Hating, Craving, Falling

By VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 25

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By VicArroyo

Le bruit des pneus crissant sur la neige me réveille. J'inspire et m'étire sur mon siège avant de me contorsionner pour glisser mes pieds dans mes bottes. Nous sortons de la chaleur du car pour nous faire électriser par la fraîcheur des montagnes. Le temps s'annonce magnifique. Il est encore tôt, et la station se met à peine en marche. Le soleil a démarré son ascension et je le sens déjà essayer de brûler mes joues. Je me tartine de crème protectrice, enfile mon masque, mes gants, attache une de mes bottes à mon snowboard, et m'élance vers les remontées mécaniques en compagnie de Betty et Matthieu. Samy a choisi le groupe des skieurs frileux ou peu expérimentés et rejoint Agnès et Sandie. Je réajuste mon écharpe pour couvrir mon nez. Sur le télésiège, le froid fouette la moindre parcelle de peau restée à l'air libre, et je vois des larmes se former dans les yeux de Betty.

– Pourquoi tu ne prends pas un masque de ski au lieu de lunettes de soleil ? lui demande Matthieu.

– Parce que je kiffe pleurer. À ton avis ! Je l'ai oublié ce matin, c'est Sandie qui m'a prêté une paire qu'elle avait en double.

– Heureusement que certaines sont prévoyantes, la taquine Matthieu.

Arrivés au sommet, Betty nous dépasse tandis que Matthieu et moi attachons nos snowboards. J'admire la beauté du manteau blanc qui s'étire devant nous et croise le regard de Matthieu qui me fait un clin d'œil en enfilant ses écouteurs. Je l'imite, et nous sautons en même temps pour nous mettre dans le sens de la piste. La musique résonne dans mes oreilles tandis que je dévale la pente. J'y vais tranquille pour la première de la saison et effectue de grands slaloms, suivant les traces de ski de Betty. La vitesse est exaltante, et je ris du bien que ça me procure. Je me sens libre et heureuse.

Nos seules pauses sont destinées à décider des trajets à prendre, et nous dévalons piste après piste. Au bout de quelques heures, Matthieu s'arrête sur un côté et agite ses bras vers un sapin. Nous le rejoignons pour nous installer et sortons les sandwichs.

– Waouh, la neige est vraiment trop bonne !

– Grave, mais ça ne m'a pas empêché d'admirer la chute magnifique de Matthieu qui a dévalé la moitié de la piste ! lance Betty.

– Quoi ? Comment j'ai pu rater ça ?

– Oui ben ça va, marrez-vous, on verra qui se vautrera cette après-midi.

– Le mec qui a les boules, rigole Betty.

– Ça va mieux toi, dis donc !

– Eh oui ! sourit-elle de toutes ses dents.

Nous nous chamaillons comme des enfants en partageant notre pique-nique. C'est agréable de passer du temps entre collègues en dehors de l'agence, sans pression. Betty se laisse tomber dans la neige et se met à secouer les bras et les pieds. Je m'installe à côté d'elle pour faire de même, et Matthieu nous rejoint, de l'autre côté. Nos rires résonnent tandis que Betty prend nos mains dans les siennes et les lève en l'air.

– J'adore cette journée !! crie-t-elle au ciel.

Comme pour confirmer ses dires, le soleil s'étire derrière les sapins et nous réchauffe de ses rayons brillants. Nous profitons encore quelques instants de ce moment complice, avant de décider d'y retourner. On range nos affaires dans nos sacs et nous rapprochons du bord de la piste. Je m'apprête à m'élancer quand une snowboardeuse me coupe la route.

– Oh ! Ça ne va pas, faut faire attention !

Je rumine dans mon écharpe en la regardant descendre en petit slalom parfait, lui donnant une prestance particulière.

Ouais... Elle gère particulièrement bien, quand même. Mais ce n'est pas une raison !

Je rejoins mes collègues et on dévale la pente pour atteindre le tire-fesses. Je me laisse glisser jusqu'à la barrière et saisis le bâton de Betty pour parcourir les derniers mètres. Matthieu se positionne pour attraper la barre quand je remarque la fille qui m'a coupé la route. Elle porte un pantalon de ski baggy bleu sarcelle et un manteau anthracite à carreaux. Sa capuche pendouille derrière son bonnet bariolé doté d'un gros pompon blanc qui ne laisse échapper aucune mèche de cheveux. Son écharpe en laine épaisse beige, grise et bleue lui couvre une moitié de visage tandis que son masque noir cache ses yeux. Seulement un petit bout de nez rose dépasse de son attirail, et disparaît à mesure qu'elle remonte la pente tirée par le disque métallique.

Stylée.

Et sexy.

Stylée et sexy.

Je suis vraiment fascinée par l'effet que me font les femmes. Enfin surtout celles qui descendent les pistes sur un snowboard. Je m'en rends compte à chaque fois que je vais à la neige. Je n'arrive pas à saisir pourquoi, mais je trouve qu'elles ont un truc en plus que les skieuses n'ont pas. Cette manière de se tenir, peut-être. Les mouvements fluides générés par le fait d'avoir les deux pieds attachés à la même planche. Ou peut-être ce balancement du bassin à chaque fois qu'elles prennent un virage. Je n'en sais rien, et le pire c'est que je n'ai aucune arrière-pensée dans ces moments-là, mais je pourrais les regarder faire pendant des heures.

Arrivée au sommet, je m'engage sur la piste à la suite de mes collègues et les sème rapidement. Je m'arrête à l'intersection d'une bleue et d'une rouge, et jette un coup d'œil derrière moi. Betty indique la droite avec son bâton et Matthieu me dépasse en mimant le signe de la victoire avec ses doigts. Je m'esclaffe et m'élance après lui. S'ensuit un jeu de chat et de la souris entre mes collègues et moi jusqu'en bas de la station. En rejoignant les remontées mécaniques, je procède à un gros dérapage juste devant mes deux compatriotes et les recouvre de neige. Betty crie tandis que Matthieu jure. Et moi, j'éclate de rire. J'entends un grognement sur la droite et aperçois une personne assise sur le bas-côté, en train de frotter frénétiquement son pantalon avec ses gants pour épousseter la neige.

– Oups, désolée ! m'excusé-je en me penchant, un sourire aux lèvres. Ça ne vous était pas destiné.

Elle secoue la main dans un geste désinvolte et se relève. Je remarque qu'il s'agit de la snowboardeuse qui m'a coupé la route un peu plus tôt. Elle me fixe derrière son masque, enfin je suppose. Je lui offre un grand sourire et un clin d'œil. Sa réponse ? Un gros doigt d'honneur. Je ris intérieurement. Je crois qu'elle va me plaire.

Tu ne sais pas dans quoi tu viens de te lancer, ma belle.

Nous remontons à nouveau la montagne et je la perds de vue. J'essaie de la pister, mais le temps rayonnant a attiré du monde et la station s'est bien remplie comparé à ce matin. J'ai même parfois du mal à retrouver mes deux acolytes. Il faut dire que Matthieu a eu la bonne idée de mettre un pantalon de ski noir et une veste blanche, comme à peu près la moitié de la station. Betty, ça va, j'ai moins de souci. Sa combinaison jaune canari se révèle impossible à ignorer ! Je ne comprendrais jamais sa passion pour cette couleur criarde, mais c'est bien utile aujourd'hui.

Je m'arrête quelques minutes pour admirer la vue. Le soleil entame sa descente et les couleurs qu'il projette sur le flanc des montagnes sont prodigieuses. Je ferme les yeux quelques secondes pour imprimer cette image sur ma rétine. J'ai beau vivre quotidiennement dans ce type de paysage depuis des années, je ne me lasserais jamais de la splendeur de cette nature sauvage.

Je soupire de bonheur, pousse sur mes jambes pour me relever et jette un œil au-dessus de moi. J'attends le moment opportun pour m'élancer, quand j'assiste à la chute d'un skieur miniature d'une dizaine d'années, quelques mètres plus bas. Je me précipite et dérape juste en dessous de lui pour arrêter sa glisse et lui demander si tout va bien. Le petit semble un peu désorienté, mais lève le pouce en l'air pour signifier qu'il est en bon état. Je le relève et l'aide à remettre son ski perpendiculaire à la piste. Son pied gauche a déchaussé et je tourne la tête pour essayer de localiser l'objet quand il se matérialise sous mon nez. Une main gantée, à moitié dissimulée sous la manche d'un sweat noir, me tend la petite planche. J'aide le gamin à se rechausser et remercie la bonne âme.

Putain, encore elle !

Je manque d'éclater de rire et hausse les sourcils plusieurs fois, l'air dragueur.

– Eh bien, c'est fou de se croiser autant dans une si grande station... Je commencerais presque à croire aux signes du destin !

Elle ricane en portant ses deux doigts à son casque pour me saluer avant de filer sur la piste. Elle aurait crié « ciao les nazes » que ça aurait eu le même effet.

Je m'assure que l'enfant est suivi d'un adulte et repars dans le sens de la pente, essayant de rejoindre mes collègues. Je les cherche quelque temps tout en profitant de mes descentes et de la neige si excellente pour un début de saison. La musique rythme les virages de ma planche et garde mes pensées non désirées loin de moi. Je m'éclate comme jamais, souriant comme un benêt. Quand j'arrive enfin en bas, je n'ai croisé personne, mais je suis épuisée. J'envoie un texto à Betty voyant que mon téléphone capte, l'informant que je les attends au restaurant d'altitude.

Je me dirige vers la terrasse chauffée où les tables sont presque toutes prises. J'aperçois cependant un gros tonneau de vin repeint aux couleurs de l'enseigne, entouré de deux chaises. Je m'y installe et sens la douce chaleur de la lampe incandescente à mes côtés. Je me coule sur l'assise, les bras serrés contre moi, et savoure ma fin de journée. J'observe les gens qui peuplent le snack. Des familles qui mangent un morceau, des amis qui se retrouvent autour d'un verre, et une ambiance si spécifique aux stations de ski. J'adore.

Mes yeux se posent sur une jeune fille en train de gesticuler pour enlever son anorak, ce qui m'amuse. Je la vois de dos, seule à une table. Elle rabat son manteau derrière elle puis tend ses bras qu'elle arrache d'un sweat noir.

Ma bonne copine !

Un sourire au coin des lèvres, je m'apprête à me lever pour aller la rejoindre – une telle opportunité ne se rate pas – lorsqu'elle enlève son bonnet. Une cascade de cheveux blancs dévale ses omoplates.

C'est une blague ?

Je me recroqueville sur ma chaise, histoire de ne pas me faire remarquer, et sors mon téléphone pour voir si j'ai des nouvelles de Betty. Mais je n'ai plus de réseau. J'attrape le menu et commence à l'ausculter de près. Je me prendrais bien une barquette de frites. Ou une crêpe au chocolat ! Je parcours la liste des desserts, mais aucune crêpe n'est proposée. Pas même des gaufres.

Un peu décevant pour un restaurant d'altitude.

Je pose la carte sur la table et mes yeux s'arrêtent sur Chloé quand je les relève. Elle porte un t-shirt à manches longues écru sur lequel se croisent les bretelles noires de son pantalon. Je peux apercevoir son dos qui se creuse alors qu'elle étire lentement ses bras. Le tissu est proche de son corps, et je devine aisément ses omoplates qui roulent sur ses muscles. Elle se passe les doigts dans ses cheveux, les tord négligemment et les relève sur sa nuque, dévoilant sa peau sous quelques mèches rebelles. Son teint laiteux brille sous le soleil descendant, un grain de beauté brisant la surface lisse de son cou.

Le bruit sourd d'une chaise tombant près de moi me sort de ma transe. Je sursaute et me rends compte que j'étais en train de reluquer Chloé sans vergogne. Je secoue la tête et reprends la lecture de ma carte. Ce n'est pas elle qui va m'empêcher de profiter de mon repos bien mérité quand même. Il faut constamment qu'elle se trouve sur mon chemin d'ailleurs. De toute façon, je la regardais juste parce qu'elle est devant moi. Pour aucune autre raison.

