Hating, Craving, Falling

By VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 29

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By VicArroyo

Je crois que me rendre dans la maison de sa mère est encore plus intime que si j'entrais chez Chloé. Si c'est sa maison d'enfance, il restera sûrement des traces de la sienne. Ça attise ma curiosité. Comment était-elle quand elle était enfant ? Sage comme une image ou véritable trublionne ? Je me pose mille et une questions tandis que je conduis dans les traces de sa voiture, détonnant dans ce paysage d'anciennes fermes et au milieu de vieux tracteurs. Elle s'arrête derrière une toute petite maison rigolote qui m'évoque plus une chaumière avec son toit si particulier et sa longue cheminée. La bâtisse paraît âgée, mais n'a rien perdu de sa superbe. Les pierres qui composent les murs tiennent un peu de guingois, mais elles semblent pouvoir affronter vents et marées sans même frémir.

– Tu as grandi ici ? demandé-je sans détour en sortant de ma voiture.

– Pas du tout ! Ma mère l'a achetée quand mon frère et moi sommes partis de la maison.

C'est raté pour la vieille chambre d'enfant dans laquelle j'aurais pu trouver des trésors concernant ma chère collègue. Rien non plus à me mettre sous la dent pour gentiment me moquer de sa période adolescente.

C'est d'un triste.

Je pénètre dans une petite entrée très fonctionnelle, donnant sur un couloir. Le sol composé de tomettes anciennes me mène jusqu'à la pièce à vivre. Je n'ai pas fait quelques pas en direction du salon qu'une vague de chaleur me gagne. Les tons écru et crème de la décoration se marient à merveille avec la charpente apparente. Dans le coin, des bûches crépitent dans une cheminée en pierre et me met immédiatement à l'aise. C'est étrange comme certains intérieurs dégagent de telles ondes positives. Je n'ai aucun mal à imaginer la mère de Chloé comme une personne profondément posée et heureuse de la vie.

Le passage au chaud reste bref puisqu'une énorme boule de poil couleur chocolat nous fonce dessus pour obtenir des câlins et le droit de sortir. Le panier gourmand attendra. Nous contournons la maison aux côtés d'une chienne surexcitée qui file dans le grand terrain jouxtant le potager vers lequel nous nous dirigeons.

Aléa est beaucoup trop mignonne. Sa longue queue touffue remue sans arrêt et elle galope constamment entre les jambes de Chloé et un point non identifié dans le champ. Elle court de partout, saute sur des mottes de terre, et renifle l'entrée d'une taupinière. À chaque retour de notre côté, elle vient quémander des caresses en frappant ma main de son museau. C'est un autre style qu'Artémis, c'est sûr, mais elle n'en reste pas moins adorable. De toute façon, tout ce qui ressemble à un plumeau sur quatre pattes constitue ma plus grande faiblesse.

Le potager représente une véritable œuvre d'art, bien qu'il ne soit pas très développé au vu de la période. La mère de Chloé a aménagé différents espaces à l'aide de vieilles palettes. De petites pancartes indiquent quel fruit ou légume se trouve sur chaque parcelle. Chloé s'amuse à me les cacher pour me faire deviner ce qui pousse. On dirait une enfant, mais je n'ai aucun mal à jouer le jeu. Ce serait l'hôpital qui se fout de la charité de prétendre que je ne suis pas moi-même une grande gamine.

J'ai vraiment l'impression de ne pas du tout avoir affaire à la même personne que ces derniers mois, et je n'arrive pas à savoir si j'apprécie ou si ça m'inquiète. Dans tous les cas, c'est très perturbant.

– Des topinambours ? répète-t-elle en riant. Mais ça n'y ressemble même pas un peu !

J'observe l'espèce de chose terreuse qu'elle place entre mes mains. Un mélange entre un ver dodu et un long gnocchi. Autant dire que cette forme n'augure rien de bon.

– Je détestais les topinambours quand j'étais gamine, du coup ça collait bien avec un truc à l'aspect répugnant.

– Ce sont des crosnes, me corrige-t-elle. C'est excellent.

– En toute honnêteté, ça n'a pas l'air.

– Tu aimes les artichauts ?

– Ça oui, il y en a ?

– Ben non, ce n'est pas du tout la saison. Mais ça, ajoute-t-elle en montrant les crosnes, ça ressemble un peu au goût de l'artichaut.

J'arbore une mine sceptique, mais ne la contredis pas. Après tout, je ne connaissais pas l'existence de ce légume il y a encore trois secondes.

Nous remontons chez elle, Aléa dans nos pas et deux carottes du jardin dans les mains de Chloé. Je tapote mes pieds sur le paillasson avant de pénétrer dans la maison et me poster devant la cheminée, mes doigts glacés tendus vers le feu. Je ferme les yeux quelques secondes pour savourer la sensation de mon corps frissonnant se régénérer avec la chaleur.

– Tu gardes souvent la chienne de ta maman ?

– Ça dépend, répond-elle en posant le panier garni sur la grande table ronde en chêne. Généralement, la voisine s'en occupe, mais son mari est hospitalisé et ma mère ne voulait pas lui ajouter cette charge alors qu'elle passe beaucoup de temps à la clinique.

Chloé sort quelques coupelles et m'intime de m'installer à table pour déboucher une bouteille de vin. Elle s'agite dans la cuisine qui s'étale tout le long du mur, totalement ouverte sur le salon. La teinte boisée des tiroirs et des placards se marie harmonieusement avec le long plan de travail anthracite, jouant sur un aspect moderne tout en conservant des codes rustiques.

Pendant qu'elle tranche un peu de saucisson et de fromage, elle m'explique que sa mère passe l'essentiel de ses week-ends avec ses copines, à randonner en pleine nature et escalader des falaises.

– Mais elle a quel âge ?

– Cinquante-neuf. Elle est toute jeune ma maman !

Sa voix trahit tout l'amour qu'elle porte pour sa mère. Elles doivent être très proches l'une de l'autre. Encore un sentiment n'ayant aucune signification pour moi, ma mère s'étant contentée du strict minimum relatif au concept de maternité.

– Elle est toujours occupée quelque part. Elle a beau vivre seule ici, elle est constamment entourée. Elle est plus sociable que moi, elle compte des copains de partout.

Je repense aux échanges amicaux et chaleureux de Chloé avec tous les participants du tournoi. Ça me donne une idée du degré de sociabilité de sa mère.

– Et ton père ?

– Je n'en ai pas, déclare-t-elle simplement en s'asseyant sur la chaise en bois à côté de moi.

Merde. Il faut toujours que je mette les deux pieds dans le plat.

J'aurais tendance à dire que c'est bien mieux pour elle, mais n'étant pas vraiment une référence en la matière, j'imagine qu'elle n'a pas vécu son absence comme ça. Je présume immédiatement qu'il est décédé. Ou peut-être est-il parti pendant son enfance ? Je n'ose pas lui demander. Mais contre toute attente, elle répond à mes questions silencieuses.

– Ma mère m'a conçue seule. Elle sait ce qu'elle veut et quand elle le veut. Le jour où elle a désiré des enfants, elle était célibataire, et prétendait m'élever comme elle le souhaitait. Elle n'a pas attendu qu'on lui donne l'autorisation.

Elle s'étend contre le dossier de sa chaise en soupirant d'aise et pose ses pieds sur l'assise de celle d'en face, sous la table. Ses cuisses touchent à peine mes genoux, mais je peux sentir leur chaleur.

Elle ne bouge pas ses jambes.

Je ne bouge pas les miennes.

– Mmhh, je suis vraiment contente d'avoir gagné ça ! Cette rigotte est délicieuse ! Tiens, goûte, ajoute-t-elle en en posant un morceau dans mon assiette.

Nous déballons, produit par produit, notre panier bien fourni tout en discutant. J'apprends donc que Noisettes a grandi dans trois villes différentes, dont une en Angleterre ; que le groupe de musique qu'elle préfère plus que tout au monde est Simon & Garfunkel – bien qu'elle n'ait pas voulu me dévoiler son titre favori ; et qu'elle ne s'endort jamais aussi bien que sous le son de la pluie battant le velux. Ça nous fait au moins un point commun. Je découvre également qu'elle a tenté une année de médecine avant de statuer que ça ne lui correspondait pas.

– Mon niveau de connaissances médicales est proportionnel au nombre d'épisodes de Grey's Anatomy que je m'enfile, avoué-je.

– Mais ça ne fait pas mille ans qu'elle dure, cette série ? Je crois que ça passait déjà à la télé il y a dix ans !

