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     Comme j'allais à l'école seulement deux matinées par semaine, le reste du temps je continuais d'aller au centre. J'y retrouvais Violaine et les autres enfants. Je connaissais tous leurs prénoms car j'écoutais la maîtresse qui leur parlait quand j'étais au fond de la classe. Mais je ne connaissais pas encore tous leurs visages car je ne pouvais pas trop les regarder. Mon père me rappelait souvent toutes les règles à respecter pour ne pas qu'on comprenne que j'étais plus intelligent que les autres. Il me disait toujours que les gens trop intelligents n'étaient pas heureux car on ne les laissait jamais tranquille. Je suivais toutes ses règles à la lettre car il savait mieux que moi tous les dangers qui existaient dans la vie.

     Mon quotidien pendant ces premières années c'était la routine. Le lundi et le mardi j'allais au centre toute la journée, le mercredi matin l'école normale, le jeudi matin je restais chez moi, l'après-midi j'allais au centre, et le vendredi matin l'école normale et après c'était le week-end à la maison. Je savais que mon père faisait tout son possible pour bien s'occuper de moi et m'apprendre tout ce qu'il fallait pour réussir dans la vie, mais je dois quand même avouer que c'était très difficile les premières années. J'avais souvent envie de jouer avec les autres enfants de mon âge, surtout à l'école normale. Les jeux qu'ils faisaient là-bas avaient l'air super. Mais mon père me disait que les jeux qu'il y avait dans les écoles étaient des jeux faits pour que les enfants deviennent bêtes. Ça m'a fait peur parce qu'il m'a dit que quand on était très bête on faisait n'importe quoi et après les parents nous abandonnaient. Je ne voulais pas que mes parents m'abandonnent. J'ai donc suivi ses conseils pendant plusieurs années, même si des fois j'allais jouer tout seul dans mon coin.

     Plusieurs fois les maîtresses ont failli remarquer que je savais parler. Quand je me croyais tout seul et que je parlais face à ma carte postale, je ne voyais pas que les maîtresses n'étaient pas loin. Mais comme elle ne connaissait pas grand-chose à ma spécialité, elles se disaient toujours que je devais savoir parler, mais pas communiquer.

     Plusieurs années ont passé et je suis resté un enfant intelligent. Je suivais tous les conseils de mon père à l'école et au centre, et quand je rentrais à la maison il m'apprenait plein de choses. J'ai donc appris à lire, à écrire, à compter. Je sais aussi jouer aux échecs et j'adore dessiner. J'aurais voulu apprendre à faire un sport comme on avait un grand jardin. Mais il me disait que si je jouais dans le jardin, les voisins allaient s'apercevoir que j'étais plus intelligent qu'on le prétendait et allaient prévenir la police. Du coup j'ai préféré apprendre à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs, aux dominos...

     Un jour, pour mon anniversaire, mes parents m'ont acheté une table de ping-pong. Je n'en avais encore jamais vu. J'étais tellement heureux ! Alors mon père m'a dit que c'était un sport et qu'il allait m'apprendre à le pratiquer. On a placé la table de ping-pong dans une pièce qui ne servait à rien dans la maison, pour que personne ne voie qu'en plus d'être intelligent, je savais jouer au ping-pong. Après ce beau cadeau, c'était plus facile de rester tout seul à l'école, quand je savais ce qui m'attendait à la maison. Quelques années sont passées et tout allait bien pour moi. 

Je suis un actisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant