Hating, Craving, Falling

By VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 23

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By VicArroyo

Mon quotidien est devenu étouffant. Ma région de cœur s'est transformée en un berceau de rancœur et j'avais besoin plus que jamais de m'extirper de ça. C'est donc après une longue réflexion d'environ deux minutes et un coup de fil, que j'ai balancé des fringues à tout va dans un sac de sport et sauté dans le premier train en direction de Paris.

Je ne pensais pas un jour autant valoriser un départ pour la capitale, et pourtant. À côté de cette ville surpeuplée, une petite bourgade campagnarde abrite la maison de deux amies que je vois bien trop rarement, et leur mini-elles que je n'ai toujours pas rencontré. N'étant encore jamais allée dans leur nouvelle demeure et voulant plus que tout quitter le bordel ambiant de Passy et ses alentours, Noémie et Mathilde m'ont lancé une bouée de sauvetage. Je ne crois pas avoir jamais pris une aussi bonne décision de toute ma vie. Ce week-end a été une véritable bouffée de fraîcheur qui m'a fait beaucoup de bien.

Leur petit Jules est une tornade de bonne humeur qui a fait fondre mon cœur dès mon arrivée. Haut comme trois pommes, et marchant déjà – je me suis maudite de ne pas avoir fait le déplacement plus tôt – il m'a attrapé la main pour me faire visiter les alentours. Il cherchait surtout à s'entraîner sur son terrain de jeu, mais il a quand même réussi à me trimballer sur les trois étages et sur les deux hectares de champs qui entourent la résidence.

La maison, quant à elle, est splendide. Noémie est architecte tandis que Mathilde est menuisière. Autant dire qu'elles font la paire. À elles deux, elles ont transformé une vieille bâtisse qui était autrefois un manoir, en un foyer familial resplendissant.

Durant deux jours, nous avons actualisé nos histoires respectives, cuisiné pour cent, foulé la terre de nos nombreuses balades, et amusé le gamin jusqu'à nous épuiser – nous, pas la bête.

Durant deux jours, mon cœur était apaisé et mon esprit détendu. J'avais mis ma vie sur pause, mes problèmes entre parenthèses, pour ne me consacrer qu'à mes amies et nos retrouvailles. Je n'ai jamais autant apprécié mes jours de congés hebdomadaires. En repartant, je me suis jurée de venir les voir plus souvent, triste de quitter ce havre de paix et angoissée à l'idée de retrouver l'enfer que je m'étais partiellement créé.

***

La semaine s'est écoulée autour de moi comme si je la vivais de loin. Rares sont les fois dans ma vie où j'ai eu l'impression de porter un masque, mais cette semaine en a fait partie. Rares sont les moments d'incertitude qui m'engloutissent et font de mon existence un gigantesque point d'interrogation, mais cette semaine en a fait partie. Rares sont les évènements de ma vie d'adulte qui me mènent à douter de moi et de mes capacités, qui impactent ma confiance en moi et me font me sentir comme une moins que rien, mais cette semaine en a fait partie.

Quand j'ai rejoint Pauline dans le hall des urgences, une infirmière est même venue me demander si tout allait bien et à quelle échelle je plaçais ma douleur. Quelle douleur ? Celle d'avoir passé l'entièreté de ma vie à être rejetée par un père qui n'a jamais rempli son rôle ? Celle de m'être pris les éclats de mon ego en pleine gueule à cause d'une fille qui n'avait pourtant aucune importance pour moi ? Ou encore celle de n'avoir absolument rien ressenti quand le corps de mon grand-père est progressivement descendu sous terre ?

J'espère qu'il est descendu loin, très loin sous le niveau de la mer, jusqu'aux portes de l'enfer, jusqu'à se faire lécher par les flammes qui damneront son éternité.

– Ça te grille le cerveau de regarder Lucifer en boucle, en fait, se moque gentiment Pauline en m'écoutant lui faire mon débrief de la semaine.

– C'est ça ou finir toutes tes bouteilles de rhum pendant que tu es de garde, rétorqué-je avec un faux sourire figé sur mes lèvres.

– Lucifer, c'est bien !

– Je me disais aussi.

Pauline se lève de la petite table ronde, devenue notre quartier général le temps de sa pause, pour aller récupérer sa pizza réchauffée au micro-ondes. La cafétéria de l'hôpital de Sallanches est déserte. À vingt et une heures, les patients occupent leur chambre, ou remplissent la salle d'attente en espérant être pris en charge rapidement. Les visites sont terminées depuis une heure, seuls quelques parents rodent, les traits tirés, soucieux de la santé de leurs enfants hospitalisés deux étages plus hauts. Et le personnel, comme Pauline dont la blouse blanche s'accorde avec perfection aux murs immaculés de la grande pièce rectangulaire, opère des va-et-vient réguliers avant la fermeture du réfectoire.

– Bon, reprend ma meilleure amie en se rasseyant face à moi, en même temps, maintenant que ton grand-père est enterré, tout ça c'est fini, non ?

– Comment ça ?

– Ben tu n'as plus vraiment de raison de revoir ton père. Tu voulais couper les ponts depuis un moment, il me semble ?

– Mmmhh...

Je joue avec la paille qui dépasse de mon gobelet rempli de limonade.

Ne plus avoir aucun contact avec mon père est une éventualité des plus séduisante, mais je ne vois pas trop comment ce serait possible. Il a beau lutter contre, je suis sa fille et je serais toujours liée à lui, d'une manière ou d'une autre, que je le veuille ou non.

– Ce n'est pas obligé, commente Pauline.

Il faut vraiment que tu arrêtes de penser à voix haute, sérieux.

Je soupire et lève les yeux vers elle en la dévisageant. Ses longues heures de travail ont creusé de profonds cernes autour de ses iris bleu. Quelques mèches éparses viennent se poser sur ses joues rebondies qui lui donneront probablement un air enfantin jusqu'au bout de sa vie. Elle ne dit rien et se contente de mâcher sa pizza, se léchant de temps à autre les lèvres tachetées de résidus de maquillage. Du bout de l'ongle, elle se gratte le petit espace entre ses molaires. Ne me voyant pas réagir, elle avale sa bouchée en s'essuyant les mains sur une serviette en papier.

– Tu devrais l'affronter une bonne fois pour toutes, lui balancer ses quatre vérités dans la gueule et tourner définitivement la page.

Je me triture les lèvres, les presse entre mes doigts, en tordant la pulpe entre mes dents. Les yeux dans le vague, je réfléchis à ce que me conseille mon amie.

– Après tu fais ce que tu veux, bien sûr. Mais ça te permettrait de clore ce chapitre de ta vie, sans non-dits qui resteraient suspendus encore des années durant et te boufferaient l'existence. Et franchement, qu'il soit ton géniteur ou pas tu ne lui dois rien. Ce n'est pas parce qu'ils t'ont donné naissance que tu dois rester attachée à des personnes ultra toxiques. À un moment donné, l'ADN ça ne fait pas tout.

Un court silence se répand dans la cafétéria, uniquement perturbé par les bruits de bouche d'une Pauline qui a clairement la dalle. Ce n'est pas la première fois qu'on a cette conversation elle et moi, et ça rejoint le discours de ma psychologue, mais pour la première fois j'en viens à le considérer sérieusement.

Mes yeux se posent sur le moineau venu parcourir l'immense fenêtre qui longe la pièce, puis sur le rail de plateaux sales qui défilent vers la cuisine, puis sur la date de péremption du yaourt aux fruits ouvert devant moi, et enfin, sur ceux de ma meilleure amie.

– Je crois que je vais démissionner.

Les paupières de Pauline semblent être victimes d'un soudain dysfonctionnement et se mettent à clignoter. Ses sourcils se froncent. Elle en lève un tandis qu'elle plisse les yeux. Elle penche la tête d'un côté, fronce à nouveau les sourcils.

– Quoi ?

– Je me suis frittée avec Chloé.

La poitrine de Pauline s'affaisse à mesure qu'elle expire tout l'air qu'elle contenait et elle me lance un champignon dans la figure.

– Putain, tu es conne, tu m'as fait peur.

– Ouais, ben je n'en suis pas loin pourtant.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ce n'est pas une habitude entre vous ?