J'acquiesce avec une grimace coupable. Les années défilent et je ne me lasse pas de me plonger dans l'univers de ces chirurgiens immatures. Pauline m'a pourtant maintes fois répété que ça ne se passe pas du tout comme ça dans la réalité. À son grand dam, il n'y a pas de Docteur Mamour dans son service.

Cette pensée me ramène sur notre conversation précédente et je lui demande si ça ne lui a jamais manqué.

– De quoi ?

– Je ne sais pas, un père ?

– Ben non.

J'attends quelques secondes, croyant qu'elle va continuer sur sa lancée, mais elle ne dit rien de plus. Elle jauge deux petites bouteilles de bière avant de choisir d'en ouvrir une. Elle tend le goulot vers mon verre en levant un sourcil pour me demander silencieusement si j'en veux.

Comme si on pouvait dire non à ça.

Je crois qu'elle réalise que sa réponse me laisse dubitative puisqu'elle se décide à m'expliquer.

– Je comprends le concept du père, mais pour moi ça ne signifie rien. Ce que tu ne connais pas ne peut pas te manquer. Et puis, ma mère représente une source d'amour intarissable.

Je hoche la tête, satisfaite de sa réponse.

J'observe la pièce autour de moi tandis qu'un ange passe. Le silence n'est pas pesant. Au contraire, il est enveloppant. Doux et agréable comme un plaid. Il est serein, et je ne me sens pas obligée de parler. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas envie de la cuisiner sur les moindres détails de sa vie...

Je fronce imperceptiblement les sourcils, me demandant pourquoi ça m'importe tant de la connaître, mais je ne peux plus vraiment me voiler la face.

Chloé Matteson me plaît, et bien plus que je ne veux me l'avouer.

***

Nous nous régalons de ce festin tout en discutant du principe de la famille, de l'adoption, de l'amour, et rien ne nous arrête. Enfin, rien à part l'énorme ronflement qui sort de sous l'escalier. Un silence précède un nouveau ronflement et je me tords de rire sur ma chaise.

– C'est la chienne à l'origine de tout ce boucan ? demandé-je, les yeux écarquillés.

– Que veux-tu ? Elle manque cruellement de bienséance.

– Ou elle démontre, par ce ronflement réprobateur, son désaccord avec la discussion que nous tenons, suggéré-je en riant.

– Et comment peut-on réprouver le principe même de l'amour ?

J'essaie de me souvenir comment on en est arrivées là, mais je n'y parviens pas et préfère accompagner la terrine d'une nouvelle lampée de ce vin délicieux.

– Je ne pense pas qu'il faille nécessairement un lien de sang. Ma mère aurait tout aussi bien pu m'adopter, elle m'aurait aimée de la même façon. Et il faut sacrément le vouloir son gamin pour s'infliger tout ça, vu la galère que c'est...

Je hoche la tête sans rien dire. À quel point aurais-je préféré que mes parents m'abandonnent pour être recueillie par un couple potentiellement rempli d'amour à donner ? Enfin, j'aurais pu tout aussi bien tomber sur une famille aussi dysfonctionnelle que la mienne. J'aurais juste voulu une famille aimante, quelle que soit sa composition.

Je peine à chasser ces pensées que je ne cesse de ressasser. Ce n'est clairement pas le bon jour pour me poser toutes ces questions, mais j'ai l'impression que mon échange avec Alex ce matin a déclenché quelque chose d'incontrôlable. Les rouages de mon cerveau tournent sans relâche alors que tout ce que je demande c'est de me détendre.

Je n'ai pas besoin d'attendre longtemps pour que mon vœu s'exauce. Chloé croque dans une petite boule parsemée de sucre glace et émet un son guttural en affichant une grimace de dégoût.

– Beurk ! s'écrie-t-elle en crachant dans la poubelle le contenu de sa bouche. Ah, c'est dégueulasse !

Je m'esclaffe face à l'expression figée de son visage. Je lui demande ce que c'est tout en saisissant le ballotin bleu et doré. « Grêlons du Pilat ».

– C'est à l'alcool ! Dans mon verre ça ne me pose aucun problème, mais dans les chocolats c'est une véritable infamie, ça ne devrait même pas exister !

