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     Les années passaient et mes parents continuaient leurs magouilles. Moi, je devenais un adolescent frustré, rancunier, solitaire. Ma petite sœur Marie avait grandi, elle avait trois ans et parlait déjà depuis longtemps. Elle avait dissipé tous les doutes et on était certains qu'elle n'était pas atteinte comme moi de ces troubles, au grand désespoir de mes parents. Elle était tellement pipelette qu'ils n'avaient même pas essayé de l'empêcher d'avoir des relations sociales normales. Ils s'étaient résignés à ne garder qu'un seul gagne-pain : leur fils autiste.

     Moi, je pensais de plus en plus à Iliana, qui ne changeait pas d'attitude avec moi. Je sentais que je lui faisais du bien mais je ne pouvais pas la toucher avec mes mains, elle me repoussait à chaque fois. Seuls mes mots et ma voix la faisaient réagir, mais je ne pouvais plus tenir le rôle de l'amoureux transit sans rien recevoir en retour. Je n'en pouvais plus de jouer un rôle partout. Je n'en pouvais plus de me forcer, de réfléchir, de me contrôler, de me cacher. J'en voulais à mes parents de m'avoir rendu si malheureux. Nos relations étaient de plus en plus tendues et ils me menaçaient de m'interner en hôpital psychiatrique si je leur causais des problèmes. Je les savais capables de le faire alors je tentais tant bien que mal de me tenir tranquille.


     Au centre, je devenais un peu violent, surtout auprès des garçons qui osaient approcher ma douce. Certains d'entre eux ne le faisaient pas exprès, animés par des pulsions. Mais d'autres, beaucoup plus vicieux, la considéraient comme une chose inoffensive et donc facile à obtenir. Ils me mettaient hors de moi. Je me contrôlais pour ne pas montrer mon vrai visage, alors j'émettais des râles significatifs quand ils approchaient un peu trop d'elle, et comme j'étais plutôt grand et carré, ils ne tentaient pas le diable. 

     Les éducateurs, troublés par ce changement de comportement, avaient contacté le spécialiste des troubles autistiques du centre et il avait décrété que j'avais des comportements dépressifs et demanda à mes parents de me surveiller car je pouvais manifester des tendances suicidaires. Mes parents lui assurèrent qu'ils me surveilleraient bien, ce qu'ils firent, puisque j'avais de moins en moins le droit de sortir, étant donné qu'ils pensaient que je pouvais les moucharder à tout moment. Iliana me manquait, je n'avais plus goût à rien. 

Je suis un actisteWhere stories live. Discover now