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     A l'âge de quinze ans, on pouvait dire que cette proximité avec ma sœur n'était pas idéale. J'avais l'impression que c'était sur mes épaules que reposait son éducation. Le problème, c'était qu'elle commençait à comprendre que les gens considéraient son frère comme une bête curieuse. Elle le voyait dans leurs regards et je crois que ça la faisait souffrir. Il faut dire que j'étais son modèle. Ça n'avait d'ailleurs pas l'air de plaire à mes parents. Je crois qu'ils aimeraient lui rentrer dans la tête qu'il ne faut surtout pas me prendre en exemple, ils auraient trop peur qu'elle aussi elle les haïsse. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Je les hais.

     Au départ, je pensais seulement qu'ils avaient fait ça pour nous rendre la vie plus facile. Mon handicap leur permettait de gagner plus d'argent. Oui, j'avais eu de nouveaux jouets régulièrement, oui j'avais un emploi du temps allégé contrairement aux autres enfants de mon âge, non je n'avais pas de devoirs à faire, oui nous sommes partis plus souvent en vacances... Mais au final ce sont eux qui voient du monde, ce sont eux qui se paient une chambre luxueuse avec espace balnéo, ce sont eux qui ont pu changer régulièrement de voiture, ce sont eux qui n'ont plus eu besoin de travailler, ce sont eux qui n'ont presque plus d'impôts, qui ont agrandi la maison, qui se paient du bon temps sur mon dos.

     En effet, j'ai fini par comprendre que les levées de mon père en pleine nuit n'étaient pas un effort de sa part pour que son fils aille bien, au contraire. Il me détraquait petit à petit, faisant de moi un enfant grognon, associable, sur les nerfs, à fleur de peau, maniaque. Ils ont cru me transformer en parfait autiste mais ils m'ont transformé en monstre. Je l'ai compris la première fois que nous sommes sortis avec ma petite sœur et que j'ai dû me comporter comme ils me l'avaient appris. J'ai vu de la peur dans ses yeux. Pire même, du dégoût. Je n'avais jamais pris conscience à quel point ce mode de vie était malsain.

     A côté de cela, il y avait Iliana, qui était réellement autiste, et qui était loin d'être monstrueuse. Elle était douce, fragile, rêveuse, sensible, et sublimement belle. Mes parents ont pendant longtemps cru que leur comédie était sans faille. Mais je l'ai compris dès que j'ai vu ces deux petits yeux tournés vers moi, ces yeux d'une enfant effrayée, qui ne me reconnaissait pas, qui ne comprenait pas. Notre famille se battait depuis des années pour une cause qu'ils ont en réalité souillée. C'est donc pour Iliana, pour tous les autistes du monde, pour ma petite sœur que j'ai décidé qu'un jour je me vengerai. Je n'avais pas encore la moindre idée de comment j'allais pouvoir agir, mais je savais au fond de moi qu'un jour ils paieraient pour tout le mal qu'ils m'avaient fait. 

Je suis un actisteWhere stories live. Discover now