– Quoi ? m'indigné-je. Tu veux dire que tu n'aimes pas les chardons ?

– Les boules à picots immondes à la liqueur, là ? La question c'est plutôt « parce que toi tu aimes ?! »

– Tout ce qui possède de l'alcool entre volontiers dans mon gosier, ma chère !

Ce que je m'empresse d'illustrer en ouvrant une nouvelle bière. Ce qu'elle s'empresse de réprimander en secouant la tête.

– Si tu bois cette bière, tu ne prends pas la voiture.

Je redresse un sourcil vers l'expression ferme de Chloé.

Elle lève les siens.

Je plisse les yeux.

Elle croise ses bras.

On se regarde un instant en silence, sur un air de défi. Mais nos esprits mènent une véritable bataille – en tout cas dans mon cerveau.

Ça va, je n'ai pas bu tant que ça.

– Du vin, de la bière, du vin, encore de la bière... Tu as bu cette après-midi et encore plus ce soir.

– Je suis une grande fille, tu sais.

– C'est mort, pas envie de remplir la paperasse quand ta voiture fera un câlin à un poteau.

– Je ferais attention.

– Je ne tiens pas à ce que tu écrases une vache qui traverserait la route. Ça m'embêterait pour la vache...

Cette petite discussion inventée par mes neurones imbibés d'alcool me décoche un sourire. Je hausse les épaules en marmonnant un « ouais, c'est ça » têtu, et je nous sers un autre verre. Chloé s'affale contre le dossier de sa chaise et pousse un soupir repu, les mains posées sur son estomac, quelques victuailles abandonnées sous sa fourchette.

– Tu as eu les yeux plus gros que le ventre ?

Elle observe son assiette, puis son regard migre sur le panier bien, bien entamé.

– Si je n'avais qu'un seul œil, ça poserait moins de problèmes, malheureusement j'en ai deux, déclare-t-elle résignée.

Je pouffe en me demandant où elle va chercher tout ça. Nous nous observons un instant, avec pour unique fond sonore le crépitement du feu se mêlant au vent qui lèche les carreaux des fenêtres et fait craquer les volets.

***

Il est déjà plus de 22 heures, et si nous avons arrêté de boire depuis un moment, Chloé a ouvert les vannes sur un sujet qui semble la contrarier.

– Tu vois, c'est ça qui m'énerve avec tous les débats sur la PMA en ce moment. Ma mère, elle n'a jamais rien demandé à personne. Et n'a jamais eu besoin de personne. C'est des conneries ces histoires d'un papa et une maman. J'ai grandi avec plein de figures masculines comme des oncles géniaux et un parrain en or. Ma mère est entourée de plein d'amis mecs, et elle a eu deux copains différents avec qui j'ai gardé contact. Ce n'est pas la filiation qui fait la famille. Ce n'est pas le mot « papa » qui assurera ton épanouissement dans la vie, c'est la nature de tes relations avec les autres. Et ça, personne n'en parle jamais.

J'approuve en hochant la tête. Je ne sais que trop bien de quoi elle parle, malheureusement.

– En même temps, ce n'est pas comme si on donnait la parole aux concernés. Je n'ai jamais compris pourquoi on interrogeait tant de personnes considérées comme expertes alors qu'elles n'ont rien à voir avec ça. Les représentants de la Manif pour Tous, des prêtres, le voisin du plombier... Pourquoi il y a si peu de mères seules, de familles homoparentales et d'enfants de ces familles-là qui sont conviés sur les plateaux télés ou à la radio ? Ce sont toujours les premiers concernés à être les grands oubliés.

– Comme s'ils avaient peur qu'on leur étale notre bonheur à la figure, complète Chloé avec une voix amère. Et en même temps, pourquoi on devrait constamment se justifier ? J'ai beau retourner le problème dans ma tête et essayer de me mettre à leur place, je ne comprends pas pourquoi leur avis est si important dès lors que nos droits n'enlèvent rien aux leurs. Pourquoi une telle avancée les menace tant ? Qu'est-ce qu'ils craignent véritablement au fond ? Si quelqu'un a une vraie réponse, qu'il me la donne parce que ça me dépasse !

