Hating, Craving, Falling

By VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 26

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By VicArroyo

– Putain, tu la kiffes, j'en étais sûre !

Je lèche l'opercule de mon troisième pot de mousse aux marrons avec dévouement.

– Arrête de t'emballer, Pauline, on a fait que s'expliquer.

– Dis-moi que vous l'avez fait en tournant votre langue dans la bouche de l'autre !

Je grimace avec véhémence et lui balance des miettes de pain à la figure.

– Sérieusement ?

– Ben quoi, j'ai l'impression d'être dans une vieille sitcom à la con avec vous. Previously, dans « les lesbiennes à la montagne », Chloé a couché avec Charly, mais Charly ne s'en souvient pas. Charly s'explique avec Chloé, vont-elles réussir à passer au-dessus ? La suite dans le prochain épisode !

Je n'ai absolument aucun doute concernant la raison pour laquelle cette fille est ma meilleure amie.

– N'importe quoi ! Il ne se passe rien, en fait. Il s'est passé un truc, ouais, mais c'était flou pour nous deux, donc ça ne compte pas. Et à partir de là, il n'y a rien de plus à dire.

– Si ! Parce qu'entre temps, elle t'a entendu la pourrir au téléphone pour finalement t'envoyer un texto chelou dans lequel elle te dit à la fois qu'elle te kiffe tellement qu'elle t'en déteste.

– C'était une erreur.

Elle fait une moue sceptique mais je lui répète encore l'explication de Chloé, que j'ai décidé de croire, et elle finit par abdiquer.

– Ouais, je persiste à dire qu'il y a un truc louche entre vous. Ce n'est pas fini votre histoire, je vous le garantis.

Je souffle en me levant et rejette ses paroles en secouant la main vers elle. Je récupère le grand plaid en laine que je squatte dès que je vais chez Pauline tandis qu'elle décide de se préparer un café. Je la regarde s'affairer dans sa petite cuisine depuis le canapé dans lequel je m'enfonce confortablement et repense à la veille. Je ne suis pas rentrée en car, mais en voiture avec Chloé. Cela ne m'enchantait pas vraiment d'ailleurs. La seule raison pour laquelle j'ai accepté de monter à nouveau dans son bolide c'est parce que la route n'était pas longue et qu'elle était incapable de sortir du parking. Elle avait réussi à embourber son pneu jusqu'au parechoc et plusieurs personnes ont dû venir nous aider pour la dépêtrer de là. Évidemment, entre temps, le bus était reparti.

L'atmosphère était assez étrange entre nous, presque joueuse malgré ma tension. Je crois qu'on a essayé d'échanger des banalités au début, mais ça n'a pas vraiment fonctionné et on a fini par retourner à notre conversation. Elle s'est excusée à nouveau de ne pas avoir stoppé le jeu, mais comme elle l'a dit elle-même, elle n'était pas en meilleur état que moi. Et bien que tout soit flou, je me souviens parfaitement l'avoir voulu à cet instant, je me souviens de notre désir en symbiose. C'est d'ailleurs ce qui m'étonne le plus, d'avoir tellement eu envie d'elle à ce moment-là, alors qu'a priori rien ne m'attirait chez elle. Mais il faut croire que parfois, le corps répond à son propre langage, qui dépasse tout préjugé.

Pauline revient, étale la couverture sur nos jambes et s'affaisse sur le dos du canapé.

– J'ai quand même du mal à comprendre comment elle peut être si différente entre les moments où je la vois au naturel au boulot et quand elle en fait trois tonnes dès qu'elle va dans une soirée. Même au bowling elle se fringue n'importe comment.

– Elle s'habille bien comme elle veut, en même temps.

Je lève les yeux au ciel.

– Ouais, mais bon. C'est con.

– Pourquoi ?

Je hausse les épaules.

Parce qu'elle est si belle au naturel...

Je l'avais remarqué depuis un bout de temps finalement, mais je crois que je ne voulais pas l'accepter. Comme si c'était faire preuve de faiblesse. Comme si c'était avouer qu'elle me plaît alors que je ne l'assume pas.

– Je ne sais pas si tu l'as déjà vue au naturel, mais ça n'a rien à voir.

– C'est ma voisine, je te rappelle.

– Non, mais ça ne veut rien dire ça, tu n'es jamais chez toi.

– Oui enfin, Charly, quand même. Je la croise de temps en temps, ça nous arrive de discuter, mais c'est assez rare.

– Sérieux ? Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?

– Je n'en sais rien, moi, pourquoi je t'en aurais parlé ? Tu m'as toujours rabâché que tu ne pouvais pas la blairer.

Je grogne. Elle a raison. Et je n'aime pas quand elle a raison.

– Ce n'est pas forcément incompatible, en tout cas, reprend Pauline.

– Comment ça ?

– Eh bien, ce n'est pas parce qu'elle s'habille bizarrement – et encore, bizarrement pour toi, mais regarde, là où tu voyais un déguisement disco, Betty a adoré – et se maquille beaucoup, qu'elle est superficielle pour autant. Peut-être que c'est juste sa manière de s'exprimer. Et peut-être qu'il n'y a pas d'autre raison que le fait que ça lui plaise, et c'est tout aussi valide. Comme elle te l'a fait remarquer, ses fringues ne définissent pas son identité.

– J'avoue. Le pire, c'est que je sais tout ça. Je ne comprends pas pourquoi je fais tellement une fixette dessus. Peut-être que comme c'est la première image d'elle qu'elle m'a renvoyé, je suis restée dessus sans vouloir aller plus loin. Mais elle a raison, c'est con en fait, parce que la mode c'est une question de goût, et les goûts sont subjectifs. Je n'ai pas besoin d'aimer toute sa penderie pour l'aimer elle...

– AH ! s'écrie alors Pauline. Tu vois que tu la kiffes.

– C'est juste une façon de parler, déstresse !

– Dommage qu'elle ne soit pas là aujourd'hui, on aurait pu aller lui faire un petit coucou maintenant que c'est l'amour fou entre vous, roucoule-t-elle en jouant des sourcils.

Je lui assène un coup de coussin sur la tête en lui répétant qu'elle dit n'importe quoi tandis qu'elle s'esclaffe.

– Il n'y a que la vérité qui fâche ! fanfaronne-t-elle.

– Et si on parlait de toi, plutôt ?

Elle grimace et sa bonne humeur s'envole aussitôt. Je m'en veux un peu, c'est un coup bas. J'ai bien vu qu'elle semble ailleurs ces derniers temps. Elle fait bonne figure, mais quelque chose la travaille. J'ai essayé plusieurs fois de l'amener à se confier, mais ma meilleure amie est une tombe quand quelque chose la contrarie. Je n'en saurais rien avant que la situation ne soit réglée.

– Je vais faire des pancakes.

– Après le dîner ? demandé-je, innocemment.

– Il n'y a pas d'heure pour les pancakes.

Certes, mais je sais que c'est sa recette miracle pour se sentir mieux. Quand elle ne va pas bien, elle cuisine. La plupart du temps, elle se lance dans des gâteaux tous plus structurés les uns que les autres, et je me fais un plaisir de les déguster avec elle pendant qu'on discute de ce qui l'embête. Mais quand elle sort sa poêle à crêpes, je sais qu'il n'y a rien à faire d'autre qu'attendre et lui changer les idées.

***

– Il y a comme de l'évolution entre vous, non ?

Je détache mes yeux de Chloé et les pose lentement sur ceux de Betty qui m'observe. L'odeur de tartiflette qu'elle a partagée avec les collègues ce midi a embaumé toute l'agence et me donne des hauts le cœur. J'ai beaucoup trop mangé et je somnole à proximité de la machine à café. Chloé multiplie les allers et venues entre son bureau et le camion d'un fournisseur qui ne sait apparemment pas lire une commande. On entend des éclats de voix depuis tout à l'heure, et si Joanne ne nous avait pas expressément demandé d'attendre ici avant notre réunion, je serais sûrement en train de l'aider. Ou alors je me serais carapatée dans mon bureau depuis longtemps, au choix.

– Je vous ai aperçues discuter sur la terrasse du restau à la station, samedi. Ça avait l'air animé, mais positif, vu le sourire qui était ancré sur tes lèvres, ajoute-t-elle avec un clin d'œil.

– Tu m'as espionnée ?

– Bien sûr que non ! rit-elle. Je suis descendue pour te rejoindre, mais quand j'ai vu ta compagnie je me suis dit que vous aviez bien besoin d'un peu de temps entre vous. Je ne suis pas restée trop loin au cas où la troisième guerre mondiale éclatait ! Mais tout s'est bien passé, n'est-ce pas ?