Pourquoi tu ne sais toujours pas ce que le restaurant propose sur sa carte alors ?

Je grogne et me concentre à nouveau sur ma lecture. On a dit une crêpe. Ou des frites. J'hésite. J'ai plutôt soif, en fait. Je tourne la feuille et m'attarde sur les apéritifs, mais le goût de l'alcool ne me tente pas, dans l'immédiat. Peut-être un soda ? Je pose ma tête sur ma main pour réfléchir. Ou un jus de fruits ? Je regarde un peu les tables alentour. Beaucoup de steak-frites se baladent dans des assiettes dépareillées. Quelques sandwichs, et l'éternelle tartiflette, accompagnés quasi systématiquement par de la bière. Ou du coca pour les enfants qui se tortillent sur leur siège, du gras plein les doigts. Que boit Chloé ? Mes yeux dévient de leur trajectoire. Elle a changé de place. Ce n'est plus son dos qui me fait face, mais deux noisettes qui me scrutent.

Démasquée !

Elle me fixe, appuyée contre sa chaise, les bras croisés sur la poitrine et un sourire narquois sur son visage.

Fait chier.

Je me suis grillée toute seule. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de m'en empêcher, mais c'est comme si mes yeux étaient aimantés aux siens. J'ai beau les éloigner ils reviennent toujours dessus, c'est d'un frustrant. Après une bataille de regard qui semble durer une éternité, elle se lève enfin et rassemble ses affaires pour laisser sa place à un couple.

Parfait. Arrivederci !

Je récupère une ultime fois le menu et le plaque devant mes yeux. Je me décide finalement pour un jus d'abricot et repose la carte pour héler le serveur qui passe à la table voisine, quand je sursaute. Chloé se tient là, face à moi. Elle s'assied sans piper mot, comme si c'était normal. Je ne l'ai pas invitée, moi ! Le garçon me fait un signe pour me dire qu'il arrive et repart en direction de l'intérieur.

– Salut, Charly.

Je ne réponds pas. Elle arbore un sourire carnassier sur son visage, et pose son menton sur ses deux mains ouvertes, visiblement très fière d'elle. Elle fait un peu peur, si je dois être honnête.

– Ça va ? demande-t-elle en laissant traîner la dernière lettre.

Elle a bien conscience d'avoir une longueur d'avance sur moi, et ça semble beaucoup l'amuser. Je soupire en guise de résignation, à quoi sert de lutter ?

– Ça va. Drôle de journée.

– En effet ! Très instructive, même.

– Pour ta gouverne, je n'avais aucune idée que c'était toi.

Elle mime une fausse moue boudeuse et répond avec sarcasme.

– Oh mince, c'est vrai ?

Elle secoue doucement la tête. Son rictus au coin des lèvres déteint sur moi.

– Je croyais que tu n'étais pas censée venir ?

– C'est le cas. Mais finalement mon week-end s'est libéré. Et j'en suis ravie, ça aurait clairement été dommage de louper ça ! me nargue-t-elle.

– Salut, les girls ! lance le serveur un plateau à la main. On se pose tranquillou en terrasse ? On se dénude pour se faire bronzer ? Ou pour draguer les beaux mecs comme moi, ajoute-t-il avec un clin d'œil et une voix de gros lourdaud.

La concernée se retourne vivement et je pourrais presque voir des boules de feu sortir de ses orbites.

– Il est sérieux, lui ?

– On va commander ! lancé-je un peu fort pour essayer de couvrir les paroles de ma référente.

Ce n'est pas le moment de provoquer un esclandre.

– Mais tout ce que vous voulez ! roucoule-t-il de sa voix traînante et insupportable. Qu'est-ce que je vous sers ? Un petit Mojito ou un Cosmopolitan pour ces demoiselles ?

Chloé fulmine. Et je finis par m'aligner.

Il est sérieux, lui ?!

Il n'est pas capable de proposer des crêpes, par contre pour distribuer des tartines de conneries, là il y a du monde.

– Bon, ça va être simple : les "mesdemoiselles", elles ne sont pas "dénudées" pour ton petit plaisir de pervers, et elles vont prendre une grosse pinte de bière et...