– Elle a dû venir t'en parler non ? Vous aviez tellement l'air comme cul et chemise la dernière fois...

Pauline se met à rire.

– C'est moi où je discerne une pointe de jalousie dans ta voix ?

– Juste une pointe de « vous vous mettez à discuter comme de vieilles copines alors que ça sort de nulle part ».

– On s'entend bien, mais on ne parle pas de nous-même. Nos conversations restent très superficielles.

– Ce n'est pas étonnant vu à quel point elle l'est...

Devant l'incompréhension de mon amie, je reprends tout depuis le début. La nuit que nous avons partagé avec Chloé, nos différends au boulot, notre volonté de faire en sorte que tout se passe pour le mieux, la présence de Chloé dans ma famille, pour terminer sur cette déclaration inattendue. Elle relit plusieurs fois le message et semble aussi perdue que moi.

– Étrange, en effet, admet-elle.

– C'est surtout que ça ne colle pas du tout avec son attitude. Je suis d'accord qu'il y a eu quelques petits moments de flirt, et encore je ne sais pas si c'était moi qui me faisais des idées ou non vu qu'on passait plus de temps à s'en foutre plein la gueule... Enfin, elle s'est justifiée en disant que c'était des conneries, pour rigoler.

– Bizarre, pourquoi elle aurait fait ça ?

– Je n'en sais rien, mais honnêtement, on s'en fiche du pourquoi du comment. Tout ce qui compte c'est qu'elle s'est payée ma tête. Alors qu'elle est venue assister à mon humiliation chez mon grand-père, et après elle me sort ce genre de propos ? Enfin, je ne sais pas, c'est dégueulasse non ?

Pauline acquiesce tout en semblant réfléchir et me questionne sur ma réponse à Chloé.

– J'ai complètement pété un câble, avoué-je en secouant la tête. J'ai conscience que je suis peut-être allée un peu loin, mais c'était comme si je n'avais plus aucun contrôle sur mes paroles ni sur mes émotions.

– C'est normal Charly. Tout traumatisme a ses déclencheurs, et toute blague ses limites. Les mots qu'elle t'a écrits résonnaient avec ceux de ton père, et ça semble avoir fait resurgir les émotions que tu ressentais face à ses propos et ses actes.

– Je pensais réellement être passée à autre chose. Toutes ces années de suivi, de remise en question, de réappropriation de mes émotions justement... Je pensais être guérie de ça.

– Charly, on ne guérit jamais totalement de ce type de blessures, mais on apprend à vivre avec et à s'en détacher, et c'est ce que tu fais depuis des années. Ce n'est pas parce que parfois les souvenirs te submergent, qu'ils soient conscients ou inconscients d'ailleurs, que tu ne vas pas mieux. Tu es juste humaine. Et suite aux derniers événements, c'est normal que ça revienne. On ne choisit pas quand notre corps et notre esprit se mettent en état d'alerte parce qu'ils se sentent menacés, et on ne peut pas contrôler ce qui les met dans cet état. Mais ça ne rend pas moins ces réactions légitimes. Et ça rejoint le fait que tu as, peut-être, encore certaines choses à régler sur le sujet.

J'ai passé tellement de temps à travailler sur mon passé, à ressasser des souvenirs, des sensations, mais aussi des conclusions que je tirais de tout ça. J'ai dû réapprendre à avoir confiance en moi, à réaliser que j'ai le droit d'exister, que je ne suis pas insignifiante. Mais dans ces moments-là, tout me revient comme une déferlante dans laquelle je ne peux plus respirer. Une vague qui m'emporte sans que je ne parvienne à retrouver la surface. Et soudainement, je me demande si Chloé, elle aussi, se bat contre son propre tsunami.

– Ça pourrait être cohérent avec ce que tu me racontes. Mais ça pourrait aussi être simplement sa manière d'être. Tu n'en sauras rien tant que tu ne te poses pas pour parler avec elle.

*******

Bien le bonjour, 

bon courage pour cette dernière journée avant le week-end !

J'espère que ce chapitre vous a plu, il diffère pas mal de l'original mais ça m'a beaucoup plu de le retravailler !

On arrive presque à la moitié de l'histoire !

À demain pour la suite

Bonne journée,

xx

Victoria

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