Son sourire goguenard me déride tandis qu'elle joue des sourcils.

– C'est vrai, avoué-je pour qu'elle arrête son numéro.

– Donc maintenant, tu l'aimes bien ?

Je me penche vers elle, les paupières mi-closes, et pose mon index sur ses lèvres pour la faire taire.

– Betty, tu ressembles aux innombrables fans de séries télé qui shippent des personnages ensemble alors qu'il n'y a aucun lien.

Elle me fait les gros yeux.

– Non, mais là, ma vieille, il n'y a que toi pour ne pas le voir ! Et puis, franchement, il fallait le chercher le lien entre Charles et Manon et pourtant, bim, en couple !

– Entre qui et qui ?

– Tu ne regardes pas Skam France, toi.

Je hoche la tête de gauche à droite.

– Ben tu devrais !

– Ouais, bref, tu te trompes. Elle est jolie, c'est vrai, mais c'est tout. Elle est intelligente, mais ça s'arrête là. C'est juste une fille très intéressante.

Betty arbore un air moqueur sur le visage lorsque Joanne nous invite à entrer dans la salle de conférence.

– Han han, si tu le dis ! me lance-t-elle avant de s'engouffrer dans la pièce.

Elle se paye ma tête.

La réunion dure presque trois heures. Un gros rendez-vous régulier qui permet à chacun de faire le point sur ses dossiers et ses missions, en accord avec le reste de l'agence. C'est un événement suffisamment important pour que toute personne absente ait plutôt intérêt à être en train de mourir sur le bas-côté de la route. Les petits plats sont mis dans les grands, et chaque binôme prend place autour d'une immense table ovale dotée de courts micros. Je m'assieds en même temps que Chloé dont les fesses frôlent ma main accrochée à la chaise. Je la retire vivement comme si je m'étais brûlée, et sens mes joues rougir.

Nous sommes près d'une trentaine à nous faire face en attendant que Joanne nous rejoigne. Betty me lance des clins d'œil auxquels je souris et réponds sans discrétion aucune. Agnès gigote de rire quelques sièges plus loin et discute avec Christophe. Globalement, nous sommes peu disciplinés et ça m'amuse. Chloé, de son côté, est en train de méthodiquement positionner son cahier ouvert sur une plage blanche en haut de laquelle elle note la date d'aujourd'hui et le sujet de la réunion. Sa graphie s'avère fluide et régulière, bien droite. Les espaces sont égaux et l'ensemble crée une calligraphie digne des plus beaux carnets d'écriture. Je jette un coup d'œil dédaigneux au calepin qui me fait face, rempli de gribouillis posés sur les feuilles à la va-vite. Digne d'un capharnaüm sans nom. Je suis jalouse. Même quand je m'applique, ça ne ressemble à rien, alors que Chloé, tout ce qu'elle entreprend semble marqué par sa grâce...

Dis donc, à s'y méprendre on croirait presque à de l'admiration !

N'importe quoi.

Je détourne mon visage renfrogné. On s'en fiche de son écriture, franchement. Je la vois souligner la date du coin de l'œil, d'un trait horizontal plus droit qu'une règle de métal. Voilà, ça c'est à son image : psychorigide. Mais alors que je ne cesse de me répéter ces pensées, je sais que je n'y crois plus. Chloé est bien plus que ça, et elle m'intrigue davantage chaque jour qui passe.

Joanne nous rejoint enfin et le calme se fait. La salle de presse ne colle pas à l'ambiance familiale de l'agence, et crée une atmosphère tendue entre nous dès le début de la réunion. La directrice débute par un petit bilan général puis nous donne la parole à tour de rôle. Les échanges sont plaisants et les retours d'expériences enrichissants. Malgré les apparences, Joanne nous laisse beaucoup d'espace pour discuter et débattre, et on sent qu'on est écoutés et entendus. C'est vraiment agréable et j'apprécie ce moment.

Quand le tour de table en vient à notre côté, c'est Chloé qui commence à résumer l'état de nos dossiers. Elle me glisse des coups d'œil lorsqu'elle parle de moi. De manière positive, étonnamment. Enfin, ce n'est peut-être pas si surprenant que ça, finalement. Elle a su rester suffisamment professionnelle pour que tout se passe au mieux au travail. Ses sourires sont rassurants. Encourageants même. Presque fiers. Je l'écoute attentivement, avant de me rendre compte que je suis à la limite de la dévisager. Je reporte mon regard autour de la table et prends note de ce qu'elle dit. Parfois, je complète son discours avec des détails dont je m'occupe. Ses yeux amusés croisent les miens lorsqu'elle fait une blague que j'ai visiblement loupée. Ses iris brillent et ses paupières se plissent, créant de jolies petites pattes d'oies. Elles me fascinent. Je la trouve sublime. Son sourire toujours accroché à ses lèvres pulpeuses, rougies par le soleil de ce week-end, elle me fait un clin d'œil discret avant de reprendre.

Un clin d'œil ?!

Je retourne à mes notes et hoche la tête. Pourtant, je ne peux ignorer les sensations que cela provoque en moi. Ce simple petit signe de connivence me happe dans un éclair d'intimité qui touche mon cœur de plein fouet, comme si nous partagions quelque chose de secret et spécial. Bon, c'est un peu le cas, mais mon petit doigt me dit que son clin d'œil ne faisait aucunement référence à nos ébats.

Finalement, elle me laisse la parole et je me concentre sur mes propos. Cependant, j'ai un peu trop conscience de sa présence près de moi. Je sens son genou gauche qui frôle ma jambe droite. Je reconnais l'effluve du thé pomme cannelle qu'elle a bu, qui l'a enveloppée jusqu'aux pointes de ses cheveux. Et ça me perturbe plus que ça ne le devrait. Notamment parce que je ne l'ai pas vue boire ce thé, mais que je commence à la connaître. Et contrairement à ce que j'ai toujours pu penser, ça me plaît.

Je sors de cette réunion en ayant l'impression de m'extirper de trois heures d'apnée. Je souffle en rejoignant mon bureau et j'essaie de recentrer mes idées, mais l'opération se révèle difficile. Alors que je n'y prêtais aucune attention jusqu'à maintenant, mon esprit est hanté par deux noisettes qui m'empêchent de me concentrer.

***

Le reste de la semaine passe en un éclair, et je me surprends un nombre incalculable de fois à la regarder. Chacune de ces fois est accompagnée d'une pensée inédite. J'ai l'impression de la redécouvrir chaque jour comme si je n'enregistrais aucune information et je n'ai aucune idée d'où ce sentiment provient. Mon avis sur elle ressemble à un morceau de pâte à modeler qu'on ne cesse de malaxer pour ne jamais perdre de sa malléabilité. Jamais la même forme, mais qui se réchauffe à mesure de la manipuler, de l'appréhender, de s'y intéresser. De son côté aussi je la sens plus ouverte, moins sur ses gardes. On discute un peu plus régulièrement, de tout et de rien. Surtout de rien, ce qui me donne envie de tout savoir. Elle me rend curieuse et chaque fois que j'apprends quelque chose sur elle, j'en veux plus. D'après Betty, elle a toujours été comme ça, mais c'est moi qui portais des œillères et qui me fermais à elle.

– J'ignore à quel point ton raisonnement est correct, mais Chloé reste un tel mystère pour moi que ça me donne juste envie de gratter encore plus loin, lui dis-je discrètement tandis que cette dernière est partie aux toilettes.

Toute l'agence a été conviée à un repas à l'occasion de la fin de l'année qui arrive. Rien de bien extraordinaire, mais c'est agréable de partager ce moment avant que tout le monde ne prenne ses congés à droite et à gauche. Cependant, Betty profite de l'absence de Chloé qui a eu la bonne idée de s'asseoir à côté d'elle – en face de moi, beaucoup trop près de moi – pour essayer de me tirer les vers du nez.

– Parce qu'elle est réellement intéressante, ou juste par défi ?

Je réfléchis quelques instants pendant que je coupe ma pizza quatre fromages.

– Je n'en sais rien, mais je crois que le jeu en vaut la chandelle.

– Tu devrais la voir en dehors du boulot, suggère Betty en essuyant la sauce piquante lui coulant sur le menton.

– J'ai déjà essayé, si tu te souviens bien, et ça ne s'est pas franchement bien passé...

– Ça ne compte pas, rétorque-t-elle. Le contexte n'était pas adéquat. Tente-le, je te dis.

Je proteste vaguement en extirpant mon portable qui n'arrête plus de vibrer contre ma cuisse tandis que Chloé reprend sa place.