Chloé me lance un regard pour que je complète la phrase, ce que je m'empresse de faire :

– ... un diabolo grenadine.

– Et ce sera tout, merci bien, le congédie-t-elle, les yeux bouillonnant de reproches, non sans m'avoir lorgné avec étonnement juste avant.

Le serveur repart sans son sourire et l'air contrit.

Quel naze.

– Tu as raison d'éviter l'alcool, raille Chloé avec un sourire, c'est mauvais pour toi, tu ne gères pas du tout, ça te fait faire des conneries après.

– Ah d'accord, tu es comme ça, toi. Tu attaques sans transition.

– On n'est plus à ça près, je crois.

– Dis donc, ma connerie elle s'est jouée à deux quand même, rétorqué-je en arquant un sourcil. En plus, je voulais un jus d'abricot...

Elle observe ma moue boudeuse, sceptique, me demandant pourquoi je n'ai pas commandé ça.

– Je ne sais pas, ta réaction m'a stressée, j'ai balancé le premier truc qui m'est passé par la tête. J'ai cru que tu allais l'étriper, je me suis dit qu'il valait mieux pour lui qu'il déguerpisse au plus vite !

Son visage se détend. Elle se laisse aller contre le dossier de sa chaise, les bras croisés, et ses lèvres s'incurvent doucement vers le haut.

– Alors comme ça, je te stresse ?

– Pas le moins du monde.

– Ben je devrais, statue-t-elle avec une indignation feinte. Parce qu'on va devoir parler, ma vieille.

Je lève les yeux au ciel, mais sa réflexion m'amuse. Je note sa différence d'attitude par rapport au boulot et aux soirées. Elle semble plus posée, plus détendue, et sûre d'elle. Ce qui la rend plus sexy aussi, et ce n'est pas pour me déplaire.

– C'est pour ça que tu as passé ta journée à m'ignorer ? Parce que j'ai plein d'idées plus intéressantes à te proposer à la place de discuter.

– Le genre d'idées que tu avais derrière la tête à chaque fois que tu draguais des meufs aujourd'hui ?

– Je n'ai pas dragué "des" meufs, précisé-je en appuyant sur le pluriel.

– Ah bah ça c'est sûr, à chaque fois c'était moi.

Je rejette ma tête en arrière en soupirant, amusée.

– Pourquoi, ça t'a dérangé ? demandé-je en fixant ses pupilles.

– Pas le moins du monde.

Elle reprend mes mots avec sérieux, sans quitter mes yeux, et le rouge me monte soudainement aux joues.

Oh ?

Le serveur apporte nos boissons et ne s'attarde pas à notre table en croisant le regard noir que lui lance Chloé. Elle lève son verre pour trinquer.

– À la paix ? proposé-je.

Quelle naïveté.

– Aux meufs qui couchent avec toi avant de te ghoster sans pression !

Et elle claque son demi contre mon sirop avant d'ingurgiter une longue lampée de bière, ses yeux brûlants soudés aux miens.

Oh putain...

J'avale ma salive de travers et toussote, puis bois quelques goulées de ma grenadine.

Elle ne dit rien de plus, se contentant de me fixer. Elle ne semble pas hostile ni rancunière. Elle a juste posé ça là, comme ça, et j'en fais ce que je veux.

On s'observe quelques instants qui me paraissent une éternité. Le soleil tombant la frappe de plein fouet et donne à son teint une couleur orangée sublime. Ce serait vraiment me fourvoyer que de prétendre qu'elle n'est pas magnifique. Elle est même véritablement attirante.

– Charly ?

– Oui ?

– Tu me dévisages...

– Ah.

– Ouais.

Je soupire, expirant un sourire qui vient se poser délicatement sur ses lèvres.

– C'est assez étrange, lâche-t-elle finalement.

– De quoi ?

Elle m'observe de ses petites noisettes expressives, le visage détendu. Elle apparaît très différente du quotidien avec ses cheveux ébouriffés, ses joues rosies à cause du froid. Mais c'est surtout la sincérité de son sourire qui me transperce le cœur.

