ATTENTION: MESSAGE IMPORTANT EN FIN DE CHAPITRE
Sur le chemin du retour, je nourris sans savoir pourquoi le secret espoir de rattraper Mila. Malgré son comportement de ce soir, je ne peux m'empêcher de ressentir de la compassion pour elle. Finalement, en essayant de m'obliger à accepter son aide, c'est elle qui appelle au secours. Et ça me rend triste de l'imaginer, si seule face à toutes ces peurs que je connais bien. Sans l'aide de Daryl, je n'aurais jamais pu les dépasser...j'espère que Mila a quelqu'un qui la soutient.
Laury est là pour elle.
En effet, Laury me semble être la personne tout indiquée pour aider Mila à avancer. Même si je ne lui faisais pas confiance au début de la réunion, je dois admettre que cette femme sait s'y prendre. Elle sait trouver les mots justes pour pousser à se confier puis apaiser les angoisses. Les questions qu'elle a posé à Stewart étaient probablement justifiées et moi je l'ai jugée sans la connaître. Je ne pense pas qu'elle m'en veuille mais... Je ne peux pas nier que j'ai été une très mauvaise invitée ce soir.
Je déverrouille la porte et entre dans l'appartement sans bruit. Daryl doit déjà être couché, il travaille demain. Lazslo se précipite vers moi en gémissant doucement.
« Salut, mon beau... ne fais pas de bruit, d'accord ? »
J'enfouis mes mains dans son poil pour le gratouiller alors qu'il essaie de me lécher le visage. Puis je retire mes chaussures et entre sans un bruit dans mon salon.
« Lazslo, va dormir ! »
Le chien obéit et va se coucher dans le panier que je lui montre. J'ouvre la porte de la chambre, le plus silencieusement possible. Daryl est endormi, tourné sur le côté. Au fur et à mesure que mes yeux s'habituent à l'obscurité, je distingue son corps sous les draps, sa main glissée sous son oreiller, son visage serein et je ne peux m'empêcher de me mordiller la lèvre. Il est trop mignon quand il dort... enfin, sauf quand il ronfle. Rapidement, je me déshabille et enfile mon tee-shirt de nuit avant de m'allonger aux côtés de mon homme. Ma main glisse le long de son dos puis sous la couverture pour effleurer son torse tandis que j'embrasse ses épaules. Il prend une grande inspiration et gigote un peu.
« Daryl. Je suis rentrée. »
Sans même ouvrir les yeux, il se tourne vers moi et passe ses bras autour de ma taille, me tirant vers lui.
« C'était comment ? marmonne-t-il d'une voix rauque et fatiguée.
-Pas mal. Mais j'y retournerais pas.
-Pourquoi ?
-J'aime pas trop l'ambiance.
-Et Mila ? »
Bon, comment expliquer la situation ? Je peux difficilement avouer que je la déteste cordialement, d'autant qu'après ma conversation avec Laury, je ne suis pas sûre que ça soit encore le cas. Mais je préfèrerais clairement que Daryl reste à distance raisonnable de cette fille. Je soupire.
« Je... je sais pas si je peux lui faire confiance. »
Intrigué, Daryl ouvre les yeux et sonde mon visage. Sa main quitte ma taille pour se poser sur le côté de mon visage, dégageant les cheveux qui tombent dessus.
« Pourquoi ?
-Je la connais pas très bien.
-Mais elle aussi elle a été... »
Il ne termine pas sa phrase, craignant certainement de prononcer un mot interdit. Je réfléchis un instant. Je dois trouver un moyen d'expliquer ma défiance sans pour autant inquiéter mon homme.
« Ce...c'est pas si simple. »
Je baisse les yeux. Même si je trouvais les mots, je ne suis pas sûre que Daryl comprendrait ce que je veux dire. Il n'a pas vécu ce que j'ai vécu. Mais il pose une main sous mon menton pour me regarder dans les yeux.
« Hey, crevette...te force pas pour moi, ok ? »
J'aurais dû m'en douter...même quand je pense qu'il ne comprend pas, il parvient à deviner mes émotions les plus profondes avec un naturel déconcertant. Je souris.
« Ok. »
Son visage s'approche du mien et nos lèvres se joignent avec douceur. Comme toujours, je me sens frémir des pieds à la tête et mon cœur s'agite de petits soubresauts. Mais en même temps...
Quelque chose cloche.
Une pointe de douleur dans le creux de mon ventre, un serrement dans ma poitrine, un malaise qui étreint mon esprit. La culpabilité. Comment ne pas en ressentir, alors que je suis en train de lui mentir ? Il essaie de comprendre, de m'aider, et moi je ne trouve rien de mieux à faire que me barricader dans une fausse réalité rassurante. Je ne suis pas digne de tout son soutien.
« Axelle ? »
Il l'a senti.
Il a senti que quelque chose n'allait pas. Il finit toujours par le sentir, même s'il est incapable de comprendre pourquoi. Et je ne veux pas le lui expliquer. Je ne veux pas l'inquiéter ou lui faire mal. J'ouvre les yeux. Le visage de Daryl est toujours niché contre le mien. Nos nez se touchent et ses lèvres frôlent les miennes, au point que chacune de ses expirations caresse ma peau. Ses yeux sont clos. A-t-il peur ? A-t-il peur de me regarder dans les yeux autant que je crains de me plonger dans les siens ?
« Oui ? »
Ma voix tremble un peu mais c'est à peine perceptible dans mon chuchotement. Je préfère abaisser de nouveau mes paupières, concentrant toute mon attention sur son souffle. Le rythme de sa respiration. C'est le seul moyen que j'aie de comprendre ce qu'il ressent en cet instant. Je m'en imprègne totalement pour y déceler le moindre changement, la moindre fausse note. Je sens un soupir, aussi léger qu'une plume, qui vient frôler ma peau.
« Je...j'ai peur, chuchote-t-il. »
Il a prononcé ces mots à vois si basse que si j'avais été quelques centimètres plus loin, je ne les aurai pas entendus. Pourtant dans ces mots, dans ce souffle, je sens toute la tension et l'inquiétude qu'il garde en lui depuis déjà un long moment.
« De quoi ? »
C'est rare qu'il ait peur. Et encore plus rare qu'il me le dise. Je crois qu'il ne l'a pas fait depuis la mort de Julio. Alors s'il ressent le besoin de m'en faire part, c'est que ce n'est pas une simple peur. C'est bien plus que ça.
« J'ai peur que tout ça...ça soit trop pour toi. »
Encore ? Tous ces mensonges n'auront donc servi à rien ? Il ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter. Et finalement, c'est normal. Il ne comprend pas ce que je traverse, il ne peut pas l'appréhender. Et ce qu'on ne comprend pas fait peur. Je tente de prendre une voix rassurante.
« T'en fais pas pour moi.
-C'est pas pour toi que je m'en fais. »
Ah ?
Cette fois, je ne suis pas sûre de saisir ce qu'il essaie d'expliquer. S'il a peur que ça soit trop pour moi, c'est qu'il s'inquiète pour moi, non ? De nouveau, je sens un micro-soupir s'échapper de ses lèvres alors qu'il cherche ses mots. Son front se colle au mien avec plus de véhémence.
« J'ai peur...que tu changes. Que t'aies plus besoin de moi. Et que tu t'en ailles. »
Que je m'en aille ?
Comment ? Comment peut-il penser ça ? Cette idée n'a pas le moindre sens. Même si j'en avais envie, serai-je seulement capable de m'en aller ? Alors que mes lèvres s'entrouvrent pour répondre « non », je sens mon cœur louper un battement.
Oui.
Une voix, aussi discrète qu'une brise, presque inaudible, venant du tréfond de mon esprit. Une pensée furtive qui a disparu si vite qu'on pourrait douter qu'elle a existé. Mais elle a été là. En un bref instant, elle a répondu. Oui, je serais capable de m'en aller. Le temps où Daryl était ma béquille est définitivement révolu, à présent je peux me battre seule et faire face à mes démons. Pourquoi ? Quand ? Quand ce changement s'est-il opéré en moi ? Quand est-ce que l'idée de vivre sans lui est devenue plus qu'une idée ? Elle est devenue...une option. Une possibilité. Pourquoi ?
« Je peux me débrouiller sans toi.
-Y a un an, tu m'aurais dit exactement l'inverse. »
Cette conversation me revient en mémoire aussi violemment qu'un direct dans le ventre. Je n'aurais jamais dû dire ça...Est-ce que son angoisse vient de là ?
C'est pour ça que tu restes avec moi ?
Comment j'ai fait pour ne pas comprendre ce qu'il essayait de dire ? Ces derniers temps, je suis tellement obnubilée par cette histoire de procès que notre relation en pâtit. Ce n'est pas un hasard si notre vie sexuelle ressemble à un désert dernièrement, si on a pas passé un vrai moment ensemble depuis que j'ai rencontré Mila. Je dois l'admettre, j'ai fait passer notre relation au second plan, et je l'ai fait tellement naturellement qu'on aurait du mal à croire que c'est cette même relation qui m'a sauvé la vie. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Voyant que je ne réponds pas, Daryl reprend d'une voix faible :
« J'ai peur de te perdre, Axelle... »
Non...
Ce chagrin dans sa voix... L'entendre m'est insupportable. Je secoue la tête. Ça n'arrivera pas. Même si, effectivement, vivre sans lui me serait possible...je n'en ai aucune envie. Et finalement, peut-être que cette évolution est une bonne chose. Notre relation ne peut être que plus saine si nous avons désormais la liberté de suivre nos envies au lieu de se plier à nos besoins. Je pose une main sur la joue de Daryl pour la caresser doucement.
« Je reste avec toi parce que j'ai pas envie d'être sans toi. Je...j'suis désolée si tu as eu l'impression que...que je ne tenais plus à toi autant qu'avant.
-Nan, t'excuses pas...
-Si. »
J'ai merdé, je m'en rends compte. Même si je veux régler mes problèmes moi-même, je n'ai pas le droit de délaisser mon couple pour autant. J'ai rendu Daryl triste. Et je m'en veux.
« Je t'aime, Daryl. Même si en ce moment, je le montre pas toujours. »
Même si en le laissant à l'écart, j'essaie de le protéger, il ne peut que très mal supporter cette situation. Il n'y a rien de pire que de voir quelqu'un qu'on aime souffrir, vouloir lui apporter son aide, et qu'il la refuse. C'est quelque chose que Daryl m'a appris, il y a longtemps. Pour appuyer mes propos, je glisse ma main dans sa nuque.
« Rien ne pourra changer ça, ajouté-je. Même pas...tout ça. Crois-moi... »
Ses lèvres se collent soudain aux miennes avec violence, me coupant dans ma phrase et dans mes pensées. Il passe ses mains dans mon cou et prennent mon visage en coupe, comme pour m'empêcher de m'éloigner. Mais je n'en ai aucune envie. Au contraire, ce baiser intense semble réveiller en moi une faim de lui absolument insatiable. Mes doigts agrippent son cou tandis que je passe mon autre main dans ses cheveux. Sous l'ardeur de son baiser, je sens mon corps basculer en arrière, au point que je serais tombée du lit s'il ne m'avait pas retenue in extremis. Cette presque-chute déclenche une montée d'adrénaline en moi. Nous échangeons un regard brûlant, un regard qui n'a pas besoin de mot.
J'ai envie de toi...
Il se redresse en m'entraînant avec lui vers le milieu du lit, là où je ne risque pas de chuter avant de reprendre ses baisers torrides. J'ai l'impression de ne jamais avoir autant eu envie de lui. Mes mains s'accrochent à ses vêtements, passent en dessous pour palper sa peau, se perdent dans ses cheveux avec sauvagerie. Lui-même a abandonné toute retenue et presse ses lèvres sur chaque parcelle de ma peau qu'il peut atteindre. Dans ses bras, j'oublie tout, je perds pied complètement. Et c'est précisément ce dont j'avais besoin depuis si longtemps.
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B85