Trois nouveaux textos de mon frère se sont ajoutés aux nombreux messages non lus qu'il m'envoie depuis quelques semaines. Je ne lui ai pas parlé depuis l'annonce de la mort de mon grand-père. Je ne cherche pas à le mettre à l'écart, mais je n'arrive pas à passer à autre chose. J'ai beau savoir que c'est complètement stupide de lui infliger ce traitement silencieux, je n'ai pour l'instant pas d'autres alternatives. J'ouvre cependant ses messages un à un. C'est d'un désordonné, cela ne lui ressemble pas. Après une demi-dizaine de variations d'un "j'espère que tu vas bien", il a entamé la culpabilisation en me disant que je n'étais franchement pas cool de disparaître comme ça. Puis il s'est énervé sur trois textos suivants en me rappelant que je n'étais pas seule dans ce monde et que mes actions avaient des répercussions sur les autres – ici, l'action étant de n'en avoir aucune. Enfin, il s'est confondu en excuses, car il comprenait ma volonté de prendre de la distance face à tout ça. Je soupire et me frotte le front. Les éclats de rire de mes collègues me ramènent à la réalité.

– Tu parles ! Je suis sûre que Charly est aussi douée à la pétanque qu'au bowling.

– Euh, je suis très forte à la pétanque en fait ! interviens-je afin d'évacuer un quelconque doute sur mes capacités, quelle que soit la discussion en cours.

– Bon, ben voilà, c'est réglé ! statue Betty.

Une nouvelle vibration attire mon attention avant de pouvoir lui demander de développer cette phrase. Je lis les derniers textos d'Alex que j'avais laissé de côté. Des messages de soutien et d'encouragement qui contractent ma cage thoracique et me décrochent un sourire tendre. Il essaie. Malgré tout ce qui peut se passer, mon frère est un roc indestructible. Il n'hésite pas une seconde à se montrer là pour sa grande sœur insupportable. Mon cœur se réchauffe d'appréciation et je pose mon téléphone avant d'avaler une longue gorgée d'eau, apaisée. Après une seconde de réflexion, je le récupère et tape une brève réponse afin de l'informer de mon intention de l'appeler bientôt, et je le remercie sincèrement.

– Tu te sens serviable aujourd'hui, Charly ?

– Mais ne le suis-je pas tous les jours, ma chère Betty ?

– Euh... Ça se discute, intervient Chloé d'un air sceptique.

L'allégresse que je ressens mélangée à l'atmosphère euphorique de ce repas brouille mon jugement et je me sens pousser des ailes.

– Je ferais tout ce qu'on me demande, assuré-je avec un clin d'œil.

– Vraiment ? demande Chloé intéressée, tandis que le sourire de Betty s'élargit.

Mon regard passe de l'une à l'autre en essayant de comprendre la teneur de la conversation.

– Chloé doit participer à un tournoi ce week-end, mais son frère l'a lâchée... commence Betty.

– Mais ce n'est pas la peine, t'inquiète, la coupe la principale concernée.

– Quoi, tu as peur de te ridiculiser face à mon niveau ?

Elle lève les yeux au ciel en s'esclaffant.

– J'ai plutôt peur de l'inverse.

– Tu ne me crois pas capable de gagner un tournoi de pétanque ? la provoqué-je, presque vexée.

Un petit silence s'installe tandis qu'elle m'affronte du regard en terminant son verre d'une traite. Elle me tend alors son téléphone ouvert sur une page web où sont inscrits mes nom et prénom. Il ne reste plus qu'à cliquer sur "Je participe". Elle me toise avec un air de défi, le bras suspendu au-dessus de la table, pendant quelques secondes qui me paraissent interminables. Ses pupilles me fixent sans vriller et pendant ces quelques secondes, le temps s'interrompt. Ses noisettes enveloppent tout mon champ de vision. J'entends le tintement lointain des couverts contre les assiettes, la porte s'ouvrir et se refermer en laissant passer un courant d'air glacial dans mon cou ; l'odeur de la pâte à pain chaude et croustillante me chatouille les narines.

– Je ne crois que ce que jevois.

*******

Bonjour matinal

Bon courage pour la reprise pour les personnes qui bossent !

J'espère que vous avez pu vous dévorer ce chapitre au petit dej et qu'il avait bon goût !

A demain pour la suite

Bonne journée,

xx

Victoria

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