Elle a l'air d'en avoir lourd sur le cœur. Ce sujet semble la toucher encore plus que moi car ça atteint directement la composition de sa famille. Et j'aimerais que toutes ces personnes qui occupent leur dimanche à lutter contre les droits des autres comprennent à quel point ça peut être violent et douloureux. En agissant de la sorte, ils nient l'existence même de ces familles et de leur bonheur, quand ces derniers n'ont rien demandé d'autre qu'être libres de vivre leur vie.

Je ne sais que lui répondre, alors je lui propose de m'occuper de la vaisselle afin qu'elle prenne le temps de reprendre ses esprits. Elle débarrasse la table puis me rejoint devant l'évier pour m'aider. Je lui tends le torchon qui reposait sur le bord de l'évier. En l'attrapant, elle accroche mes doigts et mets ce qui me semble être un temps fou avant de les laisser glisser hors de ma main. Son contact me brûle presque tant il était inattendu.

Soudainement, j'ai envie de l'attirer dans mes bras et la serrer contre moi. Caresser sa peau, humer son parfum, et sentir son cœur battre contre le mien.

Wow, tu as vraiment trop bu !

Je secoue la tête et recule de quelques pas pour m'éloigner un peu d'elle. L'alcool brouille mon cerveau qui exprime des pensées totalement incohérentes. Réaction de cause à effet, ni plus ni moins.

Mais tandis que je m'applique à récurer le moindre recoin des assiettes sales, je sais que je me mens à moi-même. L'alcool a été épongé depuis un moment dans mon organisme et mon esprit est très clair. Tout comme l'électricité qui circule entre elle et moi depuis quelques temps, et il serait temps que j'arrête de le nier.

Le silence emplit la pièce, et lorsque nous terminons la vaisselle, il devient bien trop étouffant pour moi. Je me retourne vers la paire de noisettes qui me fixe quand l'éclat de voix de Chloé me fait sursauter.

– Elle est jolie, quand même, la petite famille bien hétéronormée avec petit papa, petite maman, un garçon, une fille !

Elle s'est installée sur le canapé dans une position détendue, pourtant elle semble tout aussi énervée qu'auparavant. Je m'assieds à ses côtés alors qu'elle me tend un verre de jus à la châtaigne.

– Désolée, s'excuse-t-elle soudainement. Je n'avais pas prévu de m'emporter, mais ça touche la corde sensible. Une norme est vouée, par définition, à évoluer. Mais malgré les nombreux formats de famille reconnus aujourd'hui, c'est toujours aussi compliqué pour certains d'admettre qu'il n'y a pas un unique modèle viable, et c'est insultant. Et rétrograde. Et fatigant. De toujours devoir lutter...

Elle soupire avant de s'excuser à nouveau, précisant que je ne suis pas venue pour ça. Je suis tout à fait d'accord avec elle, mais je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant s'enflammer comme ça. Je n'avais encore jamais eu affaire à une Chloé militante. Je n'avais jamais eu affaire à une Chloé qui s'épanche plus de trois secondes en fait. Et en l'entendant parler comme ça, je me rends compte que je ne suis pas du tout étonnée de son périple en Nouvelle-Zélande. Elle semble avoir ça en elle. La révolte. La niaque. Ce n'est pas le genre de fille à se laisser anéantir. Ce qui m'amène justement à m'interroger sur son air abattu de ces derniers temps, quand elle m'évoque plutôt le tigre rugissant que le petit chaton fragile. Quoiqu'elle en ait bien l'aspect, parfois, je dois avouer.

Quand je me lève pour enfiler mon manteau, Chloé se dresse devant moi. Elle me rappelle qu'il est hors de question pour moi de partir dans cet état. J'ai suffisamment décuvé pour pouvoir rentrer en toute sécurité, mais niveau légalité c'est autre chose.

On se regarde en chiens de faïence et elle ne semble pas prête à laisser tomber.

Quelle plaie, cette fille ! Je ne vais quand même pas passer la nuit ici !

– De toute façon, je n'ouvrirai pas le portail, affirme-t-elle avec fermeté.

Je voudrais répliquer quelque chose, mais rien ne vient. Après encore quelques tentatives de la convaincre juste avec mon regard, j'abdique.

– Mais jen'ai pas de brosse à dents...

*******

Bonjour !

J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu ! Vous en avez pensé quoi ?

Vous êtes libres de me donner vos impressions en commentaires, ça me fait vraiment plaisir !

Bonne journée,

xx

Victoria

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