément, surpris tout autant qu'elle par sa voix posée.

— On ne sait pas ce qu'ils ont fait d'eux, fit remarquer Camille en tremblant.

— C'est vrai, ajouta Elsa, séchant ses larmes. Peut-être qu'ils les ont tués aussi.

— On ne sait pas ce qu'ils ont fait d'eux, fit remarquer Camille en tremblant.

— C'est vrai, ajouta Elsa, séchant ses larmes. Peut-être qu'ils les ont tués aussi. Peut-être qu'ils vont tous nous buter !

Elle s'effondra en pleurs sur son petit-ami. Un silence s'installa à nouveau, alors qu'Ellen réfléchissait à un plan d'action. C'était ce qui semblait la faire tenir, face à

cette succession de malheurs. Elle ne connaissait aucune sortie secrète pour fuir l'école et, même s'il en existait une, elle se dit qu'elle devait sûrement être surveillée. Louis brisa le silence et rompit ses pensées.

— Est-ce que vous savez où ils ont emmené Damien ?

Tous firent non de la tête. Moira et Guillery discutaient à nouveau à voix basse.

La rousse ténébreuse tourna la tête et regarda intensément Ellen. Celle-ci, dans un regain de courage, refusa de baisser les yeux. Elle n'aurait su dire ce qui l'aidait à garder la tête froide à ce moment précis. Elle n'était pourtant pas une rebelle et, jusqu'à ce jour, restait sage et réfléchie. Mais tout avait changé, leurs vies avaient pris un virage serré et, elle le savait, jamais ils ne pourraient revenir en arrière. Son ventre gargouillait bruyamment ; elle n'était pas la seule à avoir faim, d'après les murmures qu'elle percevait dans la classe. Ils s'endormirent de fatigue, les uns après les autres, malgré l'angoisse et l'intense tristesse ; ils étaient tous affaiblis et fébriles.

Camille serrait fortement Elsa contre lui, espérant dégager un peu de chaleur réconfortante pour que sa petite amie arrête de trembler. Il savait pourtant pertinemment que ce n'était pas le froid qui la faisait claquer des dents ; comme tous les autres, elle était à bout de nerfs. La nuit fut courte pour Ellen qui se réveilla alors que le soleil brillait à peine. Guillery et Lemony n'avaient pas dormi dans la salle de classe qui avait vu se relayer les miliciens. Une agitation soudaine se fit entendre depuis le couloir. Ellen fit semblant de dormir et ferma à moitié ses paupières. Moira entra, suivie de plusieurs mercenaires et affichant une mine énervée.

— Il l'a aidé à s'enfuir ? Mais c'est qui ce salaud ? Trouvez son nom et ramenez-moi son corps criblé de balles !

Elle s'affala dans le fauteuil du professeur Arche et croisa les bras, l'air renfrognée. Guillery se présenta quelques dizaines de minutes plus tard, un peu plus crasseux que la veille. Puis, un milicien ramena Maeve auprès de ses camarades. Beaucoup sursautèrent et se serrèrent entre eux en la voyant entrer dans la pièce. Ellen, Camille et Elsa auraient voulu se lever et la harceler de questions, savoir ce qu'il s'était réellement passé. C'étant sans compter sur la ruse de Moira qui se posta entre eux et la jeune fille toujours sanglotant. Elle s'assit dans un coin et marmonna.

KENTAN, Tome 1 : Demain est une autre NuitWhere stories live. Discover now