19 - Portée de Légendes

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Mais cette dernière vision, il ne s'en souvenait pas ; pourtant il les vit nettement marcher sur la crête du Val. Puis, il entendit la voix d'Ellen et celle d'une femme qu'il ne connaissait pas non plus. Un nom lui vint à l'esprit, Margot. Néanmoins, il était beaucoup trop fatigué pour y réfléchir. La pluie le berça jusqu'à qu'il ne s'endorme, oubliant la raideur de sa colonne vertébrale, à cause du béton sous lui. Le lendemain, Gwen se réveilla tôt, selon la basse altitude du soleil. Les rayons matinaux agressèrent ses pupilles fatiguées. La pièce paraissait encore plus immonde en plein jour. En se levant, le garçon écarquilla soudainement les yeux et se figea, foudroyé par une déduction qui lui vint en tête. Il fut parcouru de terribles frissons, sa respiration devint saccadée et sa mâchoire se mit à trembler toute seule. Car effectivement, le soleil illuminait désormais l'intérieur de la toute petite cabane. Pourtant, il avait bien refermé la porte après être entré, la veille au soir. Cette porte qui, pensait-il quelques heures plus tôt, était la seule ouverture dans les murs de pierres. Alors il n'osait admettre par où passait cette lumière naturelle. Il savait qu'il devrait se retourner à un moment, mais prit son temps, essayant de se calmer d'abord. Il se doutait de ce qu'il verrait derrière lui, mais il estima la différence entre soupçonner un fait et affronter sa réalité. Il fit très lentement volte-face et tomba à genoux en constatant, comme il l'avait compris au préalable, que le mur sur lequel il pensait avoir vu des portraits troublants, était en fait une mosaïque de petites fenêtres.


***

— Comment ça, tu n'en as aucune idée ? demanda le jeune homme.

— J'en sais rien ! Ça m'est venu comme ça ...

— Et ce serait quoi ? Le corps d'un ... d'un géant ?

— Oui, le squelette de Cawr, titan de l'Argoat.

— C'est moche comme nom.

Camille et Elsa marchaient sur le chemin qui joignait la digue au bord du Miroir aux Fées, l'étang mystérieux, au bourg de Tréhorenteuc. Il passèrent à côté d'un panneau explicatif destiné aux randonneurs et aux touristes. Une toute petite fée y était

dessinée, mais aucun des deux lycéens ne trouvait qu'elle ressemblait à Margot, qui en

était pourtant une.

— Franchement, je ne comprends plus rien. C'est hallucinant tout ça !

— En même temps, je ne comprends pas grand-chose à tout ce qui se passe depuis hier. Et puis, on est en train de vivre un truc tellement dingue ... je crois que plus rien ne m'étonne.

— Oui, c'est pas faux. Tu n'as pas trop froid, ma chérie ?

Elsa fut surprise par le ton de sa question. Après avoir traversé une forêt étonnante, cru avoir perdu son petit ami au fond d'un étang visiblement magique et été maltraitée par d'horribles personnes, elle retrouvait enfin la douceur de son bien aimé.

— Non, moi ça va. Mais toi ? Tu es encore tout trempé !

— Ne t'inquiète pas, j'ai le sang chaud, ça va sécher, répondit-il en souriant. En plus, on va bien trouver quelqu'un pour nous aider dans ce foutu village.

Mais leur malchance continua un instant. Aucun véhicule n'était garé sur le parking en gravier à l'embouchure du chemin. Ils s'engagèrent sur la départementale pour remonter jusqu'à l'église du Graal. Une pétarade provenant du pot d'échappement cabossé d'une vieille Renault 4L les fit se retourner. Ils s'écartèrent du bitume à temps et firent signe à la vieille dame penchée sur son volant troué. La voiture, d'un bleu foncé, s'arrêta un peu plus loin et le jeune couple s'élança pour la rejoindre. La dame les regarda, l'air désabusé, sans parler ni sourire.

KENTAN, Tome 1 : Demain est une autre NuitOnde histórias criam vida. Descubra agora