– On devrait peut-être arrêter de faire semblant, non ? suggère-t-elle en fronçant légèrement le nez.

– Faire semblant de quoi ?

– De se détester ?

Elle agite la main entre nous deux, de manière à statuer une évidence.

– Je ne t'ai jamais détestée, Chloé.

Elle hausse un sourcil comme si elle n'en croyait pas un mot.

– Je n'ai jamais spécialement eu envie de te connaître, je le concède. J'ai laissé mon jugement prendre le contrôle, et j'en suis désolée. Parce que tu t'avères être quelqu'un d'intéressant, finalement.

– Tiens donc. Pourtant, tu étais très motivée à connaître mon corps il n'y a pas si longtemps...

Elle n'a même pas pris une seconde pour réfléchir avant de parler, elle a sorti ça d'une traite, comme si ça faisait trop longtemps que c'était coincé en travers de sa gorge. J'hésite à faire de l'humour, mais je crois que je lui dois une explication.

– Je dois t'avouer un truc... Cette nuit-là, enfin surtout ce qu'il s'est passé entre nous deux... C'est très très flou.

– Comment ça ?

– J'avais beaucoup bu...

– Oui, ça j'avais remarqué, d'où ma remarque ! rit-elle.

– Je n'ai réalisé ce qu'il s'était passé qu'en te revoyant à l'agence pour mon premier jour...

Elle éclate d'un rire désolé.

– Oh merde ! Et tu n'as toujours aucun souvenir ?

Je secoue la tête.

– Très peu. Je ne sais même pas comment je suis rentrée chez moi.

– Ta pote enceinte avec qui tu es venue. Elle t'a ramenée, une paire de clés et ta dignité en moins.

Je m'étouffe légèrement avec ma gorgée.

– J'étais bien imbibée aussi, confesse-t-elle, à peine honteuse. Je ne crois pas qu'on ait réellement compris ce qui se jouait entre nous avant d'en arriver au fait. Tout ce que je sais c'est qu'à un moment on s'est retrouvées chez moi pour récupérer de la bouffe je crois. Mais tu as su me proposer des atouts très convaincants avant de retourner chez Pauline. Franchement Charly, quand tu as une idée en tête... Je n'ai pas eu le courage de nous stopper dans notre élan, tu étais tellement...

Elle s'arrête soudainement comme si elle venait de se trahir.

– Tellement quoi ?!

– Laisse tomber.

– Tu n'assumes pas ?

– Tu vois, quand tu as une idée en tête tu ne lâches pas le morceau...

Je secoue la tête en riant.

– Allez, Chloé, accouche.

– Tu étais canon, crache-t-elle presque à contrecœur, et je n'avais aucune envie de te repousser. Contente ?

Un sourire immense me mange alors le visage.

Très.

Le silence se fait. Le soleil poursuit sa descente, ayant presque perdu tout pouvoir chauffant, et le ciel est maintenant rougeâtre. Chloé enfile son sweat et son écharpe avant de jeter un coup d'œil à son téléphone posé sur la table, ce qui me fait penser à un détail.

– Et mon numéro, tu l'as eu comment ?

– Au moment de partir de chez moi, tu ne retrouvais pas ton portable, du coup tu m'as demandé de te faire sonner. J'ai contacté trois personnes différentes avant que tu te souviennes correctement de ton numéro.

– Oups, désolée.

Chloé se penche alors vers moi et agrippe mon attention.

– Arrête de t'excuser Charly. À part si savoir tout ça te dérange. Mais crois-moi, je ne regrette rien de cette nuit.

Elle arque un sourcil tandis que je déglutis, puis se redresse comme si de rien n'était en hochant son menton vers le parking.

– On devrait y aller, tu vas rater ton car, ajoute-t-elle en détournant les yeux.

Et c'està cet instant précis que je sais. Je sais qu'entre elle et moi, plusrien ne sera jamais pareil.

*******

Hello !

Voici le nouveau chapitre dans un cadre qui ne colle pas du tout à la saison actuelle xD

J'espère qu'il vous a plu !

A demain pour la suite et bonne fin de week-end !

xx

Victoria

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